Invité par le Centre Jacques Berque et l'Institut français de Rabat, l'historien algérien Mohamed Harbi a présenté, lundi dernier, le premier volume de ses mémoires. Un homme s'y révèle en même temps qu'une période déterminante de l'Histoire de son pays. «Je suis un enfant du mouvement national», c'est ainsi que l'historien algérien Mohamed Harbi a commencé la présentation de ses mémoires intitulés «Une vie debout», parus aux éditions La Découverte en 2001. Ces mémoires participent à la fois de l'Histoire et de l'autobiographie. Leur auteur espère atteindre avec le maximum de subjectivité à l'objectivité. Il donne à lire une période s'étendant de 1945 à 1962. Cette période est retracée à travers le vécu de l'auteur. Il est l'acteur principal d'une Histoire qu'il tient à éclairer avec son propre témoignage. Mohamed Harbi a recueilli une histoire – la sienne – pour accéder à la compréhension de sa société. Il appartient à une famille de notables, soucieuse des traditions arabo-musulmanes. Il était à cet égard considéré comme un Arabe musulman et non pas comme un Algérien, d'où les multiples problèmes identitaires auxquels va buter l'auteur, et par extension nombre de ses compatriotes. La compréhension de soi ne cesse ainsi de renvoyer à celle des autres, et d'éclairer par un témoignage personnel la vie du groupe. Problèmes identitaires au regard des deux écoles où il a fait son apprentissage : la coranique et la française. Le propre témoignage sur sa vie lui donne une liberté de ton que ne permet pas toujours la distance que doit maintenir un historien à l'égard des faits. Harbi ne fait pas d'ailleurs dans le genre langue de bois. Il dit à propos de son expérience de l'école coranique : «On y apprend l'obéissance passive. La servilité et l'assujettissement au maître y sont obligatoires». En revanche, l'école laïque lui a permis de développer son intelligence critique et l'a aidé dans l'élaboration de son monde représentations. Harbi entre très jeune dans la résistance. Il substitue le parti à sa famille. Sacralité de ce parti, considéré comme une puissance suprême et dont il faut coûte que coûte s'acquitter des tâches qu'il assigne à ses membres. Harbi fait connaissance avec les méthodes brutales de la police coloniale dans les commissariats, milite au sein du MTLD (Mouvement nationaliste fondé dans les années 40, le parti de Messali Hadj). Une fraction se réclamant de la lutte armée va se détacher de ce parti : le FLN (Front de libération national). Guerre fratricide à l'intérieur du FLN pour le pouvoir. Harbi a vécu tout cela de l'intérieur, et son propre témoignage, son vécu, ne cessent d'ajouter du sens à l'une des périodes les plus déterminantes dans la constitution de l'Algérie actuelle. Le FLN était au début un mouvement de résistance composite avec des personnes de tous bords : libéraux, socialistes et communistes. Un noyau « autoritaire, populiste contrôlait tout », précise l'intéressé. Ce dernier fait le choix des armes et entre dans la résistance clandestine. Il est chargé de l'information à la tête de la fédération de France du FLN. Il quitte en 1958 la France pour rejoindre le gouvernement provisoire de la République algérienne basé au Caire. Après avoir dirigé le cabinet civil du ministre des forces armées du FLN, Krim Belkacem, il se voit confier par celui-ci, devenu ministre des affaires étrangères, les relations avec les pays de l'Est. Il participe également aux premières négociations d'Evian en 1961. Ses mémoires se terminent avec l'indépendance de l'Algérie. La suite, on la connaît : incarcéré pendant six ans en Algérie, suite au coup d'état de Boumédiène en 1965, il s'évade en 1973 et rejoint la France. Il reste à attendre le deuxième tome des mémoires de Harbi. Ce tome ne présenterait assurément pas la même vision de l'intérieur de l'Histoire de l'Algérie, puisque l'auteur y assistera de l'extérieur.