Le peintre Houssein Miloudi expose ses œuvres jusqu'au 11 mai à la galerie Al Manar à Casablanca. Sa peinture reflète un monde éclaté. Le visage imberbe, à la fois poupin et tourmenté, de Houssein Miloudi semble refléter l'étonnement qui fait écarquiller les yeux des enfants devant la découverte. Son aptitude à l'étonnement est alliée à une tendre détresse d'homme qui n'ignore pas qu'il a été jadis un enfant capable de s'émerveiller de tout, et que la vie a marqué par son avarice des instants de féerie. L'inquiétude de Miloudi se lit dans sa peinture. Peinture dont les lignes jaillissent de tous les côtés pour crier l'éclatement d'un monde homogène. Considérer un tableau avec des formes géométriques parfaites, des carrés à l'intérieur desquelles logent des figurines, et puis l'espèce d'éclatement qui déchire le tout. Les tableaux de Miloudi ressemblent à une tour de Babel dont seuls quelques éléments traduisent la nostalgie d'un monde homogène qui a été déconstruit. Même l'apparition des mains, motif demeuré étranger au monde de représentations du peintre, n'échappe pas à cet éclatement qui marque nombre de ses tableaux. Cette main ressemble à une météorite, corps parfaitement uniforme, et dont la queue enflammée atteste la déflagration des éléments. D'autre part, le souci du détail caractérise la peinture de Miloudi. À l'intérieur de chaque tableau, de minuscules figurines prouvent la maîtrise du graphisme dans l'art de Miloudi. Ces figurines, avec des membres entrelacés, semblent provenir de quelques représentations laissées par les Aztèques ou une civilisation extra-terrestre. De drôles de bonshommes squelettiques, répétés inlassablement sous des formes diverses, dans de petits carrés juxtaposés les uns aux autres. Et puis, il y a des oiseaux – juste la forme élémentaire d'un oiseau. Ces formes ressemblent à des idéogrammes. La peinture de Miloudi s'apparente à une écriture. Ce n'est pas pour rien qu'il ne titre pas ses tableaux. Sa peinture ne peut supporter l'adjonction d'un alphabet qui en limiterait le dire. Ses figurines constituent au demeurant la marque patente de l'art de l'intéressé. Où que l'un de ses tableaux soit, on l'identifie immédiatement comme étant un Miloudi. Cette identité manifeste de sa peinture est la marque des artistes authentiques. Miloudi a abandonné pour quelque temps ses formes géométriques, et puis il s'y est replongé. «Tout simplement, parce que je ressentais le besoin de les reprendre. Je serai incapable de dire pourquoi, mais c'est un besoin.» précise-t-il. Miloudi n'est pas très loquace sur sa peinture. Il emploie souvent des verbes, des adjectifs et des substantifs qui désignent une réalité sensorielle ressortissant fondamentalement à l'affectivité. L'explication n'est ainsi d'aucun secours lorsqu'on cherche à le faire parler sur les composantes de ses tableaux. L'homme ne fait pas partie de ces artistes qui escortent leur art par un cortège verbal! Par ailleurs, l'autre question majeure dans l'art de ce peintre, c'est la distance à laquelle on se tient pour se saisir de ses tableaux. De loin, les détails fourmillent dans une explosion qui impose l'idée d'un jaillissement ou d'une violence. De près, il existe une netteté dans les détails qui donnent à voir une multitude de mondes infimes à l'intérieur de chaque carré. Le peintre Max Ernst est arrivé une fois avec l'ensemble des œuvres de son exposition dans une boîte d'allumettes. Il les avait intitulées des microbes. Miloudi pourrait en faire autant en défaisant le puzzle que constituent ses carrés géométriques pour les présenter distinctement. Toute la violence de la peinture de Miloudi tient dans sa signature en arabe. La lettre (s) du mot Houssein est si sabrée, si entrelacée qu'elle ressemble à des montagnes russes. Tel peintre, telle signature. Il y a un nerf vivant dans celle de Miloudi. Comment cela pourrait en être autrement, lui dont la maison se trouve à proximité de la zaouïa des Aïssaous. À se demander si la transe et la jedba qui sont le quotidien de cette zaouïa ne contaminent pas l'œuvre du peintre.