La rue marocaine, comme la rue arabe, est en ébullition. Le flot d'images satellitaires qui tombent à longueur de journée de l'agression barbare israélienne exacerbe les rancœurs. Un profond sentiment d'injustice étouffe les cœurs des marocains et pousse les masses, dans un mouvement spontané, à descendre dans la rue pour exprimer collectivement leur solidarité avec les frères palestiniens, leur dénonciation du flagrant parti-pris américain et leur appel à la communauté internationale à œuvrer pour que cessent ces atteintes permanentes aux droits de l'homme les plus élémentaires et à la dignité humaine dans ce qu'elle a de plus sacré. Que les marocains manifestent en signe solidarité avec le peuple palestinien, ne fait qu'exprimer leur attachement à la juste cause palestinienne, dont ils ont depuis des années fait une cause nationale. Qu'ils descendent dans la rue pour dénoncer pacifiquement et par les moyens civilisationnels connus et reconnus, n'est pas une première. Ils l'ont déjà fait toutes les fois où la barbarie israélienne a dépassé les bornes de l'humainement envisageable. Mais, quand des manifestations pacifiques, civilisées, organisées pour dénoncer la barbarie de l'ennemi israélien se soldent par des dégâts matériels considérables infligés à d'honnêtes citoyens tout autant acquis à la cause palestinienne, il y a dérapage qui appelle intervention. C'est ce qu'ont connu mardi les rues de Salé. Une manifestation organisée par des collégiens et lycéens du quartier « Al Inbiath », a rapidement dérapé, se muant en affrontement rangé entre « manifestants » et forces de l'ordre. En un instant, les valeurs civilisationnelles qui, en principe, ont poussé des dizaines de manifestants à s'élever contre l'injustice, ont été occultées par des injustices tout aussi flagrantes et peut être davantage car dirigées contre d'honnêtes citoyens qui ont vu leurs véhicules dégradés, leurs commerces saccagés, leurs biens spoliés. Les événements de salé, qui n'ont été circoncis qu'après l'intervention massive des différentes forces de l'ordre pour rétablir l'ordre et accomplir leur devoir premier de protéger la sécurité et l'intégrité des contribuables, suscitent de l'inquiétude. Mardi soir aussi, quatre meneurs présumés d'une manifestation non autorisée et plusieurs autres personnes ont été interpellés à Fès, lors d'affrontements avec les forces de l'ordre dans certains quartiers périphériques de la ville. Parmi les personnes arrêtées, deux étaient activement recherchées pour associations de malfaiteurs et vols avec violence et deux autres sont des repris de justice. Ces évènements surviennent quelques jours à peine avant la marche du 7 avril à Rabat, à laquelle participeront des dizaines de milliers de citoyens répondant à l'appel de la quasi-totalité des organisations politiques, syndicales et de la société civile. Si une relativement modeste manifestation d'élèves a pu être récupérée par des courants marginaux à des fins de zizanie systématique, aux antipodes de sa finalité première, que dire des risques qu'encourt une manifestation de l'envergure de celle qui aura lieu dimanche ? Il faut espérer que les forces de l'ordre auront tiré les conséquences du baromètre de Salé, et d'autres villes du royaume, pour éviter que l'expression unanime de la solidarité marocaine avec le peuple palestinien, ne soit vidée de sa portée et transformée en défouloir de toutes les marginalités et toutes les frustrations.