«Le dossier est maintenant entre les mains de la justice qui doit trancher sur le conflit». Les propos émanent de Abdelmalek Aferiat, parlementaire et membre du bureau central de la FDT (Fédération démocratique du travail). C'est dire que la tension entre les deux camps qui se disputent le pouvoir au sein de la centrale syndicale ne faiblit pas. D'un côté, Abderrahmane Azzouzi, secrétaire général élu lors du dernier congrès, s'accroche à son poste et accuse son rival de détournement. De l'autre, Abdelhamid Fatihi, élu secrétaire général lors d'une session extraordinaire du conseil national du syndicat, accuse à son tour son challenger de détournement. Fait nouveau. Les partisans de Azzouzi accusent aujourd'hui directement le premier secrétaire de l'USFP (Union socialiste des forces populaires) de s'immiscer dans les affaires internes du syndicat et soutenir l'un des candidats au détriment de l'autre. «Vous savez, Abdelhamid Fatihi, en plus de sa qualité de dirigeant de la FDT, est également membre du bureau politique de l'USFP. Malheureusement, le parti avec à sa tête Driss Lachgar se considère comme étant directement concerné par ce qui se passe actuellement à la FDT», affirme Aferiat. Ce dernier annonce probablement un fait inédit dans l'histoire politico-syndicale du pays. Celui de manifestation d'un syndicat contre un chef de parti dans l'opposition. «Nous sommes en train de préparer des manifestations dans plusieurs villes. Les militants de la FDT doivent sortir pour dénoncer cette situation», dit-il. Et de poursuivre : «La position d'un parti comme l'USFP dans ce dossier suscite des interrogations à un moment où la coopération entre la FDT, la CDT et l'UMT avait atteint sa vitesse de croisière et promettait de donner des résultats positifs». En effet, l'alliance entre les trois centrales syndicales est aujourd'hui menacée ou du moins gelée jusqu'à nouvel ordre. Le dialogue entre les syndicats et le gouvernement, notamment sur la réforme de la retraite se retrouve de facto au point mort. Une source bien placée dans l'un des trois syndicats affirme que pour la première fois «le gouvernement ne peut pas être accusé de retarder le dialogue ou d'entraver le débat». «Nous comprenons aujourd'hui que le chef de gouvernement décide de temporiser sur le dossier de la retraite en attendant d'avoir un seul interlocuteur au sein de la FDT où deux secrétaires généraux se disputent actuellement le pouvoir», ajoute la même source. Le hic, c'est que la division au sein de ce syndicat risque de perdurer surtout que le dossier se trouve actuellement entre les mains de la justice. A noter enfin que les partisans de Azzouzi préparent de nouvelles sorties dans les médias pour dévoiler les faits nouveaux. Aferiat annonce même la publication d'une grande interview-vérité très bientôt sur ce qui se passe actuellement au sein du syndicat. Une action qui risque d'envenimer encore plus l'atmosphère entre les deux rivaux et rendre tout dénouement encore plus difficile. Remake La division qui règne actuellement au sein de la FDT rappelle les mêmes faits observés au lendemain du dernier congrès national du syndicat il y a pratiquement quatre années. A cette époque, Abderrahmane Azzouzi revendiquait le secrétariat général tout comme Abdelhamid Fatihi. Commence alors un très long bras de fer entre les deux hommes. La FDT devait fonctionner de longs mois avec deux secrétaires généraux qui avaient élu chacun un bureau central composé de ses partisans. Après plusieurs mois de tractations dans les coulisses, Azzouzi sera maintenu dans son poste de secrétaire général du syndicat et Fatihi se contentera de son ancien poste de secrétaire général adjoint. Il faut dire qu'à cette époque le bureau politique de l'USFP dirigé alors par Abdelouahed Radi penchait plus vers le maintien de Azzouzi. Quant à Fatihi, il aurait été soutenu par un Driss Lachgar alors simple membre du bureau politique du parti de la rose. Aujourd'hui, les partisans de Azzouzi accusent les deux hommes de déterrer leur projet pour contrôler la FDT. Azzouzi est accusé, à son tour, de s'approcher de Ahmed Zaidi, candidat malheureux lors du 9e congrès de l'USFP et rival de l'actuel premier secrétaire. Guerre des secteurs La menace d'une scission plane de nouveau sur la FDT. Si ce scénario se réalisait, le syndicat en sortirait encore plus faible. En effet, la force d'un prétendant à un poste de commandement dans un syndicat donné est mesurée par le nombre de secteurs qu'il contrôle. Actuellement Azzouzi et Fatihi sont pratiquement à égalité même si Fatihi compte des soutiens solides dans des secteurs importants au sein de la FDT. En plus du secteur des télécommunications dont il est le dirigeant, le secteur de l'enseignement et celui de la justice serait également dans son camp. Au sein des institutions du syndicat, Azouzzi demeure populaire pour avoir été l'un des premiers fondateurs de la FDT suite à la scission avec la CDT (Confédération démocratique du travail) de Mohamed Noubir Amaoui au début des années 2000. Il s'agit notamment du groupe parlementaire de la FDT à la deuxième Chambre qui soutient dans sa majorité Azzouzi. D'ailleurs, Fatihi avait été président de ce groupe avant d'être démis de ses fonctions suite à un «putsch» mené contre lui par les partisans de son rival.