Le projet de loi 109.12 portant sur le code de la mutualité au Maroc fait grincer les dents à la fois les pharmaciens et les médecins. Ce texte, s'il adopté sous sa version actuelle, permettrait des mutuelles de créer des centres de soins leur appartenant. Une mesure qui va, selon ceux qui s'y opposent, à l'encontre de toute concurrence loyale entre les secteurs public et privé. En réponse à cela, la coordination mutualiste au Maroc a tenu une rencontre, mercredi 3 février, afin de «défendre» son point de vue sur le projet. «Ce code doit être un modèle pour le secteur de la mutualité et ainsi participer au développement humain et être un acteur dans le domaine de l'économie sociale et solidaire dans notre pays». C'est ainsi qu'a été présenté le nouveau code de la mutualité censé améliorer le service de ce secteur régi par le dahir de 1963. Dans leur plaidoyer, les représentants des structures mutualistes se sont référés à la Constitution de 2011 et qui consacre dans son article 31 un «égal accès des citoyennes et citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits aux soins de santé» ainsi qu'«à la protection sociale, à la couverture médicale et à la solidarité mutualiste ou organisée par l'Etat». Sur cette base, les mutuelles du Royaume se disent en droit de disposer et d'autogérer leurs centres de soin au profit de leurs adhérents. «Ces structures sont entièrement construites à partir des cotisations de nos adhérents. Ceux-ci ont donc toute la liberté de choisir de bénéficier des services sanitaires offerts à notre niveau ou de recourir au secteur privé», a indiqué Miloud Maasid, en sa qualité de coordinateur au sein de cette entité mutualiste, tout en dénonçant la pression qu'exercent les lobbys afin d'écarter les mutuelles des activités médicales. «Nous avons l'impression que les cliniques privées veulent accaparer la santé du citoyen. A notre niveau, nous opérons gratuitement et dans les meilleures conditions. Nous sommes garants de la santé du citoyen qui n'est pas en mesure de se faire soigner dans le secteur privé. La mutuelle est une stabilité», s'indigne un représentant de la coordination. A aujourd'hui, ils sont plus de 4,5 millions de bénéficiaires à profiter de la couverture médicale de base dans le secteur public. «Ceux-ci, parfois faute de moyens, patientent et attendent les vacances afin de pouvoir se déplacer de villes lointaines pour bénéficier des services de nos structures qui, au passage, font vivre pas moins de 1.500 employés», note la même source pour qui tout rejet de ces acquis sera un coup fort pour le système de santé du Royaume. En gros, la coordination mutualiste refuse tout amendement sur ce volet «social» et estime qu'il s'agit d'une ligne rouge à ne pas franchir dans la révision du très controversé code de la mutualité. Pour rappel, après une première lecture au niveau de la première Chambre, ce code a provoqué quelques indignations chez les syndicats et a connu quelques amendements avant d'atterrir chez les parlementaires. «10 articles ont été intégrés dans cette nouvelle version du code. Nous sommes confiants en notre tutelle qui saura défendre et maintenir ces acquis», insiste Miloud Maasid. C'est en effet lors de ces amendements qu'a été intégrée l'habilitation des mutuelles à disposer de centres de soins médicaux et dentaires ainsi que de pharmacies qui leur sont propres de manière à pouvoir fournir les services liés au diagnostic, soins, fourniture de médicaments et des différents outils médicaux (article 2). Les médecins, quant à eux, évoquent la loi 65.00 portant code de la couverture médicale de base pour justifier leur prise de position. Cette loi interdit en effet «le cumul entre la gestion des caisses et celle des structures de soins, et la délivrance des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux». Ce texte passera-t-il ? Difficile à dire puisque les partis qui composent la majorité au gouvernement y sont, paraît-il, hostiles. Affaire à suivre. Des enjeux (financiers) majeurs: Sous l'indignation se cachent… Cette tension provoquée par les amendements introduits par la Chambre des conseilleurs au projet de loi 109.12 portant sur le code de la mutualité a fait émerger des lobbys sur la scène politique. Pour la première fois on assiste au sein du gouvernement à une complicité entre les groupes de l'opposition, notamment l'Istiqlal, et de la majorité représentée essentiellement par le PJD autour de ce projet de loi. Cette connivence serait-elle guidée par des intérêts financiers ? Ce projet qui les fait jaser aujourd'hui avait, rappelons-le, fait l'unanimité et était en phase avec les dispositions légales actuellement en vigueur, à savoir celles relatives à la couverture médicale de base (l'article 44 de la loi n° 65.00, ndlr). Aujourd'hui, cette loi a été revisitée de façon à garantir aux mutuelles le droit de créer et de gérer des unités de santé. Ce qui n'est pas sans inquiéter le corps médical privé. L'Ordre national des médecins a même exprimé son intention de défendre ses intérêts et «à se mobiliser par tous les moyens légaux disponibles afin d'annuler ces amendements lors de son passage devant les députés». Qu'en est-il de l'intérêt du malade ? Dans ce jeu qui n'est pas près de prendre fin et qui alimentera certainement davantage les fils d'actualité, le grand absent reste la société civile. Au moment où 25 sociétés mutualistes tiennent tête aux professionnels du secteur privé, la voix des associations de protection des droits des consommateurs et du droit d'accès aux soins ne s'est toujours pas fait entendre. La Mutuelle générale poursuit la CNOPS en justice Alors que la polémique autour du code de la mutualité s'accentue, la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) et la Mutuelle générale du personnel des administrations publiques (MGPAP) continuent à se livrer une guerre sans merci. L'on apprend récemment que la Mutuelle générale entend poursuivre la CNOPS en justice. Et pour cause? Cette dernière lui devrait «une somme avoisinant les 60 millions de dirhams». Cette décision de recours à la justice a été prise au niveau du conseil d'administration de la MGPAP tenu les 30 et 31 janvier. Pour rappel, ces deux organismes n'en sont pas à leur premier bras de fer. Une autre affaire avait, en effet éclaté en décembre dernier opposant la CNOPS à la MGPAP autour du Centre Amal Souss. Ce centre destiné à offrir des prestations de prise en charge éducative, de rééducation kinésithérapique, orthophonique et psychomotrice, ainsi que des activités sportives et parascolaires fonctionnerait dans l'illégalité selon la CNOPS qui, à son tour, a procédé à la suspension des dossiers de remboursement, jugeant que les prestations dudit centre sont facturées à plus de 3.000 dirhams.