ALM : La récente réunion de la coalition gouvernementale a-t-elle pu enterrer la hache de guerre entre vous et Benkirane ? Hamid Chabat : Il n'y a eu que quatre rencontres entre les composantes de la majorité depuis l'élection de la nouvelle direction de l'Istiqlal. Sauf que je peux affirmer que cette dernière réunion a complètement été différente des précédentes. Elle a duré environ 3 heures et s'est déroulée sous le signe de la raison et de la conscience aiguë du contexte politique. Ainsi a enfin été entamé un débat sans tabou sur le mémorandum présenté par l'Istiqlal sur demande de la coalition gouvernementale, à sa tête le chef de gouvernement. Parmi les points essentiels convenus, je peux souligner la mise en place d'une commission technique qui se penchera sur la révision de la charte de la majorité. Révision indiquée dans notre mémorandum et devenue indispensable parce que l'ancienne charte n'était pas à la hauteur de la nouvelle ère de la Constitution de juillet 2011 et les nouveaux pouvoirs dont dispose désormais ce gouvernement comparé aux précédents gouvernements du Maroc depuis l'indépendance. Quels sont les amendements que vous tenez à apporter à la charte de la majorité ? Depuis cette réunion tout le monde est devenu conscient de la nécessité de multiplier les rencontres. Désormais au lieu que les responsables de la majorité se rassemblent tous les trois mois comme le prévoyait l'ancienne version de la charte, ce sera fait tous les 15 jours, et avec une autre nouveauté: l'instauration d'un ordre du jour défini préalablement. On a aussi convenu de la nécessité d'instaurer un vrai mécanisme de concertation autour de grands sujets telles la réforme de la Caisse de compensation, la retraite et tous les chantiers qui ont besoin d'un débat national et d'un consensus politique, afin de rompre avec ces décisions qui engagent tous les Marocains mais qui se prennent de manière unilatérale par un parti ou un ministre dans un secteur donné. La prochaine réunion de la coalition gouvernementale aura lieu dans 15 jours. Comment vous y préparez-vous? Le président de la coalition gouvernementale qui a été le premier à prendre la parole lors de la réunion du 15 février a souligné la particularité du moment que vit le Maroc et a exprimé sa disposition à débattre sans tabou de tous les points contenus dans le mémorandum y compris le remaniement ministériel. Toutefois, il a insisté sur le fait qu'il faut commencer par le commencement, notamment par la charte de la majorité, débattre le plan législatif et s'accorder sur les priorités. Ainsi, directement à l'issue de cette réunion, le parti de l'Istiqlal a mis en place un nombre de commissions qui travaillent activement pour que nous soyons fin prêts pour la prochaine réunion qui, à mon sens, marquera le démarrage du travail effectif de cette coalition gouvernementale. Qu'en est-il du remaniement ministériel tant mentionné dans votre mémorandum ? Parmi les amendements de la charte de la majorité, il y a la question du remaniement ministériel. Il faudra définir ses critères, ses conditions, quand on y recourt, quand il y a un grand différend, ou si un ministre n'a pas fait son rôle, etc. Toutefois, je déplore que le mémorandum dans sa totalité ait été résumé au remaniement ministériel. Pour nous aujourd'hui, la réunion du 15 février, ses résultats et le débat de notre mémorandum équivalent à un remaniement gouvernemental. C'est-à-dire qu'on réussit à ajuster et apporter notre touche au mode de fonctionnement et de gestion du gouvernement et de ses affaires. Même chose pour l'amendement de la charte et pour les grands chantiers qui deviendront désormais soumis à la discussion de tous et à un débat national. Oui, mais avez-vous pensé aux ministrables ? Il faudra d'abord qu'on se mette d'accord sur un programme qui comprend premièrement le plan législatif, et puis deuxièmement la manière de gestion de l'économie nationale, de la réforme de la Caisse de compensation, les retraites, la loi sur les syndicats, la loi sur la grève… Ce sont de grands dossiers qu'il s'agit de débattre. Ce n'est qu'après nous être mis d'accord sur les grandes lignes qu'on pourra aborder la question du remaniement, de la présence des femmes au sein de ce gouvernement, de l'aberration des ministères à double tête et des personnes capables d'exécuter ce programme. On sera alors à un an et demi de la formation et de l'investiture du gouvernement, conscients des points forts et des points faibles. Ainsi, il n'est pas question de personnes mais de trouver un accord sur un programme à exécuter.
Vos critiques vis-à-vis du gouvernement se sont atténuées… J'avais un certain nombre de questions, je les ai posées sur la table. Et là aujourd'hui, j'ai entamé des concertations avec les principaux intéressés. Si cela n'aboutit pas, nous présenterons nos remarques. Je ne fais pas de la critique pour faire de la critique. Ce qui m'importe aujourd'hui, c'est que le mémorandum avec tous ses volets soit l'objet de l'examen de tous. Je ne cherche pas à mettre des bâtons dans les roues du gouvernement, mais à accélérer le rythme du rendement du gouvernement pour faire réussir cette expérience dans laquelle réside la réussite de tout le pays. Nous n'avons jamais eu rien contre personne. Ce qui nous intéresse c'est que le gouvernement en tant que corps fonctionne avec toutes ses composantes, de la tête au pied, de manière saine et homogène, et qu'il travaille de manière transparente et prenne des décisions de manière participative, qu'il échange avec tout le monde et soit ouvert sur les autres. C'est ce rôle qu'on a assumé au sein de mon parti : directement après l'élection de la nouvelle direction, nous avons pris contact avec les différentes forces politiques qui existent dans le pays, nous avons échangé nos points de vue, nous avons expliqué à tout le monde notre programme, notre manière de travailler au sein du gouvernement. Que représentent pour vous les prochaines élections partielles ? A l'heure actuelle, les élections partielles ne sont pas ce qui nous importe le plus. Aujourd'hui, on instaure un nouveau mode de fonctionnement au sein du parti de l'Istiqlal, à commencer par l'administration électronique, la refonte des cartes d'adhésion, le recrutement de nouveaux adhérents. C'est ainsi que nous nous armons pour les prochaines grandes élections. Et les élections partielles restent partielles pour nous. Qu'en est-il de la date des élections communales ? Et qui connaît leur date? (rires). Moi je pense que ces élections n'auront pas lieu avant leur date. D'abord parce que les lois organiques ne sont même pas encore prêtes. Puis il y a le recensement général des populations organisé tous les dix ans et prévu en 2014. C'est ce recensement qui devrait servir à identifier les personnes pauvres qui peuvent éventuellement bénéficier d'aides directes. Puis il reste à définir le nouveau découpage, les lois sur la régionalisation, la charte de la déconcentration et de la décentralisation, les prérogatives du président de la région. Tout est lié, tout est imbriqué. C'est pour ça que les Communales ne pourront avoir lieu qu'à partir de 2014. Est-ce que vous cultivez toujours l'ambition de faire renaître la Koutla? Oui, un des soucis du parti de l'Istiqlal aujourd'hui est de faire renaître la Koutla démocratique. J'espère qu'on pourra réussir ce grand projet. J'espère que dans un avenir proche nous nous accorderons avec l'USFP sur un certain nombre de sujets et points de vue pour faire revivre la Koutla. Cette institution a su relever les grands défis de notre pays dans des moments délicats. Et ce n'est pas parce qu'un parti est dans l'opposition et un autre dans le gouvernement qu'il leur est difficile de se rencontrer autour de diverses grandes questions et de coordonner leur action. Quels sont vos rapports avec le PAM? En tant que politiques, nous avons des relations avec tous les partis. Nous avons été les premiers à oser critiquer le PAM, du temps où personne n'osait le pointer du doigt. Notre position était claire vis-à-vis de son projet de création d'un parti unique semblable à celui de Ben Ali en Tunisie. Alors que la force du Maroc a toujours résidé entre autres dans son multipartisme. Toutefois, il faut souligner que le PAM d'aujourd'hui est différent de celui d'hier. Aujourd'hui, ce parti joue un rôle important, que ce soit dans les relations extérieures, dans l'encadrement, l'organisation de débats et de rencontres... C'est devenu un parti semblable aux autres partis politiques. Qu'en est-il du syndicat. Comptez-vous continuer à le diriger ? Les engagements du secrétaire général de l'Istiqlal sont trop nombreux et puis il faut aussi insuffler une nouvelle dynamique au syndicat par l'élection d'une nouvelle direction. Là nous sommes en pleine préparation du congrès national du syndicat. Ça démarre par le renouvellement des instances et les bureaux provinciaux qui ne se sont pas renouvelés depuis longtemps, puis le renouvellement des syndicats sectoriels et des fédérations. Ainsi je pense que d'ici plus qu'un mois nous aurons terminé l'organisation des congrès provinciaux, sectoriels et fédéraux et sera fixée la date du congrès national qui élira le nouveau secrétaire de l'UGTM. La relève au sein de l'UGTM existe et c'est la démocratie interne qui triomphera. C'est grâce à elle que le parti a pu redorer son blason, il faut faire de même au sein du mouvement syndical, car on s'éduque à la démocratie.