Le professeur des relations internationales à l'université Mohammed V de Rabat, Mohamed Moatassim, assure qu'il connaît personnellement le président algérien, Abdelaziz Bouteflika. Selon lui, ce dernier est capable de changer de position concernant l'affaire du Sahara. Aujourd'hui Le Maroc : Pensez-vous que l'affaire du Sahara connaît effectivement un nouveau tournant avec l'arrivée de Zapatero à la tête de l'Exécutif espagnol ? Mohamed Moatassim : En effet, j'estime que l'arrivée des socialistes au pouvoir en Espagne est certainement un changement de bon augure. Les socialistes, je tiens à le préciser, ont été beaucoup plus proches du Maroc que ne l'a été l'ancien président du gouvernement, José Maria Aznar, qui avait une approche néocolonialiste. Le PSOE a une politique étrangère claire. En témoignent la visite symbolique de Zapatero au Maroc et les faits dans lesquels elle s'est traduite. Je pense notamment à la visite du Premier ministre des Iles Canaries, qui a été reçu au plus niveau de l'Etat. Aujourd'hui, on peut affirmer qu'il y a moins d'animosité entre Rabat et Madrid. En quoi la France et l'Espagne peuvent jouer un rôle décisif dans le règlement de l'affaire du Sahara ? La France et l'Espagne sont les seuls pays capables d'attester des frontières marocaines avant la colonisation. Et pour cause, La France a occupé le Maroc et a sous-loué ses parties nord et sud à l'Espagne. Le jour du départ de la France, il était tout à fait naturel que les Espagnols quittent l'ensemble du territoire marocain. Aussi, j'ai le sentiment que l'Espagne de Zapatero, aidée dans cela par la France, essaye d'endiguer l'influence américaine dans la région. Et pour cause, les Etats-Unis ont entrepris de court-circuiter en quelque sorte les puissances en place. Pensez-vous que l'Algérie compte également changer de position concernant cette affaire ? Il faut partir du principe qu'Abdelaziz Bouteflika, le président algérien, peut aisément passer outre le polisario si ses intérêts sont menacés. Aussi, je vous rappelle l'intervention de Bouteflika, lors de la campagne présidentielle en Algérie, dans laquelle il a affirmé qu'il ne laissera aucun Algérien mourir pour le Sahara. En d'autres termes, ce qui prime pour lui ce sont ses intérêts. Je pense que Bouteflika a compris que l'environnement international n'est pas favorable aux thèses séparatistes. La construction maghrébine est bloquée par ce conflit artificiel. Que pourrait comporter le "deal" entre le Maroc et l'Algérie pour le règlement de cette affaire ? Il est difficile de le savoir, aujourd'hui. On peut toutefois penser que l'Algérie tient fermement à arracher du Maroc le renoncement aux régions de Colomb-Béchar, Touate et Tindouf. Ce sont des régions où les habitants faisaient la prière au nom du Sultan marocain et commerçaient avec le Dirham. Nous avons des preuves de leur marocanité, aussi irréfutable que pour le Sahara. Pensez-vous que l'Algérie de Bouteflika puisse accepter ce type d'accords ? Je connais personnellement le président Bouteflika. Nous avons eu beaucoup de discussions autour de l'affaire du Sahara. Je peux dire qu'il est capable de grands gestes. Il est marocain avant d'être algérien. Il a grandi sur la terre bénie d'Oujda. D'ailleurs, Feu H'jira était son maître à penser, qui lui a appris le nationalisme. Il a débuté comme bon nombre de jeunes marocains de notre génération dans les rangs du parti de l'Istiqlal, à l'époque un véritable mouvement de libération et pas une formation politique. Bouteflika, donc, est capable de comprendre que l'entêtement mène à l'impasse. Le polisario, dont Bouteflika est un des créateur, condamne l'édification de l'UMA et partant l'avenir des millions de jeunes maghrébins. A cause de ce conflit, notre Encrage en Europe sera toujours boiteux, voire impossible. Le contrôle de la région sera difficile, pour ne pas dire irréalisable. Le terrorisme proliférera. Car a source du terrorisme est avant tout le sous-développement.