Après les greffiers et les juges, c'est au tour des avocats de hausser le ton face à Mustapha Ramid, ministre de la justice et des libertés. La cause : la promulgation du décret relatif à la couverture des frais payés par les avocats dans le cadre des services rendus en matière d'assistance judiciaire. Dénonçant une mesure unilatérale prise sans concertation avec les premiers intéressés, l'association des avocats a appelé lundi à un sit-in national dans toutes les Cours d'appel du Royaume. «Nous ne comprenons pas l'attitude du ministère. Sa décision nous surprend, alors qu'une commission mixte constituée de représentants du ministère et de notre association était en plein travail autour des amendements de ce décret», déplore Hassan Ouahbi, président de l'association des avocats. Concernant le contenu de ce décret, l'association pointe du doigt plusieurs points, notamment le fait que les frais d'indemnité des avocats soient fixés par le ministère et non pas par le bâtonnier du barreau, comme il a été convenu lors des concertations. Pour l'association, une telle mesure met en péril l'indépendence de la justice. Les avocats déplorent aussi les complications administratives qu'impose ce décret au niveau des modalités de versement des ressources financières, et les qualifient de «humiliantes». «Un avocat en plus de se consacrer à une affaire qui peut durer plusieurs mois, voire des années, doit désormais en vertu de ce décret se soumettre à un circuit humiliant pour bénéficier d'indemnités dérisoires qui n'attaignent même pas le Smig», s'indigne M. Ouahbi. En effet, selon ledit décret, un avocat perçoit 1.200 DH pour une affaire de première instance, 1.500 DH en appel, et 2.000 en Cour de cassation. «Sommes dérisoires et indignes pour la profession», souligne M. Ouahbi. Egalement membre de la Haute instance de dialogue national autour de la réforme de la justice, M. Ouahbi a également exprimé son rejet préalable des résultats finaux du dialogue : «Nous ne sommes pas concerné par les résultats du dialogue national autour de la réforme de la justice. Parce que par ses décisions unilatérales et sa politique du fait accompli, le ministère vide le contenu de toutes les concertations et les rend purement formelles». Et l'association des avocats ne compte pas s'arrêter là. Ainsi les travaux de son congrès national prévu les 6, 7 et 8 juin seront exclusivement dédiés à la préparation d'une grève nationale et autres formes de protestation, a déclaré à ALM. M. Ouahbi. Par ailleurs, réagissant à la position des avocats, le ministère de la justice et des libertés a déclaré «réitérer son engagement à poursuivre le processus de concertation engagé avec l'Association des Ordres des avocats du Maroc au sujet des frais liés à l'assistance judiciaire». Dans un communiqué, tout en mettant en exergue la noblesse de la mission remplie par les avocats, depuis de longues années et sans contrepartie, en matière d'assistance judiciaire, le ministère de tutelle a souligné que «la mise en œuvre des dispositions dudit décret reste tributaire de la volonté des avocats».