La «réclame» se proclame sur les rames à Casablanca. C'est le constat actuel pour les passants du boulevard Mohammed V. Les «Ferracha», le rabat-joie de la population du boulevard, squatte toute l'avenue, exploitant même les rames du tramway. L'une des artères emblématiques de la capitale économique voit, aujourd'hui, son visage se défigurer. CD, ustensiles, vêtements, magazines et autres… tout se vend par terre, entravant ainsi le passage aux piétons. Les immeubles «art-déco» agonisent au cœur de ce vacarme nuisible engendré par les travaux, les bouchons de la circulation et les cris des marchands ambulants. L'anarchie règne dans ce «square» qui a longtemps été un carrefour des Casablancais en quête d'enseignes prestigieuses et de rencontres intellectuelles. Dès les premières lueurs du jour, Hussein vient exposer ses petits gadgets. Chargeurs, carcasses et pochettes de téléphones portables sont son gagne-pain. Pas plus loin s'installe Rachid, un père de trois enfants qui a choisi pour sa part de commercialiser en cette saison hivernale des chaussettes, des sous-vêtements et des gants pour enfants. Des scènes pareilles se perpétuent jusqu'au marché central. Un commerce informel prolifère avec force donnant une image contrastée du vécu casablancais. «Ce quartier est devenu triste. Le boulevard Mohammed V a perdu sa vivacité d'antan. C'est devenu une image type des principales tares sociales», témoigne une Casablancaise. Un avis partagé par un sexagénaire qui fréquente quotidiennement les cafés du quartier. «Vous ne pouvez pas imaginer à quel point les «ferracha» impactent notre quotidien. On ne peut échapper aux accrochages des vendeurs, aux harcèlements verbaux à l'égard de nos femmes, sans parler des pickpockets», signale-t-il, dénonçant un véritable phénomène social qui est en train de foisonner. Parmi les pratiques frauduleuses constatées, certains commerçants légaux louent les devantures de leurs magasins aux marchands ambulants, et ce au vu et au su des autorités. Selon les habitués des lieux, les forces de l'ordre n'interviennent que rarement. «Avec tout ce qui se passe au niveau mondial, notamment le Printemps arabe, dont l'emblème est un marchand ambulant, les autorités locales n'interviennent pas agressivement contre ce fléau de crainte que la situation ne bascule vers une tension sociale voire politique», explique un propriétaire d'un commerce sis au boulevard MohammedV. «On ne peut vous nier que la présence des vendeurs ambulants a cassé notre rythme de ventes, mais on ne peut rien faire pour le moment. Ceci pourrait être temporaire», rétorque son voisin. En effet, des travaux de revêtement des trottoirs sont en cours et semblent être la principale cause du désordre observé au niveau de cette artère. Parmi les autres facteurs encourageant la prolifération de ce phénomène social, on cite le consommateur. «Certes, le consommateur agit par ignorance, mais devrait assumer une grande part de responsabilité. Il faut éduquer nos citoyens à adopter les bonnes pratiques de consommation, et ce en évitant tout produit «ambulant» néfaste à sa santé et à celle de l'économie nationale», souligne Bouâzza Kherrati, président de l'Association marocaine de protection et d'orientation du consommateur. Face au mutisme de la collectivité locale, certains responsables déplorent la situation. «Ce qui se passe dans nos rues est de l'ordre de l'occupation illégale du domaine public. Ce n'est pas uniquement le cas du boulevard Mohammed V, mais également du Prince Moulay Abdellah et du boulevard Mohammed VI. Nous ne disposons pas de mécanismes fiables pour mettre fin à ce fléau», déclare Kamal Dissaoui, président de l'arrondissement de Sidi Belyout. Les mesures à entreprendre dans l'immédiat consistent à organiser ces commerces informels dans des petites unités marchandes. Les acteurs associatifs appellent également à une mobilisation rude afin d'entreprendre un plan d'urgence similaire à celui des «bidonvilles» et dont les résultats s'avèrent fructueux. Ces doléances auront-elles des échos ?