Des chercheurs américains et européens ont annoncé avoir découvert une origine génétique à la dépendance au tabac, qui pourrait expliquer pourquoi certains sont plus susceptibles de fumer et développer un cancer des poumons. Les trois études, réalisées sur fonds publics aux Etats-Unis et en Europe, ont été publiées jeudi dans les revues américaines «Nature» et «Nature Genetics». Les chercheurs ont étudié les marqueurs génétiques de plus de 35.000 personnes en Europe, au Canada et aux Etats-Unis, ce qui leur a permis de découvrir chez certains l'existence de mêmes variations génétiques, accroissant les risques d'accoutumance et de cancer du poumon. Ces variations, qui influent sur les récepteurs de la nicotine sur les cellules, pourraient expliquer par exemple pourquoi certains fumeurs nonagénaires, voire centenaires, ont été épargnés par le cancer. Une des applications possibles des travaux est la mise au point, à terme, de traitements spécifiques pour arrêter de fumer, explique le professeur Nora Volkow, directrice de l'Institut national de lutte contre l'abus de drogue à Bethesda (Maryland) qui a financé une des études. Les recherches, qui ont principalement porté sur des fumeurs et des ex-fumeurs, montrent les conséquences des variations dans le code génétique hérité de chaque parent. Si ces modifications proviennent d'un seul parent, le risque de cancer des poumons est accru d'un tiers. Ce groupe de fumeurs, représentant environ 45% de l'échantillon étudié, fume également en moyenne une cigarette de plus par jour que les autres fumeurs. Lorsque les modifications génétiques sont héritées des deux parents, le risque de cancer du poumon est accru de 70% à 80% par rapport aux fumeurs ne présentant pas de modification génétique. En outre, leur consommation quotidienne est plus importante (deux cigarettes), avec un risque accru de 45% de présenter des maladies cardio-vasculaires. Les fumeurs sans variations génétiques ont un risque accru de 14% de présenter un cancer du poumon. Par comparaison, le risque de développer cette maladie pour une personne n'ayant jamais fumé est de moins d'un pour cent, rappelle un des chercheurs, Paul Brennan du Centre international de recherche sur le cancer, à Lyon. Paul Brennan et Christopher Amos, du Centre de recherches sur le cancer de Houston, qui ont travaillé sur deux études distinctes, établissent un lien direct entre les variations génétiques et le cancer du poumon. Paul Brennan pense également que les récepteurs de la nicotine sur lesquels les modifications agissent peuvent stimuler la croissance de tumeurs. La généticienne islandaise Kari Stefansson, auteur de la principale étude, estime pour sa part que le lien est indirect. Selon elle, les variations génétiques constatées entraînent une plus grande dépendance au tabac et une plus grande consommation. Ce sont ces cigarettes supplémentaires et l'impossibilité d'arrêter de fumer qui contribuent au risque accru de cancer, ajoute-t-elle. Christopher Amos, Paul Brennan et Kari Stefansson insistent tous sur un point: le fait de ne pas présenter de variations génétiques ne doit en aucun cas être perçu comme un encouragement à fumer. Le tabac reste dangereux dans tous les cas et les fumeurs s'exposent à des maladies cardio-vasculaires et cancers, soulignent-il. • Seth Borenstein (AP)