Au moment où la rue arabe, la rage au cœur, est en ébullition et en phase avec les souffrances du peuple palestinien, les régimes directement concernés semblent, eux, dépassés par les événements, comme anesthésiés. La rue arabe a mal à la Palestine. Une Palestine meurtrie, massacrée par un sanguinaire qui se croit au-dessus des lois. De Rabat à Bagdad, de Tripoli à Beyrouth, les manifestations de soutien au peuple palestinien se multiplient dans un cri de cœur qui en dit long sur la colère des populations face à la barbarie sioniste en marche au Proche-Orient. Cette effervescence, qui ressemble à celle qui a secoué le monde arabe lors de la Guerre du Golfe en 1991, a également déteint sur nombre de capitales européennes où les ressortissants d'origine arabe sont descendus dans la rue pour dénoncer la politique d'extermination d'Ariel Sharon. Les peuples arabes se sont toujours identifiés à la cause palestinienne. L'identité arabe se confond même avec le combat de la Palestine pour la liberté et l'indépendance. Etre citoyen arabe aujourd'hui c'est être Palestinien. Devant la situation dramatique au Proche-Prient et les manifestations de leurs peuples, les régimes arabes donnent, eux, l'impression d'être dépassés par les événements, ne sachant sur quel pied danser. À part les contacts diplomatiques entre les différents leaders arabes eux-mêmes et certains chefs d'États européens à propos de cette escalade dangereuse, ils semblent démunis face à une explosion qui risque d'embraser toute la région. L'Égypte, pays qui a un poids dans la région, est gênée aux entournures. Le président Housni Moubarak affronte la pression de son peuple et de ses intellectuels pour prendre une position claire à l'égard de cette crise asns précédent et rompre toute relation avec Israël. Difficile à dire qu'à faire. L'Égypte, qui a signé des accords de paix avec l'État hébreu en 1979, reçoit chaque année une aide substantielle de Washington de plus de 2 milliards de dollars. Enserrée entre la Syrie, l'Irak, l'Arabie Saoudite et Israël, la Jordanie a également normalisé ses relations avec Israël en 1994 et s'est vue, en guise de récompense, éponger sa dette extérieure par les Etats-Unis. Les leaders de ces deux pays, M. Moubarak et le Roi Abdallah, pourtant concernés en premier lieu plus que d'autres par le conflit israélo-arabe, ont trouvé le moyen de “sécher“ les travaux du sommet de Beyrouth qui a entériné la proposition saoudienne de paix avec Israël. Cette main tendue des Arabes, qui croyaient avoir fait une avancée importante sur la voie de la paix, a été immédiatement accueillie par le siège imposé par l'armée israélienne à Ramallah et à Yasser Arafat. Un geste pour le moins brutal qui ressemble à un défi d'Ariel Sharon au monde arabe. Depuis, c'est l'escalade qui s'est matérialisée par la réoccupation des villes palestiniennes de la Cisjordanie, accompagnée d'exactions et de crimes atroces contre les populations civiles. Le silence des régimes et gouvernants arabes face à cette humiliation est assourdissant. Certaines voix d'intellectuels s'élèvent ici et là pour exhorter les monarchies du Golfe à utiliser les moyens de pression en leur possession, notamment la carte pétrolière. L'Arabie Saoudite a-t-elle les moyens de tenter de nouveau un geste aussi audacieux, de réitérer le coup de 1973 qui a conduit à une crise pétrolière sans précèdent, mais aussi à l'assassinat du Roi Faïçal ? User de l'arme de l'or noir aujourd'hui, dans un contexte marqué par les événements du 11 septembre où Riyad a laissé des plumes, serait un geste suicidaire aux conséquences incalculables. Les intérêts en jeu sont colossaux. “ Les fauteuils du pouvoir sont trop confortables pour que les pays arabes directement concernés volent au secours de leurs frères palestiniens massacrés“, lance une manifestante voilée de Beyrouth. L'administration américaine de Georges Bush, complice du sionisme, ne ménage plus la susceptibilité arabo-musulmane. Une humiliation qui doit faire réfléchir et réagir. La diplomatie occidentale et arabe et les diverses tentatives d'apaisement semblent pour le moment inopérantes face à un Ariel Sharon de plus en plus sourd à la voix de la raison, de plus en plus encouragé dans sa politique du pire. Des tueries des innocents. Qui donnera un coup d'arrêt à cette barbarie ?