ALM : Vous aviez participé dernièrement à la cérémonie de clôture du Festival international du film de Marrakech. Mais avant, on ne vous voyait plus. Où étiez-vous passé et comment se porte votre état de santé ? Saïd Chraïbi : En ce moment, je me porte bien grâce à Dieu. Et avant j'étais en train de préparer plusieurs projets notamment un travail de compositions qui relate toute l'histoire du Maroc à travers diverses époques depuis les Phéniciens, jusqu'à la venue d'Okba Ibnou Nafii au Maroc et l'époque andalouse. Actuellement, je travaille sur l'enregistrement de deux autres CD. Aussi beaucoup de concerts et des projets à venir sont prévus. Quels sont donc vos projets à venir ? Je serais en concert le 27 février à l'Office des changes de Casablanca. Je participe également avec mon collègue Driss El Malouni le 20 mai 2009 au concert d'Al Di Meola au Théâtre Mohammed V à Rabat dans le cadre du festival Mawâzine. Le 3 juin, je participe à l'ouverture du festival de samâa de Marrakech. Et immédiatement après, je serais à l'affiche d'un concert à l'Institut du monde arabe de Paris le 5 juin avec une formation qui s'appelle «Mélodietéranné». Le 16 juin, j'anime un concert en Italie accompagné d'un orchestre de 25 musiciens. J'ai par ailleurs d'autres projets pour l'an 2010 notamment une collaboration avec l'orchestre de Camp à qui j'ai offert l'intégral de mes compositions. Et aussi prévu d'un coffret de 7 CD avec le concours de l'Institut du monde arabe. Vous êtes connu comme étant un luthiste expert dans la musique marocaine mais aussi voyageant à travers diverses influences. Comment vous définissez votre style ? Mon travail consiste à puiser dans le patrimoine culturel et historique de la musique marocaine en établissant des liens et en créant un pont entre différentes cultures et traditions musicales. J'ai exploré et analysé les musiques de diverses cultures (Perse, Turquie, Egypte, Afrique et Occident, Orient…), et cela pour comprendre la musique marocaine. Pour moi, la musique marocaine est la plus riche du monde et particulièrement la musique andalouse. Cette dernière enfouit des subtilités et de secrets, qu'elle ne montre pas en apparence. Elle comprend des «Makam» (gammes) aux mélodies que l'on pourrait retrouver aussi bien dans la musique persane que dans la Aïta et qui diffèrent selon l'approche spécifique de chaque culture par rapport à la note. Comment est née votre passion ? Et est-ce une passion pour le oud ou pour la musique ? On ne peut pas dissocier le oude de la musique. Ainsi, c'est une passion pour les deux que j'ai hérité de mon environnement familial. J'estime qu'il s'agit là d'un don de Dieu. J'ai étudié les règles de la musique chez moi en écoutant, analysant et comparant. Mais je suis un artiste 100% autodidacte. On vous appelle le plectre d'or. D'où vient ce titre? J'ai eu ce titre en Irak. Et ce en 1986, en le gagnant dans un concours de luth où participaient le luthiste irakien Nasseer Shamma et son professeur ainsi que le professeur de ce dernier feu Rohi El Khammach et d'autres participants du monde arabe. Quelles sont vos autres préoccupations en dehors de la musique ? J'aime également le travail de la lutherie. Il y a d'ailleurs beaucoup de oud chez moi. J'essaie d'innover au niveau de la forme et des tonalités de cet instrument. Et j'ai fait des expériences dans ce sens, réussies par ailleurs. Par exemple, entre autres, j'ai créé un luth basse, un luth soprano. Je reproduis également des instruments datant de l'époque andalouse. Vous avez côtoyé de grandes personnalités du monde de la musique au cours d'une carrière de plus de 40 ans. Pouvez-vous nous raconter une rencontre ou une anecdote qui vous a marqué ? Dans les années 80, le compositeur Mohamed El Mouji venait au Maroc pour composer des chansons à la chanteuse Aziza Jalal. Quand il nous rencontrait, moi ainsi que d'autres artistes marocains, lors de soirées musicales, il disait: «si la chanson marocaine disposait de bonnes conditions d'enregistrement, elle aurait envahi le monde entier. Heureusement que cela n'est pas le cas». Un jour, on lui a donné l'enregistrement d'une de mes premières chansons et que j'avais composée à la chanteuse Hanan Ameghris. De retour en Egypte, il l'avait alors écoutée avec un ami qui n'était autre que le grand Mohamed Abdelwahab et qui s'intitulait «Nidaâ al gharam». Quelques jours après, on est venu frapper à ma porte. Sont alors entrés, l'un après l'autre avec un rituel particulier, plusieurs courtiers ramenant des bouquets de fleurs, jusqu'à ce que la maison se remplisse et m'indiquant à la fin que c'est Mohamed Abdelwahab qui te salue ainsi, et te félicite. Et d'ajouter qu'il a beaucoup aimé mon jeu de oud et qu'il me considérait comme l'un des meilleurs luthistes.