Le Maroc a encore du pain sur la planche en matière des droits de l'enfant. Dans son dernier rapport intitulé «L'équité pour accélérer la réalisation des droits des enfants au Maroc», l'Unicef dresse un bilan alarmant en pointant du doigt les disparités importantes entre le milieu rural et le milieu urbain, ainsi que les catégories sociales dans la réalisation des droits de l'enfant. Ces disparités sont perceptibles à plusieurs niveaux: éducation, mortalité infantile, accès à l'eau potable, assainissement et logement décent… (voir encadrés P5). Autre constat: l'Unicef relève dans son rapport que les progrès constatés sur la base des moyennes nationales peuvent cacher des disparités importantes en termes de pauvreté et de développement des enfants au sein des régions et des catégories sociales du pays. «Les progrès notoires dans différents domaines ne doivent pas cacher les contraintes nombreuses dans la réalisation des droits des enfants dans plusieurs secteurs (santé, éducation, protection…)», note le rapport. De plus, les moyennes nationales de plusieurs secteurs représentent des taux en décalage avec les moyennes régionales. En dénonçant ces inégalités, l'Unicef souhaite que les droits des enfants soient réalisés avec équité. Un principe qui est d'ailleurs reconnu dans la Convention des droits de l'enfant. Pour l'Organisation, l'application de ce principe permettrait aux enfants d'avoir accès à l'éducation, aux soins de santé, à l'eau, à la protection et aux autres services nécessaires pour leur survie, croissance et développement. Ce qui n'est pas le cas actuellement. Pour remédier à ces disparités, l'Unicef recommande comme solution une approche d'analyse au niveau de l'enfant et de sa famille. Cette analyse permettrait ainsi d'étudier les contraintes potentielles subies par les enfants à travers quatre chapitres. Le premier porte sur l'environnement facilitateur. Ce chapitre couvre l'analyse des normes sociales et des aspects relatifs à la législation, au budget et à la coordination. Le second chapitre est relatif à l'offre. Il est question à ce niveau d'analyser la disponibilité des équipements et l'accès aux services. Pour sa part, le troisième chapitre est axé sur la demande qui examine les barrières financières, les pratiques et la continuité des services. Quant au quatrième chapitre, il porte sur la qualité du service. L'Unicef estime que cette approche aura pour objectif d'identifier à tous les niveaux les contraintes subies par les enfants et leurs familles les plus vulnérables et de mettre en place des réponses ciblées et adaptées. L'autre avantage c'est que cette approche sera en mesure de prévoir des réponses sectorielles et coordonnées. Elle permettra également de s'assurer d'une réponse adaptée et appropriée en renforçant les systèmes locaux de suivi et d'évaluation ainsi qu'en donnant la parole aux acteurs à différents niveaux. Mortalité infantile : L'écart se creuse entre les villes et les campagnes Le Maroc a réalisé des avancées en matière de santé maternelle et infantile comme en témoignent les statistiques de l'enquête nationale sur la population et la santé familiale de 2011. La mortalité des enfants de moins de cinq ans a été réduite de 35% entre 2004 et 2011, passant de 47‰ en 2004 à 30,4‰ en 2011. Cela dit, les nouveau-nés continuent d'être les plus exposés aux risques de mortalité. Et pour preuve, le niveau de mortalité infantile (moins d'un an) représente 95% de la mortalité infanto-juvénile et la mortalité néonatale (moins d'un mois) , représente 66% de la mortalité infantile. Il faut aussi relever d'importantes disparités entre le milieu urbain et le milieu rural. Le taux de mortalité néonatale (moins d'un mois) est de 16,97‰ en ville contre 20,52‰ en milieu rural. Le taux de mortalité infantile (moins d'un an) est en milieu rural supérieur de 10 points (33,57‰ ) au milieu urbain (23,56‰).
123.000 enfants astreints au travail Pour l'Unicef, il est clair que la place des enfants est à l'école. Et pourtant, des milliers d'enfants travaillent au Maroc dans des conditions parfois déplorables. Les dernières statistiques du Haut-Commissariat au Plan (HCP) font état de 123.000 enfants âgés de 7 à 15 ans en situation de travail en 2011. A ce sujet, l'Unicef explique que ce phénomène dépend de plusieurs facteurs, à savoir la région, le milieu de résidence et le niveau de revenus du ménage. Il est trois fois plus élevé chez les 20% de la population les plus pauvres par rapport aux 20% de la population les plus riches. Ce phénomène varie également en fonction du niveau de l'éducation du chef de ménage. En effet, il est deux fois plus élevé chez les enfants dont le chef de ménage n'a pas été scolarisé par rapport à ceux dont le chef de ménage a atteint le secondaire ou plus. Selon les analyses de l'Unicef, les enfants de la région de Doukkala-Abda sont 15 fois plus exposés au risque de travail que ceux de Guelmim-Es Smara. Les enfants du rural en manque du minimum vital L'accès à l'eau potable et l'assainissement constituent un sérieux problème en milieu rural. L'Unicef estime que les enfants du milieu rural ont 27,7 fois plus de risque d'être sévèrement privés d'eau et 23,6 fois de l'assainissement en comparaison avec les enfants vivant dans les villes. Et pour exemple, l'organisation internationale cite le cas de la région de Tadla-Azilal où 42% des enfants ont utilisé de l'eau à partir d'une source ouverte ou vivent à 30 minutes de la source d'eau la plus proche alors que 35% des enfants de Taza-Al Hoceima-Taounate n'ont pas de toilettes. Par ailleurs, les inégalités entre les villes et les campagnes sont importantes en matière de logement des enfants. L'éducation du chef de ménage constitue également un facteur explicatif. En effet, le risque de vivre dans un logement non décent est six fois plus élevé chez les enfants dont le chef de ménage n'a jamais accédé à l'école en comparaison avec ceux issus d'un ménage dont le chef a poursuivi ses études jusqu'au secondaire ou plus.