De nombreuses formations politiques héritières des courants d'extrême gauche opèrent actuellement un rapprochement partisan pour mieux peser sur le débat politique national. Voyage rétrospectif vers les origines de cette idéologie qui s'est beaucoup amendée avec le temps. Ce n'est pas un conte, mais c'est tout comme. L'histoire commence en 1965 pour certains, 1967 pour d'autres. Deux dates majeures dans l'histoire de la gauche marocaine. La première a trait aux événements de Casablanca du 23 mars qui ont marqué la rupture entre les directoires politiques (UNFP, PLS, et accessoirement l'Istiqlal) et leurs jeunes cadres, voire leur nouvelle élite. Regroupée autour de la revue Souffles, la plupart de ces nouveaux visages de la classe politique, allait deux ans plus tard, déclarer la faillite du modèle classique de l'action politique. L'humiliation des Arabes, en juin 1967, la dissémination de l'armée égyptienne et la défaite cuisante assumée par Jamal Abdennacer, qui constituait un idéal arabe, allait donner le signe de départ pour plusieurs groupes et organisations politiques arabes. Le Maroc en a eu son lot. Et c'est à partir de 1970 que l'on a découvert les premiers noyaux de ce qui allait devenir les organisations d'extrême gauche marocaine, avec 23 mars, en référence aux événements de Casablanca, Ilal Amam (en avant) et par la suite Linakhdoum Ach Chaâb (Servir le peuple). Difficile de dire qui était au départ marxiste léniniste et qui avait opté pour le maoïsme ou encore ceux qui étaient plutôt guévaristes… Les deux derniers concepts étaient à la mode à l'époque, surtout après le fameux mai 68 et ce qui s'en est suivi comme chamboulement d'idéaux. Une chose est sûre. Les trois organisations gauchistes, appelées par la suite, nouvelle gauche, en référence aux anciennes formations de la gauche traditionnelle, ont pu marquer plus le discours que l'action politique. L'activité de ses militants gauchistes a été stoppée presque net, entre 1973 et 1975, quand les arrestations avaient commencé. Coup de mouchardise ou de malchance, voire d'inexpérience, les directions et autres militants de ‘'base'' - un terme à prendre avec précaution dans ce cas de figure -, ont été mis à l'ombre. La revue Souffles interdite et le rouleau compresseur a suivi son œuvre. Cinq condamnations à vie, une dizaine à trente ans, plusieurs ont écopé de vingt ans, quinze ou dix ans… Le procès de Casablanca de 1977 est resté dans les annales de ce qui sera qualifiés d'années de plomb. Serfaty, Zaazaa, Mouctari, Fakihani, Nouda, Harif, Azhar, Moudden… la liste est restreinte, mais les souffrances ne peuvent être résumées. De ces souffrances partagées, sont nées des divergences. Et à l'intérieur de la prison centrale de Kénitra, les courants politiques et les alliances se faisaient et se défaisaient parfois au gré des humeurs… La majorité du 23 mars ont rejoint l'OADP. Certains en sont des fondateurs, dont notamment feu Abdeslam Moudden et Allal Azhar. D'autres ont complètement changé de bord. Loubnani ou encore Tribak n'ont plus rien à voir ni avec la gauche ni même avec la droite. Certains membres d'Ilal Amam ont rejoint l'USFP ou l'OADP, sinon ils se sont constitué en nouvelles organisations, dont le mouvement pour la démocratie ou Ennahj Addimocrati qui reste le plus proche de l'ancienne conception de la gauche radicale. Le lien entre ses promoteurs dont notamment El Harif, Abdelhamid Amine, ou encore Mustapha Brahma et Abdelmoumen Chbari, qui avaient été incarcérés en 1984, pour appartenance à Ilal Amam, et cette dernière organisation ou ce qu'il en reste, est plus qu'explicite… Alors que la majorité de Servir le peuple dont Sion Assidon, se sont recyclés dans l'action associative. Entre le discours enflammé d'antan et l'action plutôt modeste au quotidien, il y a bien un fossé qu'on ne peut combler par la seule notion de pragmatisme…