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France : Les démons de l'islamisme (8)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 02 - 11 - 2004

«Mama Oussama» veut se reposer en France
Damas, octobre 2001
C'est l'un des secrets les mieux gardés de la République. Le gouvernement de Lionel Jospin a pris soin qu'aucune fuite ne soit possible. Ce secret tient en une phrase: en octobre 2001, la mère de Ben Laden a demandé à venir se reposer en France. Cela à peine un mois après le 11 septembre. Le jour de l'attentaaat le plus retentissant de l'Histoire, celle que toute la famille Ben Laden appelle «Mama Oussama» est chez elle, à Damas, en Syrie. De son vrai nom Aaya al-Atas, également connue sous son patronyme de jeune fille, Latifa Ghanem, cette mère clame l'innocence de son fils. Dans une interview au journal britannique The Mail on Sunday, elle affirme que son rejeton de terroriste n'a pas commandité les opérations dont Washington l'accuse. La mère et le fils semblent être restés très liés.
Certains services secrets organisent des fuites à son propos. Le 12 septembre 2001, «Mama Oussama» aurait reçu un coup de fil de son fils, qui lui dit qu'il ne pourrait pas la rejoindre en Syrie et qu'il ne lui donnerait plus de nouvelles «pendant longtemps». Information à prendre avec des pincettes.
Au cours des semaines qui suivent, la pression entourant la famille du chef d'Al Qaïda éprouve la veille dame. Elle souhaite se «mettre au vert», pour récupérer de ses émotions, et songe... à une retraite tranquille dans l'Hexagone. Il va de soi qu'Aya al-Atas ne se présente pas dans un consulat en déposant une demande de visa. Elle n'a pas la naïveté de croire qu'elle pourrait être une touriste comme les autres. Sa requête transite par des «canaux officieux». Il faut comprendre, selon l'une des rares personnalités françaises dans la confidance, le circuit discret des services de renseignement. La demande remonte au plus haut niveau.
Dans les cercles du pouvoir, on ne voit pas ce que la France aurait à y gagner. Surtout, les conseillers ministériels se souviennent d'un précédent fâcheux. En 1992, un scandale avait éclaté après l'hospitalisation à Paris du terroriste palestinien Georges Habache. Décision est donc prise de refuser l'admission de «Mama Oussama» sur le territoire. La mère de l'homme le plus recherché de la planète ne coulera pas de jours paisibles en France.
Son séjour était d'autant moins bienvenu qu'un curieux épisode s'est déjà déroulé le 12 septembre 2001. Ce jour-là, une autre femme très proche de Ben Laden est admise dans la plus grande discrétion à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. Veuve de Mohamed Ben Laden, le père d'Oussama, Kalifa n'a pas mis au monde l'ennemi public n°1, mais elle a beaucoup contribué à son éducation.
Le lendemain des attentats contre le World Trade Center et le Pentagone, elle subit des examens dans le service de cancérologie de l'hôpital. Pour l'anecdote, l'hôpital lance au même moment une opération caritative pour les victimes du 11 septembre. La DST suit de près l'étonnante visite. Le commissaire de police de Neuilly avertit le maire de la commune, un certain Nicolas Sarkozy, pas encore ministre de l'Intérieur. Il ne s'agit pas d'une première hospitalisation. À l'époque, Kalifa suit en fait un traitement lourd dans cet établissement réputé, où elle s'est rendue au total une dixaine de fois avant septembre 2001. En 2003, la mère nourricière de Ben Laden décédera d'un cancer en Arabie saoudite.
La france constitue décidément une terre très prisée de la famille Ben Laden. L'un des demi-frères d'Oussama dispose à l'époque d'un appartement près de la place Victor-Hugo à Paris. Un autre fils de Mohamed Ben Laden, Yeslam, homme d'affaires installé à Genève depuis 1985, possède une propriété de sept mille mètres carrés et une villa sur les hauteurs de Cannes.
Quelques jours après les attentats, trois des frères Ben Laden y tiennent un conseil de famille. De son côté, Yeslam Ben Laden adresse ses condoléances à l'ambassadeur des Etats-Unis à Berne. «Quiconque a planifié et executé cet acte de terrorisme, et quelles qu'en soient les raisons, ne parviendra pas à détruire les valeurs de liberté et d'humanité», écrit le demi-frère d'Oussama. Cette attitude ne lui épargne pas la curiosité de la justice française. En décembre 2001, le parquet de Paris ouvre une enquête ayant trait à des soupçons de blanchiment. En mars 2002, à la demande du juge financier Renaud Van Ruymbeke, des gendarmes de la Côte d'Azur perquisitionnent la villa de Cannes et y saisissent un carton rempli de documents personnels et comptables.
Trois mois plus tard, le magistrat entend Yeslam Ben Laden comme témoin assisté. Il lui demande de justifier sa fortune. Le Saoudien, qui dispose depuis peu d'un passeport suisse, lui répond : «J'ai hérité.» Le juge lui demande de préciser. Le demi-frère va alors révéler les dessous de la succession de Mohamed Ben Laden. En 1967, à la mort du patriarche, qui avait donné naissance à pas moins de cinquante-quatre enfants de vingt-trois femmes différentes, le roi Fahd d'Arabie saoudite en personne désigne un conseil pour gérer le délicat héritage.
Preuve de l'étroitesse des liens entre la dynastie Saoud et la famille Ben Laden, le monarque s'adresse aux frères et soeurs d'Oussama en leur disant qu'ils sont «ses enfants». À titre personnel, Yeslam touchera jusqu'à ce jour près de 20 millions de dollards. Il gère par ailleurs une partie des actifs de l'énorme groupe de bâtiment et travaux publics créé par son père, le Saoudi Binladin Group (SBG). Ironie de l'histroire, le SBG travaille en sous-traitance sur la base navale de Djedda pour le compte d'une société française liée au ministère de la Défense, la Sofinfra. En juillet 2003, le SBG, qui devait effectuer les travaux pour 27 millions d'euros, envoie à Paris une facture de 45 millions, soit un surcoût de 65%, dû à des «variations post-contrat». Réaction outrée de la Sofinfra.
Dans un courrier, son directeur estime que cette variation est «en majeure partie complètement imaginaire». Autant accuser le SBG de tentative d'escroquerie à l'endroit du ministère de la Défense français. Les coulisses des relations entre la France et la famille Ben Laden sont parfois bien nébuleuses.


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