Conduite par Taïeb Fassi Fihri, ministre délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération, une délégation marocaine a participé, lundi 26 avril à Luxembourg, au quatrième Conseil d'association Maroc-UE. Considéré désormais par Bruxelles comme un partenaire doté d'un statut spécial, le Maroc est en droit d'attendre de ce fait une amélioration qualitative de son partenariat avec l'Union dans différents domaines. Après plusieurs mois de négociation côté américain, les officiels marocains se tournent de nouveau vers l‘Europe. En témoigne la récente mission de Taïeb Fassi Fihri lundi au Luxembourg. Cette visite s'inscrit en effet dans un contexte bien particulier. D'une part, dix nouveaux pays vont devenir membres effectifs de l'Union européenne à partir du 1er mai 2004. De l'autre, les multiples accords de libre-échange que le Maroc a entamés avec différents pays, principalement les Etats-Unis. Au milieu, la mise en route des négociations sur la « nouvelle politique de bon voisinage », initiée par l'UE à l'attention de certains pays partenaires « qui sont plus avancés que d'autres dans leurs programmes de réformes ». Outre le Maroc, six autres pays sont concernés par cette politique : la Russie, l'Ukraine, la Moldavie, la Tunisie, la Jordanie et Israël . Durant la visite du responsable marocain, plusieurs points ont été abordés. La question de la réadmission des immigrés illégaux a occupé l'essentiel de ces discussions. À degré moindre, l'économie et le commerce. Concernant ce dernier volet, le Commissaire européen au Commerce, Pascal Lamy s'est déclaré convaincu que l'élargissement de l'UE, le 1er mai prochain, n'aura qu'un "impact limité" sur les échanges du Maroc avec l'UE, sans davantage d'explications. Pour mieux situer les enjeux de cette visite, un bref rappel de l'évolution du concept européen de partenariat « nouvelle version » s'impose. En quoi consiste la nouvelle politique de voisinage ? Cette formule est apparue en effet comme une nécessité de construire autour de l'Europe une frontière de "prospérité, de stabilité et de démocratie". Cette politique se traduit notamment par la mise en œuvre de réformes politiques, économiques et institutionnelles dans ces pays, parallèlement à l'ouverture de nouvelles perspectives de participation au marché intérieur pour ces pays. Techniquement, six sous comi-tés thématiques et un groupe ad hoc de réflexion sur le "statut avancé" du Maroc ont été institués en février 2003. L'objectif est d'établir un plan d'action commun, précis et ciblé, et les instruments nécessaires à sa mise en œuvre. Sauf que les véritables finalités de cette politique ne font pas l'unanimité. Certains observateurs réduisent cette dernière à une simple « liste» de réformes "dictées" par l'UE à ses voisins, en contrepartie d'une accès plus large au marché européen et d'une augmentation des contributions financières européennes. Idée que le discours officiel au sein de la communauté européenne rejette en bloc. Le but de cette politique n'est pas d'imposer des réformes pré-confectionnées, mais il s'agit plutôt de soutenir des réformes que le Maroc lui-même décidera. Dans un entretien accordé à l'agence MAP, Sean Doyle, ambassadeur de l'UE à Rabat a expliqué que la politique de bon voisinage représente « une occasion politique pour le Maroc d'œuvrer à définir le statut spécial auquel il aspire dans ses relations avec l'Union ». En clair, le Maroc est invité à « définir les aspects de l'acquis européen qu'il veut partager en premier et de fixer les domaines qu'il juge les plus importants et où il peut avancer à un rythme soutenu. » Reste que cette politique bute sur l'absence d'un véritable accompagnement financier. D'autant plus que la Commission européenne a déjà bouclé ses budgets jusqu'en 2006 et ne propose pas d'instrument financier propre à cette politique avant 2007. Chose que confirme le responsable européen : "Nous invitons les pays partenaires à envisager des réformes qui vont dans ce sens et même de les accélérer", et d'ajouter que " les pays qui avancent le mieux seront les mieux placés pour les nouvelles perspectives budgétaires 2007". En clair, non seulement ces mesures ne bénéficieront d'au-cun appui, (hors les instruments existants comme MEDA), mais la concurrence sera rude entre les différents pays partenaires d'ici 2007 pour l'octroi d'éventuelles futures subventions. Il n'empêche que l'UE reste de loin le premier bailleur de fonds du Maroc. Une donne que même l'ALE avec les Etats-Unis ne risque pas de remettre en question de sitôt. Un accord jugé, malgré tout « avantageux » selon le responsable européen qui estime qu'il devra permettre au Maroc de promouvoir son commerce avec les Etats-Unis. Et par voie de conséquence, il sera capable de "faire mieux le commerce avec l'Europe", à travers « une amélioration de la capacité des exportateurs, une augmentation de la production et un plus grand attrait des investissements». Traduction : aux aides financières, on préfère désormais parler affaires et libre concurrence. Message reçu.