Entre Al Jazeera la répudiée et Rabat, c'est une séparation qui se passe mal. Tous les coups sont permis y compris le recours à la manipulation. La belle de Doha est atteinte dans son orgueil. Elle use donc de ses ongles acérés pour défigurer l'image de ce Maroc qui a osé s'en séparer. Momentanément. En faisant état de décès d'une dizaine de manifestants lors des échauffourées d'Ifni, la belle Qatarie a distillé une giclée de haine qui augure, bien ou mal, de l'opération de destruction massive qu'elle entend mener. Si ce n'est pas du chantage, cela y ressemble. Cette chaîne est une calamité pour le monde arabe et musulman. Surgie d'un espace insulaire, elle a le complexe de la conquête planétaire. Elle le fait avec une pensée plus étroite qu'insulaire. Si CNN incarne la société d'information mondialisée et se veut la vitrine d'une société avancée et dominante, Al Jazeera n'est que le piètre miroir d'un monde arabo-musulman engoncé dans ses passions pour le sang et la cendre. Enivrée par son triomphe, cette chaîne n'hésite plus à piétiner les lignes rouges de la déontologie journalistique. Elle tend plutôt à accentuer les traits de caractère de sa signature: Un goût immodéré pour la polémique en lieu et place de la discussion. Une recherche sournoise de la part obscure d'animosité et de brutalité des Arabes. Une ligne éditoriale larmoyante et victimaire pour musulmans rabaissés. Son slogan pourrait être facilement «Aux larmes ! Citoyens». Et puis, cette avidité pour le commentaire aux dépens de l'exposé précis des faits. Loin de vouloir éclairer, elle entend d'abord dénoncer en cherchant, à chaque fois, une guerre à déclarer. Consciente de son pouvoir, elle n'hésite pas, comme le moindre despote, à se situer au dessus des lois du métier. Al Jazeera est loin de sa prétention d'indépendance. Elle est engagée. Très engagée. Comme on le dirait d'un jeune et hystérique militant d'un groupuscule politique. Elle n'est pas en opposition, ce qui serait son droit le plus strict. Elle se veut l'opposition. Opposition à tous ces régimes arabes qui, à ses yeux, n'ont pas d'opposants. En faisant, elle n'est plus un média d'information. C'est un organe de propagande en temps de guerre. Nul ne peut échapper à ses invectives excepté Qatar. Et bien entendu les idéologies barbues et enturbannées auxquelles elle réserve de discernables indulgences. Comme CNN, cette chaîne ne mérite d'être regardée qu'épisodiquement, question de se tenir informé. Le genre de geste à faire dans une chambre d'hôtel, et encore. Chez nous, elle est devenue le point de mire de toutes les télés de nos cafés. Les gens la regardent avec une absence dans les yeux et avec la bouche rarement fermée. La seule chose qui peut la rivaliser, c'est un match de foot. C'est puissant. Et elle puise cette puissance dans la dimension émotionnelle qu'elle dégage et qu'elle cultive. Elle n'aide pas le spectateur à penser et à réfléchir. Elle se contente de dialoguer avec ses sentiments d'Etre humilié.