Le gendarme des médias a rendu son verdict au sujet du spectacle de Jennifer Lopez. Un verdict qui ne doit certainement pas rendre le chef de gouvernement heureux ni sa formation politique, le Parti de la justice et du développement (PJD). En effet, Abdelilah Benkirane avait saisi la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) au sujet de la diffusion du spectacle de la chanteuse américaine, Jennifer Lopez. Un spectacle jugé par le chef de l'Exécutif plein de signes «suggestifs». Benkirane comptait sur la HACA pour sanctionner la télévision publique ayant diffusé le spectacle. Une demande rejetée par la Haute autorité. Cette dernière a déclaré cette demande «irrecevable en la forme». La décision a été prise suite à la délibération du Conseil supérieur de la communication audiovisuelle - CSCA, lors de sa séance du 15 Ramadan 1436 (2 juillet 2015), tenue au siège de la Haute autorité de la communication audiovisuelle à Rabat. Le Conseil où siégeaient Amina Lemrini Elouahabi, présidente de la HACA, ainsi que Rabha Zeidguy, Faouzi Skali, Mohamed Abderahim, Mohamed Gallaoui, Bouchaib Ouabbi, Talaa Assoud Alatlassi et Khadija El Gour, en leur qualité de membres, déboute le numéro un de l'Exécutif. Le CSCA a jugé que la demande de Benkirane «n'entre pas dans le cadre d‘une demande d'avis portant sur une question relative au secteur de la communication audiovisuelle, et n'entre pas, en conséquence, dans le cadre des missions consultatives du Conseil supérieur de la communication audiovisuelle telles que prévues à l'article 3 du dahir portant création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle».
Omari avait raison ! Le verdict final de la HACA ne doit pas plaire au chef de gouvernement pour une autre raison. En effet, le secrétaire général adjoint du Parti authenticité et modernité (PAM), Ilyas Omari, avait déclaré, il y a quelques semaines, que la demande du chef de gouvernement ne devait pas être recevable. Omari qui a été membre du CSCA et connaît bien le texte réglementaire encadrant le fonctionnement du Conseil avait rappelé que le chef de gouvernement pouvait solliciter uniquement pour un avis consultatif mais pas pour décider des sanctions. Après vérification, le dahir portant création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle lui donne raison. L'article 3 du dahir stipule, en effet, que le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle donne avis au Parlement et au gouvernement sur toute question dont il serait saisi par le Premier ministre ou les présidents des Chambres du Parlement et relative au secteur de la communication audiovisuelle. La recevabilité des plaintes par la HACA est citée dans l'article 4 du même dahir. Ce dernier dispose que le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle peut recevoir des plaintes émanant des organisations politiques, syndicales ou des associations reconnues d'utilité publique, relatives à des violations, par les organes de communication audiovisuelle, des lois ou règlements applicables au secteur de la communication audiovisuelle. Il instruit, s'il y a lieu, lesdites plaintes et leur donne la suite prévue par le présent dahir, les lois ou règlements applicables à l'infraction (…). Reste à connaître maintenant la réaction du chef de gouvernement après le verdict de l'Autorité. Plainte Suite à la diffusion du concert de Jennifer Lopez à la télévision, le chef de gouvernement avait saisi la Haca pour demander des sanctions contre les responsables. Dans une missive datée du 4 juin dernier, Abdelilah Benkirane considère le concert de Jennifer Lopez comme un «acte grave». Le chef de gouvernement a estimé dans la même correspondance adressée à la présidence de la HACA que le concert contenait «des passages avec des allusions sexuelles portant atteinte à la pudeur et provoquant les valeurs religieuses et morales de la société marocaine». Pour le numéro un de l'Exécutif, ledit spectacle «constituait une violation flagrante de la Constitution marocaine, de la loi audiovisuelle, et du cahier des charges relatif à la société Soread 2M». Il avait ainsi demandé des sanctions contre les responsables. A noter que la lettre du chef de gouvernement a été envoyée suite à une levée de boucliers au sein de sa formation politique, le Parti de la justice et du développement (PJD), contre le concert en question.
Une auto-saisine de la HACA Si le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle (CSCA) vient de déclarer la plainte du Chef de gouvernement irrecevable, l'Exécutif n'en démord pas pour autant. Contacté par ALM, une source gouvernementale ayant requis l'anonymat, affirme que la HACA travaillera sur le dossier malgré tout. La même source explique que la dernière décision de la Haute autorité concerne uniquement la forme. «Le rejet concerne uniquement la forme de la lettre du chef de gouvernement. Sur le fond, la HACA travaillera sur cette affaire sous forme d'une auto-saisine», explique notre interlocuteur. «Le CSCA s'est attelé à l'étude de cette question dans sa dimension plus large et selon une approche holistique respectant les principes de l'indépendance, de la liberté et de la responsabilité des opérateurs dans l'exercice de la communication audiovisuelle et ce, à l'aune de la philosophie et de l'esprit de la Constitution, des textes juridiques et réglementaires en vigueur, de l'expérience de la Haute autorité de la communication audiovisuelle et de sa stratégie», affirment les responsables de la HACA.