ALM : Vous êtes une chanteuse qui a choisi le répertoire traditionnel de la musique andalouse. Quel est le point de départ de votre carrière musicale ? Ihsane Rmiki : La musique m'a été transmise par le sang. Je suis originaire de Ksar Kébir. J'ai vécu dans une famille et dans un environnement où la musique andalouse traditionnelle était constamment présente. J'ai donc été bercée sur les mélodies des Mouwashaht et aussi du Samaa soufi. Un répertoire pour lequel j'ai opté dans ma carrière musicale. J'ai toujours voulu interpréter ce style de chant qui fait partie de notre patrimoine musical traditionnel. J'ai commencé avec les Mouwashahat pour après adopter la Ala anadalousia et suivre l'école du maître Bajedoub. Cependant, mon vrai départ a eu lieu il y a de cela là six ans à Marrakech. J'ai intégré le Conservatoire de musique et là j'étais dirigée entre autres par le professeur Aït El Kadi. C'est ainsi que j'ai essayé de me perfectionner dans le chant traditionnel soufi et des Mouwashahat qui nous viennent d'Orient. Ce style de musique était autrefois interprété dans le cadre des soirées de « Dikr » organisées par les confréries religieuses. Aujourd'hui, les choses commencent à prendre une autre forme, dans la mesure où il ya de plus en plus de musiciens qui interprètent en solo des chants de ce répertoire. Aussi, le chant soufi peut être aussi adapté à des ambiances festives. Ce n'est pas nécessaire qu'il y ait une ambiance de spiritualité. En tant qu'artiste, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confronté dans votre carrière ? Globalement, je pense que dans notre pays, les artistes de manière générale souffrent d'un manque d'occasion. Ils sont rarement encouragés. J'entends par là qu'il y a rarement des initiatives qui visent à donner la chance à nos musiciens et à les inviter à des spectacles pour faire découvrir leurs talents. Aussi, j'aimerais préciser que plusieurs artistes marocains ne trouvent pas leur place dans les médias. Ils sont rarement invités à des plateaux de télévision pour que les spectateurs les découvrent. A mon avis c'est l'une des raisons pour laquelle certains musiciens restent dans l'ombre. Mais heureusement qu'il y a certains individus de la société civile qui donnent un coup de pouce aux artistes et qui les invitent aux festivals et autres rencontres culturelles. J'aimerais citer ici, à titre d'exemple, le centre Tarek Ibn Ziyad qui m'a personnellement beaucoup aidée. Quelle est la solution selon vous pour que les artistes sortent de l'ombre? Il faudrait, à mon humble avis, multiplier les occasions de rencontres, les colloques et les festivals sur la musique traditionnelle aux multiples influences. Ceci tout en sachant que le Maroc est riche en talents musicaux. Pensez-vous que les spectateurs sont réactifs à ce style de musique ? C'est vrai que par moment, on se dit que les goûts des Marocains ont changé, compte tenu de l'avancée technologique. Chaque jour, on assiste à la naissance de nouveaux chanteurs. Mais on se trompera si l'on pense que les jeunes Marocains n'écoutent pas la musique du patrimoine traditionnel. J'ai été moi-même surprise lors de mon concert dans le cadre de Mawazine. Je pensais que dès que j'allais prononcer le premier mot, le public allait s'en aller. Mais ça n'a pas été le cas. Le public en majorité issu d'un milieu populaire, a suivi le concert jusqu'à la fin. J'étais agréablement surprise. C'est la preuve que notre peuple est assoiffé de ce genre de musique. Vous avez produit votre premier CD de musique soufie, pourquoi n'est-il pas encore commercialisé ? Ce CD a été produit grâce au concours de l'Institut du monde arabe à Paris. Il n'a pas été créé dans le but commercial, mais plutôt pour promouvoir la musique du patrimoine traditionnel soufi et andalou. C'est l'Institut qui s'est occupé de l'enregistrement et de la diffusion. J'espère, dans le futur proche, enregistrer mon deuxième CD au Maroc pour qu'il soit à la portée du plus grand nombre de personnes.