Daphné disparue Actes Sud profite du succès de l'écrivain espagnol pour sortir en cette rentrée 2008 un vieux Somoza. Paru en 2000, avant tous ses ouvrages jusqu'alors traduits en France, « Daphné disparue » se démarque par sa courte pagination. Le roman, à l'écriture toujours aussi dévorante même si elle n'est pas encore aussi recherchée que dans ses derniers écrits, vaut surtout pour les lecteurs habitués de Somoza, qui trouveront ici le germe des thèmes qui jalonnent son oeuvre. Références littéraires en forme de déclaration d'amour au livre – ici on navigue autour des « Métamorphoses » d'Ovide -, présence implicite de la mythologie puisque l'on croise même une ébauche de Muse, personnage principal du cauchemardesque « Dame n°13 », l'Espagnol esquisse son univers torturé, singulier et érudit. Surtout, il démontre déjà sa faculté à jouer avec le lecteur et à bousculer ses repères, multipliant les faux-semblants, l'interpellant directement, floutant les limites entre réalité et fiction. Mais si la construction minutieuse et les rebondissements sont malins, il manque encore la maîtrise qui fera de «La Caverne des idées », deux ans après l'écriture de ce texte, un chef-d'oeuvre justement bâti sur cette relation lecteur / narrateur / auteur que Somoza déforme avec tant de talent. Certaines ficelles se révèlent trop visibles, quelques longueurs nuisent au rythme. Mieux qu'un galop d'essai, mais au goût d'inachevé lorsque l'on a lu les romans postérieurs de son créateur, « Daphné disparue » n'est « seulement » qu'un bon roman, qui paraît trop tard pour surprendre. Daphné disparue de José Carlos Somoza Editions : Actes Sud, 2008 Nous commençons notre descente Tout avait pourtant débuté comme un conte de fées moderne : à la suite de ce dîner, après avoir démissionné du journal, il était parti en première classe, en veste de lin noir, sans bagages, pour New York, signer son contrat d'édition… La descente a vraiment commencé lorsqu'il a appris que la grande maison d'édition avait été rachetée, que son contrat ne serait jamais signé, qu'Astrid habitait à la campagne à l'autre bout du pays, et que la neige s'est mise à tomber sur sa vie brûlée et son compte en banque à sec. Explorer les continents, les cultures et les classes sociales est un ressort classique pour dénoncer les hypocrisies et les désirs illusoires qui dominent le monde contemporain. Classique, certes, mais James Meek l'utilise avec une grande habileté. Toute sa puissance narrative réside dans sa capacité à pointer du doigt l'indicible sommeillant dans les apparences les plus limpides, et donc les plus trompeuses. Nous commençons notre descente de James Meek Editions : Métailié, 2008 Un chasseur de lions Il y a vingt-cinq ans, dans un livre acheté en Patagonie, je découvrais l'existence d'un pittoresque aventurier français de la fin du XIXe siècle. Trafiquant d'armes, magnétiseur, chercheur de trésors, explorateur, hâbleur, il avait amené en Terre de Feu une expédition qualifiée de « funambulesque ». Bien des années plus tard, j'apprenais qu'il était aussi un ami de Manet, et que le peintre d' « Olympia » avait fait de lui un curieux portrait en chasseur de lions. Voici, romanesque et romancée, leur histoire croisée. On y passe des Grands Boulevards aux rives du détroit de Magellan, on y traverse des révolutions au Pérou, la Commune de Paris et la Semaine sanglante, on y croise Mallarmé, Berthe Morisot, une comtesse pétroleuse, un mutin sanguinaire, une femme sauvage, de supposés cannibales… Au fond du paysage, il y a aussi l'auteur, à la recherche du temps qui a passé : seule chasse où l'on est assuré d'être, au bout, tué par le fauve, seule exploration qui finit toujours sous la dent des anthropophages. Un chasseur de lions d'Olivier Rolin – Editions : Seuil, 2008