L'objectif de la pédagogie de l'intégration est de doter tous les apprenants de compétences qui vont leur permettre de s'insérer dans le tissu professionnel et de développer des stratégies personnelles pour gérer des situations complexes de vie. À ce niveau, la compétence peut se définir comme étant la possibilité pour un individu, de mobiliser de manière intériorisée et réfléchie un ensemble intégré de connaissances en vue de faire face à toute situation. Cette pédagogie est celle qui prévaut actuellement dans notre pays. Elle a été adoptée par la Charte nationale d'éducation et de formation qui a pour objectif ultime la réforme du système éducatif marocain. Elle vise à dispenser une éducation de qualité, en vue d'édifier une société ouverte, moderne, démocratique et imprégnée des cultures des droits de l'Homme, de l'équité et de l'égalité des chances. Un bien joli tableau qui laisse présager des classes plus ouvertes et des enseignants plus proches de l'élève et de ses spécificités. Cependant, loin de cette réalité toute rose, la pédagogie d'intégration est devenue le calvaire des professeurs et éducateurs. Habitués à enseigner selon la pédagogie par objectif (PPO) depuis la réforme de 1985, ils se retrouvent démunis face à une pédagogie qui prône l'échange et la complicité avec l'élève. En effet, la PPO résume le rôle de l'enseignant à une transmission de savoir élaborérs, et celui de l'élève à une accumulation provisoire de ces savoirs afin de les restituer au moment des évaluations. Tout ce qu'il y a de plus classique en la matière. Alors que désormais, la nouvelle approche est complexe et poussée. «Nous avons reçu une formation d'à peine 30 heures pour apprendre les bases de l'enseignement selon la pédagogie de l'intégration, à mon avis ce n'est pas du tout suffisant», a déclaré Zoubida, une institutrice de primaire, fière de son expérience de 12 ans de métier. 30 heures est l'équivalent de cinq jours de formation pour une pédagogie qui a pris des années à se développer. Le rapport sur l'état du système éducatif émis par le Conseil supérieur de l'enseignement (CSE) en 2008 a permis d'identifier les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la réforme. C'est ainsi qu'il est apparu nécessaire d'apporter des corrections au schéma global de la réforme en insistant notamment sur la clarification du modèle pédagogique préconisé et sur la définition des besoins en formation continue des enseignants. Ces deux points constituent évidemment de véritables leviers pour un changement en profondeur des pratiques éducatives et pour une amélioration tangible de la qualité des apprentissages. Le rapport du CSE a souligné également que la révision des curricula selon l'approche par compétences n'avait pas débouché sur l'élaboration d'un référentiel de compétences et de connaissances de base dont la maîtrise est indispensable à la fin de l'enseignement obligatoire, encore moins sur des orientations novatrices en termes de méthodes d'apprentissage et d'évaluation. «Aujourd'hui, presque tous les enseignants continuent à travailler selon les principes de la PPO, cependant ils ont tous un cours exemple pour prévenir le jour où l'inspecteur viendrait à faire une visite surprise», a poursuivi Zoubida. Une hypocrisie qui arrange tout le monde sauf l'élève qui se voit lésé dans ses droits à un enseignement conçu pour stimuler ses compétences.