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France : Les démons de l'islamisme (2)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 25 - 10 - 2004


La négociation reprend après la prière
Bainville-les-Roches, le 19 décembre 2002 Trois ans avant les auditions conduites par l'assemblée, le 8 novembre 2000, la Commission d'organisation du culte musulman doit se réunir au ministère de l'Intérieur, place Beauvau. Il va s'y dérouler un événement stupéfiant, resté secret en dehors d'un cercle restreint d'initiés. Depuis que le ministre de l'Intérieur de Lionel Jospin, Jean-Pierre Chevènement, a lancé la consultation sur l'Islam, en octobre 1999, des hiérarques religieux et des fonctionnaires s'affairent à un projet consistant à créer une structure nouvelle. Sa finalité? Représenter les musulmans de France. Ce jour-là, un représentant de l'un des courants importants, la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), Mohamed Boukhima-Moussaoui, préside la séance. Il ouvre la réunion en appelant à la prière, une prière appelée la fatiha, que les fidèles récitent souvent dans les moments de tristesse.
La plupart des négociations s'exécutent. Curieuse mélopée sous les ors de la République. Les représentants du ministère ne réagissent pas. La réunion suivante a lieu le 22 novembre 2000, dans la salle 1 bis de l'hôtel de Beauvau. Cette fois-ci, un responsable de la composante la plus importante des notables musulmans, l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), Boubakeur El-Hadj Amor, se met à genoux en direction de La Mecque et prie comme à la mosquée. Le conseiller du ministre, Alain Billon, ne l'en empêche pas. Alors que la réunion touche à sa fin, vers 18 heures, il proteste enfin: "Je voudrais faire un rappel à l'ordre, un rappel à l'ordre extrêmement sérieux 1."
Ancien coopérant au Maroc, tombé amoureux du Maghreb et d'une Marocaine, Billon s'est converti à l'Islam pour pouvoir l'épouser. C'est l'homme qui négocie au nom de l'Etat. Il a récité la chahada : "Je na connais qu'un seul Dieu et Mohammed est Son Prophète", à peu près au moment où il était élu député de Paris, lors de la vague rose de 1981. Musulman "formel", dit-il, il a toujurs bu du vin,mangé du cochon et jamais fait une prière. Billon s'offusque : "Une telle manifestation religieuse dans des locaux administratifs, en présence de fonctionnaires de la République, est directement contraire aux principes constitutionnels de laïcité et de neutralité." Le conseiller se tourne vers El-Hadj Amor : "Monsieur, votre prière tout à l'heure dans ce lieu même était inconvenante. Ce fait ne doit plus se reproduire. Si je ne vous ai pas interrompu, c'est par coutroisie." Le secrétaire général de l'Uoif, Fouad Alaoui, n'apprécie guère le rappel à l'ordre. Il défend son camarade : "Nous sommes dans une période de l'année où il y a interférence de prières, de temps de prières qui nous sont obligatoires."
Si l'administration ne cède pas, Alaoui menace de sortir et d'aller faire les prières ailleurs. Mais alors cela perturbera tout le processus de négociation.
Boubakeur El-Hadj Amor réclame la parole avec insistance : "Je quitte l'université à midi pour prendre mon train à 12h25 pour honorer cette réunion et être à l'heure. Il se trouve que nous avons, comme dit le frère, des prières à des heures fixes. Soit on accepte que l'on fasse ces prières ici, soit on décrète des demi-heures d'arrêt et je les ferai sur le trottoir, je pense que cela ne posera aucun problème, je ne pense pas que les flics vont m'arrêter."
Àson tour, le président de la séance précédente, Boukhima-Moussaoui, justifie ses actes : "Les fonctionnaires de l'administration n'ont pas participé, et pour cause peut-être, à cette «fatiha». Ce n'est donc nullement du prosélytisme, loin s'en faut." Il ajoute un "second point", sur les prières : "Les prières ont été régulièrement pratiquées dans cette salle au vu et au su de tout le monde : aucune réflexion n'avait été faite auparavant." L'argument porte. Alain Billon en reste bouche bée. L'Islam des orthodoxes vient de remporter une victoire.
La première prière ne date en effet pas du 22 novemebre 2000. Au cours du premier semestre de l'année, les réunions avaient lieu dans des locaux attenants, à l'adresse du 1 bis rue des Saussaies, dans une salle de réunion à l'étage de l'administration des préfets. Pour l'anecdote, cette salle est devenue entre-temps le bureau du ministre délégué aux Libertés locales, Patrick Devedjian. Lors des suspensions de séance, certains négociateurs se rassemblent dans un petit salon, une sorte de salle d'attente. Un jour, un huissier s'aperçoit qu'ils en profitent pour faire la prière en cachette. Parmi ces dévots, il y a des responsables de l'UOIF, mais aussi de la FNMF.
Le chef du bureau des cultes de l'époque, Philippe Le Garpentier, demande qu'il soit mis fin à ces dérives. Mais elles ne cesseront jamais, ni lorsque Daniel Vaillant sera ministre, ni quand Nicolas Sarkozy lui succédera. L'une des anciennes négociatrices en butte aux fondamentalistes, Bétoule Fekkar-Lambiotte, se souvient d'une scène dans la salle Claude-Erignac : "J'ai été choquée par le côté exhibitionniste, lorsqu'un membre de l'UOIF a déroulé son tapis de prière." Il s'en produit d'autres dans la grande salle des fêtes, tout près du bureau du ministre. Àl'heure du repas, des plateaux -halal- sont distribués à tout le monde, fonctionnaires compris. Par principe, le chef du bureau des cultes, Vianney Sevaistre, et l'un de ses adjoints, Bernard Godard, exigent que du vin soit servi à table. Ils ne s'aperçoivent pas tout de suite -ou font mine de ne pas voir- que des commensaux quittent la table, vont se cacher derrière un grand paravent traditionnellement installé au milieu de la salle et déplient derrière leurs tapis de prière, en direction de La Mecque l'imam d'Evry, Khalil Merroun, qui est l'un des piliers de l'Islam en France, n'est jamais le dernier à remplir ses obligations. Un jour, le secrétaire général de l'UOIF, Fouad Alaoui, est surpris en pleine prière près des toilettes.
En mars 2004, interrogé sur ces pratiques, Nicolas Sarkozy affirmera que "peu de gens se mettent à quatre pattes devant lui" et que "personne n'a prié" en sa présence. Mais que pense-t-il de ce qui s'est passé en son absence ? Le ministre élude. Pourtant bien informé d'habitude, il n'en a pas entendu parler, un point c'est tout. Impossible d'obtenir de lui un quelconque commentaire. On imagine pourtant mal que le chef du bureau des cultes, Vianney Sevaistre, ne lui ait rien dit.
En décembre 2002, les ultimes négociations autour de ce que l'on appellera l'"Islam de France" se déroulent dans une propriété du ministère de l'Intérieur dans l'Esonne, le château de Nainville-les-Roches. Deux jours durant, dans cette bâtisse digne du Moulinsart de Tintin, les représentants de sept fédérations, cinq grandes mosquées et six personnalités qualifiées adoptent enfin les statuts d'une instance représentative, le Conseil français du culte musulman (CFCM), et fixent les modalités des futures élections. Mais pas question pour la plupart des présents de rester cloîtrés sans se prêter aux cinq prières quotidiennes. Une salle du bâtiment, attribué d'habitude à la Sécurité civile, est transformée en lieu de culte pour quarante-huit heures. Le 19 décembre 2002, alors que le soleil atteint son zénith, le président de la FNMF, Mohamed Bechari, lance : "Nous n'avons plus le droit à l'erreur... Le monde nous regarde..." Le président de séance, Kamel Kabtane, l'interrompt : "La séance est levée. Elle reprendra à 14h45. Après la prière d'Alâsr 2." Sous ces auspices, la nouvelle instance représentative est portée sur les fonts baptismaux. On ne pourra pas dire que l'Etat français ne sait pas faire de concessions.
1- Retranscription de la commission d'organisation du culte musulman, 22 novembre 2000.
2- Retranscription de la 43è réunion de la Commission d'organisation du culte musulman, 19 décembre 2002.


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