La réforme de la Caisse de compensation, la «décompensation» comme l'aiment à l'appeler certains, se fera à la brésilienne. On en avait le pressentiment depuis que le président du Conseil de la concurrence a implicitement dit sa préférence pour ce mode en lui accordant un intérêt particulier lors de la présentation qu'il a faite l'année dernière des différentes méthodes de réforme de la Caisse dans le monde. Le chef de gouvernement qui avait assisté à l'exposé n'avait pas manqué de féliciter chaudement Abdelali Benamour et de lui demander des précisions sur la «bolsa familia», la réforme par l'octroi d'aides directes aux plus démunis. Cette aide au pouvoir d'achat des couches sociales les plus durement pénalisées par les régimes de compensation classiques qui a été inventée au Brésil pourrait voir le jour au Maroc au mois de juin prochain. Le ministre délégué aux affaires générales a annoncé qu'elle prendra la forme d'une aide mensuelle directe de 1.000 dirhams à chacune des 2 millions de familles de la population cible, soit un total de 2 milliards de dirhams. Le système offre l'inestimable avantage de réduire le déficit de 24 milliards de dirhams. «Techniquement, la réforme du système de subventions est tout à fait prête», aurait-il déclaré dans le but de faire remarquer que l'affaire n'est pas tout à fait entendue. Selon certaines informations, le ministre de l'économie et des finances aurait émis des réserves sur cette solution en ce qu'elle risque de se répercuter négativement sur le pouvoir d'achat des classes moyennes, celles-là même que l'agencement de toute la politique économique pousse au rôle de locomotive de l'activité de production et d'échange. Selon des commentateurs en effet, la «bolsa familia» est susceptible d'engendrer à terme 5 points de plus que le seuil de 2 - niveau toléré - auquel se situe l'inflation actuellement. Or cette inflation à 2% est l'un des marqueurs qui indiquent l'efficacité du système de gestion économique d'un pays et partant, qui modulent l'intensité de confiance que lui font les marchés des capitaux. Cependant, la décompensation est une nécessité. Les subventions de l'Etat en le domaine ont atteint 53 milliards l'année dernière, en progression de quasiment 10% par rapport à 2011 et de 200% relativement à 2010. Le chef de gouvernement qui ne manque pas une occasion de dire la gravité du problème estime qu'il est d'autant plus urgent de réformer la Caisse que la conjoncture internationale pourrait en exagérer le déficit au-delà de son seuil actuel, le pétrole se situant au-delà de son niveau de prix de 105 dollars le baril retenu comme base dans le budget de l'exercice 2013. Relevant que ce prix tourne autour de 110 dollars actuellement, il laisse entendre qu'une simple hausse d'un dollar des hydrocarbures sur le marché mondial entraîne une subvention de l'ordre d'un milliard de dirhams. Selon ce schéma, les derniers réajustements à la pompe des hydrocarbures sur le marché domestique devraient réduire le déficit de la Caisse de compensation de 5 milliards de dirhams.