«Les téléphones portables des morts n'arrêtaient pas de sonner.» Ce témoignage incident d'une infirmière, rapporté par un journal suisse, montre à quel point le carnage de Madrid s'inscrit dans ce qu'il y a d'absolument inhumain dans notre époque : le terrorisme. «Les téléphones portables des morts n'arrêtaient pas de sonner.» Ce témoignage incident d'une infirmière, rapporté par un journal suisse, montre à quel point le carnage de Madrid s'inscrit dans ce qu'il y a d'absolument inhumain dans notre époque : le terrorisme. La vie appelait, mais ils étaient morts. Innocents, frappés aveuglément par des criminels sans foi ni loi. La cause des innocents, c'est la vie. Les terroristes, eux, ont embrassé dans l'obscurité la cause injustifiable de la mort. Plus que la violence brute érigée en principe d'action, désormais universelle, la lâcheté de ces actes les disqualifie définitivement sur le plan moral ou politique. Après la piste de l'ETA, c'est aujourd'hui la piste islamiste qui prévaut. Peu importe. Ce n'est pas l'origine de la cause toujours usurpée par les terroristes qui donne du sens à l'indignation. Celle-ci ne se fonde que sur l'abjection du geste dans son expression criminelle et barbare qu'elle entend, toujours, et à tout instant, dénoncer. Notre Dieu, le Dieu des Musulmans est beaucoup invoqué ces dernières années dans des actes qui n'ont rien à voir avec Sa mansuétude, Sa clémence ou Sa miséricorde. À chaque coup frappé par des fanatiques illuminés où son nom est mêlé, ce sont des préceptes de paix et de tolérance qui sont annihilés. L'Islam, dont les valeurs sont souillées, ne peut être et n'a jamais été une cause qui se développe en marge de toute humanité. Mais là n'est plus la question depuis fort longtemps. La menace terroriste est formulée contre les valeurs universelles et, justement, contre l'humanité de laquelle aucune «fetwa» ne peut nous extraire. Les bombes qui ont frappé Madrid ont été, semble-t-il, déclenchées par des téléphones portables. Quand la mort a appelé, les innocents étaient encore vivants. Un instant. Terribles et scabreux paradoxes de la vie et de la mort que ces histoires morbides de téléphone. L'appel de la folie meurtrière a été entendu dans le monde entier, tout absorbé par ses avances technologiques, alors que ses valeurs s'effondrent au même rythme que le «progrès». Le monde - un univers autiste - se fait la guerre à lui-même et ses victimes tombent aussi à Atocha. Rien ne le justifie, et rien ne semble pouvoir arrêter cette dérive de l'humanité. Le fanatisme se combat, certes, par la raison, encore faut-il que celle-ci s'impose partout et tout le temps. Opposer la raison au fanatisme, c'est aussi opposer la justice à l'injustice, la réparation à la spoliation, le souci des autres à l'égoïsme et la solidarité à la violence impériale de l'individualisme. Le terrorisme nous propose la cécité d'une violence nihiliste, il faut lui répondre par la lucidité du droit et la légitimité de la force publique. La démocratie peut produire ces armes dans un Etat de droit. Charge pour nous de le faire vivre. Par des valeurs et des convictions plus fortes et plus élevées que la mort. Un monde meilleur est possible, ici.