Al Jazeera n'est pas ce qu'elle est parce que c'est le Qatar qui la finance, elle est ce qu'elle est parce que dirigée par des islamistes patentés sans réflexe journalistique, ni un minimum d'éthique. Le Moussem d'Assilah, pérennisé de belle manière, a réussi cette année de jolis coups. D'abord, un symposium avec 15 ministres des Affaires étrangères africains qui ont planché sur le devenir de l'Unité africaine et pour finir une mini-conférence sur les médias arabes et le dialogue avec l'Autre. Le premier constat est qu'il est très difficile de dialoguer avec les médias de l'Orient. Tous les pathos arabes sont exacerbés chez ces journalistes aux ego démesurés. Le monde nous en veut, à notre religion, à notre histoire, à nos terres, à notre pétrole. Ils sont tous prêts à combattre jusqu'à la dernière goutte de sang libanaise, surpayés par les pétrodollars d'Etats qui logent des Marines et pactisent avec Israël. Cette schizophrénie ne les gêne même pas, cela serait le prix de la liberté. Dans ce jeu, se sont les responsables d'Al Jazeera qui excellent. Gonflés à bloc par le flot de flatteries, ils roulent les mécaniques, assurent à qui veut le croire que c'est l'équipe rédactionnelle qui a défini la charte, le positionnement et qu'il n'y a aucune ingérence de quiconque. C'est l'équipe qui choisit d'informer de manière professionnelle mais en arabe, répercutant le pouls de la rue arabe. Tout de suite, les gros mots, l'arabité et la rue arabe parée de toutes les vertus face à des régimes qui n'en ont bien évidemment aucune, ce n'est pas une caricature, la démonstration est de ce niveau de simplisme, affligeante, imparable parce qu'irrationnelle. L'exercice n'en est pas pour autant inutile, il est instructif. Al Jazeera n'est pas ce qu'elle est parce que c'est le Qatar qui la finance, elle est ce qu'elle est parce que dirigée par des islamistes patentés sans réflexe journalistique, ni un minimum d'éthique. Quelques heures après la fin du colloque, la chaîne qatarie désinformait sur la cellule terroriste démantelée au Maroc. La méthode est bien humble, il faut mettre en place un plateau bien choisi et ça roule tout seul. Un avocat qui nie tout à la place de ses clients et déclare que cette affaire est montée de toutes pièces comme toutes celles qui l'ont précédée depuis le 16 mai. Ce sont les Services marocains qui créent le terrorisme, comprendra le téléspectateur lambda. Taoufik Bouachrine y voit, lui, le résultat de la répression de l'après 16 mai. «C'est en prison qu'ils se sont radicalisés», donc ce sont toujours les mêmes responsables. Enfin Mustapha Ramid, fait son numéro, il ne répondra pas sur l'affaire parce que «n'ayant pas d'éléments » mais il remarquera que personne ne tente de l'utiliser contre le PJD, sauf «quelques médias insignifiants». Stop ! Retour au studio pour passer à autre chose. Belle leçon de professionnalisme, d'équilibre, de respect de la vérité. Si ce cas était unique, on pourrait chercher des excuses à la forfaiture mais c'est la marque de fabrique d'Al Jazeera. Il y a quelques mois lors des troubles de Laâyoune, Hassan Rachdi, directeur du bureau de Rabat, a filmé deux manifestations, l'une séparatiste réunissant quelques dizaines de personnes, l'autre unioniste réunissant des milliers. La couverture donne la parole aux séparatistes avec de gros plans sur les intervenants pour cacher les troupes squelettiques. La manif unioniste est montrée par une seule prise en champ où on distingue difficilement un drapeau marocain, avec un commentaire mettant en doute la spontanéité des manifestants. C'est cela le professionnalisme made in Al Jazeera. Et c'est ce big professionnalisme-là qui est mis au service de l'idéologie de toutes les haines, de toutes les rancœurs, de tous les pathos. Ma conviction est ferme : Israël est un Etat barbare, tueur d'enfants, la cause palestinienne est juste, mais l'avenir du Maroc se joue au Nord et non à l'Est.