ALM: Vous venez de lancer un nouveau projet pour soutenir le partenariat pour la mobilité UE-Maroc. Quels sont les axes et les objectifs de cette initiative ? Anis Birou: Un partenariat de mobilité UE-Maroc a été signé le 7 juin 2013 entre la Commission européenne, le ministère marocain des affaires étrangères et de la coopération (MAEC), et les ministères chargés de la migration des neuf Etats membres de l'Union européenne participant à ce partenariat (Belgique, Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suède et Royaume-Uni). Le partenariat de mobilité UE-Maroc constitue un cadre flexible, juridiquement non contraignant, qui fixe un ensemble d'objectifs politiques et prévoit des initiatives à mettre en place pour garantir une bonne gestion de la circulation des personnes. L'une de ces initiatives est le projet «Soutenir le partenariat pour la mobilité UE-Maroc», mis en œuvre dans le cadre d'une délégation de gestion à l'établissement public France Expertise Internationale (FEI). Ce projet, d'une durée de 3 ans, a pour objectif de contribuer à la mise en œuvre du Partenariat pour la mobilité UE-Maroc par la consolidation des résultats existants en matière de migration et développement, au travers d'une approche globale, pour une meilleure prise en compte de la thématique dans les politiques et stratégies nationales. De manière transversale, le projet vise une meilleure coordination des interventions au Maroc sur la migration et le développement en alimentant les systèmes d'information pour une meilleure accessibilité de l'information et en renforçant le rôle des institutions marocaines dans la coordination des initiatives publiques et privées. Quelle est la place accordée aux personnes âgées dans ce projet? Les personnes âgées feront l'objet d'un examen approfondi dans le cadre de la composante 4 du projet relative au renforcement des dispositifs de réinstallation des MRE de retour au Maroc. Ceci est envisageable à travers la consolidation de l'analyse des modalités actuelles pour la réinsertion des migrants de retour en général, et des personnes âgées en particulier, et l'identification des pistes d'amélioration, tout en visant l'appui à la mise en place d'un cadre institutionnel optimal. Nous avons récemment commandé une étude qui s'insère dans ce cadre dont les recommandations préliminaires préconisent, entre autres, de favoriser et aider la création d'espaces solidaires et intergénérationnels pour développer des activités socioculturelles à l'intention des séniors et mettre à leur disposition des points d'information et d'accompagnement social, administratif et juridique. Que prévoient les régimes de retraite au Maroc pour les MRE ? Au Maroc, la Caisse nationale de sécurité sociale est l'organisme public chargé de la gestion du régime de sécurité sociale pour les salariés du secteur privé. Il assure une protection contre les risques de suppression de revenu en cas de maladie, de maternité, d'invalidité ou de vieillesse, il leur sert aussi des allocations familiales et fait bénéficier leurs ayants droit d'une pension de survivants et d'une allocation au décès. Concernant les MRE, la CNSS gère des conventions internationales de sécurité sociale avec des pays d'immigration des ressortissants marocains. Ainsi, le Maroc a signé des conventions de sécurité sociale avec 14 pays (France, Belgique, Pays-Bas, Espagne, Allemagne, Portugal, Danemark, Suède, Roumanie, Tunisie, Libye, Canada, Québec et le Luxembourg). L'objectif de ces accords est basé sur les principes suivants : le principe de l'égalité de traitement des ressortissants des pays contractants au regard des législations de sécurité sociale en vigueur ; le principe de réciprocité et le principe du transfert des droits. Ces conventions permettent aux MRE qui ont transféré leur lieu de résidence au Maroc (de façon provisoire ou définitive) de bénéficier des régimes de retraite du pays d'accueil et même du régime de protection marocain s'ils ont travaillé au Maroc et ont cotisé à la CNSS. Quelle est la politique du gouvernement pour renforcer et promouvoir l'identité nationale des MRE dans ses dimensions spirituelle, linguistique et culturelle ? Et qu'en est-il des jeunes ? Dans le cadre de la promotion de l'identité nationale des Marocains résidant à l'étranger, le gouvernement a mis en place une politique qui garantit leur attachement au pays d'origine et qui soutient l'intégration des enfants et jeunes dans les pays d'accueil, et ce à travers un plan d'actions tridimensionnel se présentant comme suit. Il y a une dimension culturelle portant sur la proximité culturelle favorisée avec le Maroc au moyen d'une offre culturelle adaptée en cohérence avec les objectifs de l'intégration socio-économique des MRE dans les sociétés d'accueil. Il y a la dimension linguistique se traduisant essentiellement par la promotion de l'enseignement des langues et culture marocaines dans les différents pays de résidence afin de renforcer l'identité nationale des nouvelles générations et garantir leur attachement au pays d'origine et de soutenir l'intégration des enfants MRE dans les pays d'accueil. Et il y a la dimension spirituelle visant la consolidation de la référence au rite malékite et la pratique musulmane marocaine ouverte à l'Islam tel qu'il est appréhendé et organisé par les pays d'accueil. Celle-ci est actionnée par l'augmentation du nombre des imams et l'amélioration de leur rendement ; l'organisation de sessions de formation dans les pays d'accueil au profit des Imams d'origine Marocaine qui ont une connaissance largement suffisante de la langue, la réalité et le contexte du pays ; la collaboration avec les autorités des pays d'accueil pour l'introduction de l'enseignement Islamique et de programmes de formation destinés aux futurs imams dans les établissements d'enseignement supérieur ; et la construction des lieux de culte dans les grandes agglomérations de concentration des MRE. Le gouvernement soutient la mise en place de programmes de formation et de qualification des jeunes MRE au chômage, afin de favoriser leur intégration dans le marché de l'emploi, aussi bien dans leur pays d'origine que dans les pays de résidence. Quel bilan faites-vous de ces programmes? Dans le cadre de ces programmes visant le soutien et l'accompagnement social des jeunes MRE, le ministère chargé des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration a mis en place depuis 2009 un programme de formation professionnelle destiné à offrir aux jeunes MRE des formations spécialisées leur permettant d'avoir plus de chances d'intégrer le marché de l'emploi. Ces formations sont dispensées dans le cadre d'une convention avec l'Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) et le ministère de l'artisanat et des affaires sociales, signée le 24 janvier 2011. Les candidats sont sélectionnés en coordination avec les représentations diplomatiques et consulaires du Maroc à l'étranger selon des critères bien définis. La durée du programme de formation varie de 6 à 24 mois, selon les spécialités et la qualification des candidats. Des programmes de stages sont programmés pour permettre aux participants d'acquérir l'expérience pratique nécessaire pour l'accès au marché de l'emploi. Il est à signaler que les participants au programme de formation professionnelle bénéficient d'une bourse mensuelle pour la couverture des dépenses hors formation, comme le transport au Maroc… En 2013-2014, 28 stagiaires issus d'Algérie, de Tunisie, de Libye et du Sénégal ont bénéficié des formations dans les centres de l'OFPPT La journée nationale du migrant est célébrée chaque 10 août. Que prévoyez-vous dans les célébrations de cette année ? La journée nationale de la communauté marocaine résidant à l'étranger a été instituée par Sa Majesté le Roi en 2003. Depuis, elle est célébrée le 10 août de chaque année. Cette journée constitue une occasion de dialogue et d'échange sur les principales préoccupations et attentes des MRE, mais également sur les programmes mis en place en leur faveur pour la promotion et la valorisation de leur rôle au Maroc et dans les pays d'accueil. Cette année, la journée nationale est célébrée sous le thème: «La première génération des Marocains du monde : hommage rendu à une génération pionnière». L'accent sera mis sur la situation et les préoccupations de cette catégorie pour enrichir la réflexion autour des mécanismes permettant la mise en place d'un programme opérationnel pour répondre aux besoins et préoccupations de cette catégorie. Chaque année, le ministère adopte une batterie de mesures visant notamment la simplification des procédures administratives en faveur de la communauté marocaine établie à l'étranger. Qu'en est-il pour l'Opération transit 2014? Notons d'abord l'intérêt royal particulier accordé à l'Opération transit, manifesté par la présidence effective de Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu le glorifie, de l'opération «Marhaba», et sa volonté royale d'assurer toutes les conditions et les moyens à même de permettre à l'opération d'évoluer dans un climat de sérénité, de satisfaction et de calme. Pour rappel, cette opération est pilotée par une commission nationale présidée par le ministère de l'intérieur et composée de plus de trente organismes représentant les ministères et les institutions concernées, en plus des autorités sécuritaires et militaires. Notons à cet égard, le rôle avant-gardiste de la Fondation Mohammed V de solidarité comme outil central de gestion de cette opération. C'est une grande opération qui mobilise et intègre les efforts et les contributions de tous les intervenants dans l'Opération transit au niveau national pour veiller chacun dans sa position à sa bonne évolution, à son organisation et à sa réussite. Cette opération connaît une amélioration constante d'année en année grâce aux efforts considérables et moyens humains et matériels importants mobilisés lors des dernières années pour surmonter les nombreux problèmes et difficultés qui affectaient l'opération. Ceci a permis une amélioration notable unanimement saluée. Ainsi, une panoplie de mesures sont adoptées pour assurer le bon déroulement de l'opération et pour assurer un accompagnement des MRE sur tous les plans pendant leur séjour au Maroc, notamment sur le plan administratif. Quelle stratégie pour les MRE ?
L'analyse quantitative des 4,5 millions de Marocains résidant à l'étranger (MRE) montre qu'il s'agit d'une population jeune, présente dans plus de 100 pays sur les 5 continents et qui tend vers une répartition hommes-femmes équilibrée. L'analyse qualitative de cette population révèle qu'elle est fragile économiquement et qu'elle est en pleine mutation identitaire sociologiquement. En effet, la perpétuation de nos relations avec les nouvelles générations nées et grandies à l'étranger, désormais majoritaires en nombre, pose de nouveaux défis et appelle des réponses à un ensemble d'attentes sur tous les plans : culturel, éducatif, identitaire, social, juridique, économique… Ainsi, et conformément à la Haute sollicitude et orientations royales contenues dans les discours de SM le Roi, une vision et une stratégie nationale globale et intégrée en faveur des MRE ont été définies avec comme objectifs de «mieux les servir et mobiliser leur potentiel considérable en tant qu'acteur à part entière dans le développement du Maroc». Actuellement, il s'agit de l'opérationnalisation de cette vision à travers une politique volontariste, innovante et mobilisatrice en mettant en œuvre un plan d'action en six axes. Il s'agit de la préservation de l'identité nationale, la promotion et protection des droits et des intérêts, l'amélioration des dispositifs d'appui et d'assistance sociale, le renforcement et la pérennisation de la participation des MRE au développement, la mise à contribution et valorisation des compétences MRE ainsi que la mise à niveau du cadre institutionnel de gouvernance et de veille.