«Cinquante pour cent des étudiants des lycées et collèges marocains consomment de la drogue. Et vingt-cinq pour cent le font de manière régulière», a déclaré à ALM Nabila Mounir, présidente de l'Association marocaine des victimes de dépendances, se référant aux statistiques effectuées par une cellule de jeunes étudiants, membres de l'association. Lycéens et collégiens, garçons comme filles, sont la cible de dealers qui s'évertuent à vendre toutes sortes de drogue : Haschisch, psychotropes, drogues dures mais aussi d'autres mélanges: «Maâjoun», les petits gâteaux dits «Ghriyba», «Noqtat mongolien» et autres dénominations achetés pour 5 à 10 dh l'unité pour planer et avoir la fameuse «tabouiqa». «Un pédiatre aussi bénévole dans notre association a reçu en consultation une mère avec un enfant de 9 ans. Ayant toutes sortes de symptômes : maux de tête, maux d'estomac…, il s'est avéré que cet enfant prenait des cachets, plus exactement des psychotropes dont il ne comprenait même pas l'usage et que lui vendait à la porte de l'école des individus sans scrupule», déclare Nabila Mounir. Le problème touche une population de plus en plus jeune qui se drogue pour diverses raisons par émulation, imitation (camarades de classe, parents, oncle…), pour s'imposer face à la société… «J'ai fumé mon premier joint à l'âge de 14 ans. Les potes m'ont proposé une taffe. Je n'ai pas pu dire non. Et depuis je suis accro. Je ne peux pas me passer de ma portion quotidienne de hachisch. Et si je n'en ai pas, je trouverais forcément une autre substance», se confie Karim, étudiant en Bac âgé de 18 ans. La scolarité de Karim, «va de pire en pire», selon ses propres termes. Avant son addiction à la drogue, ses notes atteignaient facilement les 16 sur 20. Actuellement c'est tout juste s'il arrive à la moyenne. «Dans les salles de cours, des jeunes se trouvent parfois influencés par l'impressionnante attitude de leurs aînées qui affichent leur force en s'opposant aux professeurs. Pour paraître aussi fort que ces derniers et vaincre leur peur et timidité, les disciples s'initient à la drogue», explique Nabila Mounir dont l'association effectue régulièrement des campagnes de sensibilisation sur les dangers de la drogue, au sein des établissements scolaires. Par ailleurs, après s'être plaint de l'oisiveté des collégiens et lycéens, beaucoup d'enseignants et de parents ont dénoncé également le laxisme dont bénéficie la circulation de la drogue dans la rue et devant les établissements scolaires. D'autres personnes regrettent que «le professeur, et par la même occasion tout le système de l'enseignement au Maroc, s'est astreint à encombrer l'élève d'informations sans se préoccuper de l'encadrement de ce dernier et de son éducation». «Prochainement des agences privées assureront la sécurité des établissements scolaires. Ce n'est pas condamnable, mais il faudrait surtout penser à recruter et à former des assistants sociaux, et créer des structures d'écoute dans les écoles», déclare Nabila Mounir. L'ennui, le vide et le chômage sont des facteurs qui accentuent ce fléau. Il y a également un manque flagrant de structures pouvant accueillir les jeunes et leur offrir toutes sortes d'activités, théâtre, sports… leur assurer des formations et leur apprendre des métiers adaptés à leurs choix et aptitudes. Youssef, 18 ans, affirme consommer le «maâjoune» depuis 3 ans. Fatna, sa mère, s'en est aperçue, il y a 1 ans, depuis qu'il refuse de partir au collège. L'unique solution, pour la famille, était d'aller voir un docteur. «Ferme tes yeux! avance vers moi», demande à Youssef le docteur. En le faisant, Youssef a senti un vertige, signe de son stade de dépendance avancé. Tapant du petit marteau sur le genou de Youssef, le docteur note la faible réaction de réflexe du malade. «Fiston ! tu es dans un piteux état», annonce le docteur, et de poursuivre : «On t'a ramené ici par force pour te soigner. Mais personne ne pourra t'aider si tu ne t'aides pas toi-même. Prends ce traitement pendant 15 jours et il faudra que tu reviennes chez moi, par ta propre initiative. Et cela pour pouvoir faire les examens nécessaires et déceler les éventuelles pathologies physiologiques et psychiques qu'a forcément déclenchées la prise de drogue». Cette scène a été rapportée par Fatna, une des nombreuses mamans souffrant de la dépendance de leurs enfants victimes des dealers leur procurant la drogue devant les écoles.