Des prévisions encore plus sombres pour l'économie nationale en 2016. Le Haut-Commissariat au Plan (HCP), qui avait dévoilé en juin 2015 ses premières anticipations, vient de livrer des pronostics alarmants. Le tableau brossé par Ahmed Lahlimi démontre une année plutôt difficile. D'ailleurs, le Haut-Commissaire au Plan n'a pas hésité à partager ses inquiétudes, notamment par rapport aux menaces sérieuses que la conjoncture agriculture fera peser sur le quotidien des Marocains particulièrement dans les zones rurales. Ahmed Lahlimi qui, dans ce sens, a tenu une conférence mercredi 27 janvier, a fait savoir que le poids sera d'autant plus important au niveau de l'état du cheptel, de l'emploi, du revenu et des conditions de vie des populations rurales ainsi que les ressources hydrauliques. «Les conditions climatiques, telles qu'en augure le début de 2016, sont par ailleurs porteuses d'un contexte social où la problématique de la pauvreté et des inégalités sociales et territoriales devrait se poser avec une nouvelle acuité», explique M. Lahlimi. Et de souligner que «pour relancer la production agricole et l'activité dans le monde rural, cette année, voire celles qui la suivront, devrait susciter des inflexions sérieuses à la politique économique, financière et monétaire, autant qu'à la politique sociale et ce, quelle que soit la clémence des conditions climatiques à venir». Que se passera-t-il en 2016 ? Les anticipations formulées par le HCP font état d'une croissance en net retrait par rapport à celle réalisée en 2015. La croissance économique ralentirait, cette année, à 1,3% après avoir marqué une hausse de 4,4% en 2015. La valeur ajoutée du secteur primaire afficherait un repli passant ainsi d'une performance de 14,1% en 2015 à 10,2% en 2016. Sa contribution dans le PIB basculerait de 12,7% en 2015 à 11,4% en 2016. Dans ce sens la production céréalière se situerait en deçà de 40 millions de quintaux suite au déficit pluviométrique de près de 61% observé jusqu'au mois de décembre 2015. Aussi, la valeur ajoutée agricole devrait bénéficier de la contribution des différentes cultures irriguées et des retombées positives de la campagne précédente. Les activités non agricoles croîtraient pour leur part de 2,2% en 2016 affichant une légère amélioration par rapport au niveau enregistré en 2015. Le taux de chômage grimperait à 10,2% contre un taux de 9,6% en 2015. Le ralentissement devrait se refléter au niveau de la demande intérieure. Elle passerait d'une croissance modérée de 2,2% en 2015 à 1,7% en 2016. 2016 serait également marquée par un taux d'investissement en dégringolade. Ce taux serait, selon le HCP, en deçà de 30% du PIB. Le HCP table ainsi sur une croissance de 0,5% de la formation brute du capital fixe, profitant particulièrement de la consolidation de l'investissement public. Sa contribution à la croissance se situerait à 0,1 point contre 0,4 point une année auparavant. Déficit commercial et budgétaire : Situation maîtrisée Malgré le brouillard attendu en 2016, l'économie nationale maîtriserait son écart commercial et budgétaire. Au niveau des échanges commerciaux, le déficit courant poursuivrait son allégement, soit 2,5% du PIB en 2016 contre 2,3% en 2015 et 5,8% en 2014. Les exportations de biens et services en volume verront leur croissance ralentir. Elle est estimée à 2,7% en 2016 contre des hausses respectives de 6,3 et 3,1% observées les deux dernières années. Les importations grimperaient de 4,6% contre une baisse de 2% en 2015. «La demande extérieure nette devrait connaître une contribution négative à la croissance de l'ordre d'un point en 2016, après les contributions positives de 1,2 point et 2 points respectivement en 2014 et 2015», apprend-on du HCP. Pour leur part, les finances publiques devraient connaître une stabilisation du déficit budgétaire. Il atteindrait, selon le HCP, un taux de 4,4% du PIB. En dépit de la poursuite de la réduction des dépenses de compensation, les dépenses courantes représenteraient près de 20,4% du PIB contre 20,2% en 2015. Les dépenses d'équipement s'élèveraient pour la même année à 5,2% du PIB au lieu de 5,5% en 2015. Aussi, les recettes courantes se maintiendraient à 21,3% du PIB. Le Haut-Commissariat au Plan indique, par ailleurs, que l'Etat ferait recours à des emprunts interne et externe portant le taux d'endettement du Trésor à près de 65% du PIB. La dette publique globale se stabiliserait à un taux de 82,5% du PIB au lieu de 80,4% en 2015 et une moyenne annuelle de 64,5 % entre 2005-2014. En ce qui concerne l'épargne intérieure, elle s'inscrirait en baisse en 2016 basculant de 22% du PIB en 2015 à 21,4% en 2016. L'épargne nationale devrait atteindre, quant à elle, 27,2% du PIB en 2016 au lieu de 27,5% en 2015. Se référant au département d'Ahmed Lahlimi, l'investissement brut se situerait à 29,6% du PIB. Le besoin de financement de l'économie devrait, pour sa part, atteindre 2,5% du PIB en 2016, après les déficits de 2,3% en 2015 et 5,8% en 2014. Evolution économique: Les remarques d'Ahmed Lahlimi En analysant l'évolution et les perspectives de l'économie nationale en 2016, le Haut commissaire au Plan a émis trois remarques importantes. La première observation concerne la demande intérieure. Ahmed Lahlimi indique dans ce sens que «la tendance au ralentissement de la demande intérieure persiste et ce malgré une maîtrise, à des niveaux parmi les plus bas du monde, de l'inflation et une aisance des liquidités monétaires soutenue par une nette reconstitution des réserves de change du pays». Quant à la demande extérieure, le haut-commissaire au Plan indique qu'«elle amorce, certes, une timide bien que progressive contribution à la croissance». Et de préciser qu'«elle ne saurait, cependant, se départir de son caractère conjoncturel tant que notre offre exportable ne gagne en diversification, en croissance et en compétitivité». Se référant à M. Lahlimi, ceci renvoie à «la problématique du ralentissement tendanciel de l'activité non agricole et au faible effet d'entraînement, déjà noté, des industries émergentes sur leur environnement productif». S'exprimant autour du déficit budgétaire, le haut commissaire au Plan a fait savoir que «son atténuation se réalise par un relâchement de l'effort de l'investissement public sans que le capital privé ne prenne significativement le relais, ni qu'une politique monétaire, confortée par une situation internationale favorable, n'apporte sa souhaitable contribution à la redynamisation de l'activité non agricole». Le haut-commissaire au Plan a rappelé, par ailleurs, que les années 2015 et 2016 se situent dans un contexte international et national qui aura marqué leur configuration économique. Il a précisé que les pays émergents et en développement continuent de subir le contrecoup des rigueurs budgétaires des pays développés, la baisse des prix des matières premières et les mutations que connaît l'économie chinoise, sur fond de ralentissement notable du commerce mondial. Croissance sectorielle en 2015
• Bonne performance pour le secteur primaire en 2015. Selon le HCP, il aurait enregistré une valeur ajoutée en hausse de 14,1 % en 2015 contre une baisse de 2,6 % en 2014, contribuant pour 1,6 point à la croissance économique. Cette dernière se serait accrue de 4,4% contre 2,4% en 2014. L'économie nationale aurait bénéficié en 2015 d'une campagne agricole très favorable. La campagne agricole 2014-2015 aurait enregistré une production céréalière record de 115 millions de quintaux, en augmentation de 69% par rapport à 2014. • La valeur ajoutée du secteur tertiaire aurait continué d'évoluer dans une tendance baissière pour dégager une croissance de 1,9% au lieu de 2,2% en 2014. Cette décélération aurait été attribuable à la croissance modérée de 2,1% de la valeur ajoutée des services non marchands et au ralentissement des services marchands qui se seraient accrus de 1,8% au lieu de 2,1% en 2014 en raison, notamment, du recul des services rendus aux entreprises et du tourisme. Les activités touristiques auraient affiché, pour la première fois, une baisse de leur valeur ajoutée de l'ordre de 1,9% au lieu d'une hausse de 5% en moyenne annuelle durant la période 2007-2014. • Le secteur secondaire aurait enregistré, en 2015, un ralentissement de son rythme de croissance, situé à 1,4% au lieu de 1,7% en 2014, soit une contribution de 0,4 point du PIB. Ceci est dû à la baisse des activités extractives et à la reprise timide des industries manufacturières et des activités du BTP. Selon le HCP, les industries de transformation auraient été marquées par une légère reprise de l'ordre de 1,5% au lieu de 1% en 2014, soutenue par l'évolution favorable des industries chimiques et parachimiques et des industries alimentaires qui auraient profité de l'offre abondante de la campagne agricole 2014-2015.