Vestiges d'antan, les «igoudar» relatent une histoire ancestrale en ouvrant une porte entrebâillée sur une culture à la fois architecturale et sociétale. Longuement conservés dans le temps, ces greniers collectifs tracent les contours d'un passé lointain qui se livrent aujourd'hui à une bataille acharnée pour survivre. Et si plusieurs «igoudar» ont été, depuis, en proie à la dégradation, rares sont ceux qui ont su se dérober aux bourrasques du temps. «Les «igoudar» sont des greniers-citadelles qui se retrouvent un peu partout dans le Maghreb, notamment en Tunisie, en Libye, Mauritanie et au Maroc. Ils sont surveillés la plupart du temps par un «lamine» qui signifie littéralement homme de confiance. Ces greniers se caractérisent par une architecture différente. Ainsi, on trouve trois types de greniers dont on note des greniers sous forme de grottes avec des petites portes, un deuxième type de greniers qui sont construits en pierre et un troisième type de greniers bâtis en pisé. «Ces greniers étaient utilisés pour stocker les denrées alimentaires, les récoltes de blé, de maïs et d'orge, l'huile, les bijoux et les documents précieux», souligne Ahmed Raqbi, professeur universitaire. «L'architecture des igoudar de la région du Souss se caractérise par une entrée assez étroite avec une petite porte en bois. Ainsi, on accède au grenier en s'inclinant. Notons que chaque grenier dispose d'une sorte d'estrade construite en pierres lisses qui servent d'escaliers. De ce fait, au moment du stockage, les habitants du douar remplissent les igoudar en groupe et en relais. Une personne passe à l'autre le panier en allant du bas vers le haut. Et l'intérieur du grenier est sombre», déclare-t-il. Patrimoine architectural ancestral, les «igoudar» ont rempli au fil du temps une fonction utilitaire. En effet, chaque détail est soigneusement étudié aussi bien au niveau de la disposition des greniers que leurs modes de construction et de gestion. Certes, ce patrimoine est loin d'être conservé. «Certains «igoudar» sont toujours utilisés au niveau de la région. Ils sont dans un état assez acceptable même si généralement ils nécessitent une restauration assez sérieuse notamment contre les intempéries», explique M. Raqbi. Se retrouvant dans des endroits reculés, les «igoudar» ne peuvent être accessibles qu'à dos d'âne ou à pied. «A l'ère du «siba», les igoudar constituaient le refuge idéal et un moyen de défense pour les populations du douar. Notons qu'on trouve toujours à l'intérieur une mosquée et parfois même un endroit pour enfermer les voleurs», ajoute le professeur universitaire. La gestion des «igoudar» révèle une organisation hors pair qui gère la relation entre l'homme et son univers. En effet, l'homme de confiance «lamine» qui veille sur les igoudar est payé en nature. Ainsi, les habitants lui conservent une partie de leurs moissons. De même pour le chat à qui on accorde une part qu'on nomme communément la louche du chat. Cette part est donnée à «lamine». Le chat est ainsi récompensé pour ses services de chasse aux souris au sein des greniers. Quoique conservée actuellement par les habitants locaux qui les utilisent, une grande partie de ce patrimoine national est aujourd'hui en péril. Ce qui appelle à une mobilisation de tous les acteurs aux niveaux régional et national. «L'exode rural a beaucoup affecté les «igoudar». Les jeunes générations qui devaient assurer la relève sont parties ailleurs. Certes, les igoudar constituent un lieu de prédilection pour les touristes mais on est aujourd'hui devant l'obligation d'opter pour un tourisme responsable qui profitera aux autochtones et dont une part sera versée à l'entretien et la restauration de ce patrimoine», martèle M. Raqbi. Conscient de cette problématique, le conseil provincial de Chtouka Ait Baha (CPT) est en phase d'élaboration d'une étude d'aménagement de sept igoudar. Dans ce sens, un budget de 1.300.000.00 dirhams a été mobilisé par le conseil régional dont 1.000 000.00 dirhams a été budgétisé au terme de l'année 2010 pour l'aménagement et la réhabilitation de ces sept igoudar. L'objectif principal est d'aménager et de personnaliser chaque igoudar de telle manière à ce qu'il puisse refléter l'image réelle de cette richesse ancestrale. Par ailleurs, l'étude d'approche et les relevés topographiques de ces sites ont été effectués par le CPT qui a proposé un plan type d'aménagement avec les artisans locaux, chapeautés par une équipe de techniciens pilotée par un architecte. La mise en place de ce projet donnera ainsi naissance à un nouveau circuit touristique appelé «La route des igoudar».