Présidant, vendredi dernier, la session du Conseil supérieur de la magistrature, S.M. le Roi Mohammed VI a appelé à une «mobilisation massive et forte» pour la réforme de la justice. Visite d'un chantier complexe qui constitue une priorité nationale stratégique. La société appelle des mesures urgentes et concrètes. La réforme de la justice est aujourd'hui au cœur de « choix stratégiques irréversibles, de défis majeurs que le Maroc doit impérativement relever et auxquels la justice doit apporter une contribution décisive », c'est en ces termes que SM le Roi Mohammed VI a recadré le processus de reforme de la justice en cours au royaume, dans le discours prononcé vendredi 1 er mars à l'occasion de l'ouverture de la nouvelle session du Conseil supérieur de la Magistrature. Un processus qui se retrouve non seulement au centre de la démocratisation de la société et de l'édification de l'Etat de droit, mais aussi de la croissance et du développement, a souligné le souverain. C'est dire la lourde responsabilité qui incombe aux magistrats eux-mêmes, dans la mesure où, comme l'a affirmé le souverain, seule une justice pleinement consciente de l'inéluctabilité des enjeux que s'est fixés le pays et capable d'intégrer les mutations que connaît le royaume, pourra relever le défi de la démocratie et du développement en assurant, à tout moment et en toute circonstance, la primauté de la loi et l'égalité de tous devant elle. Le souverain a également rappelé une autre mission, toute aussi cruciale de l'appareil judiciaire. Celle, entrant de plain-pied dans le processus de développement initié par le Maroc, et qui consiste à « instaurer la confiance, clef de voûte de l'économie libérale, et par la-même, contribuer à la relance des investissements et à la croissance ». Sur ce terrain-là, certes, des progrès considérables ont été accomplis. Ne serait-ce que parce que le processus de détérioration qui gangrenait l'appareil judiciaire marocain a été stoppé et que le travail de reconstruction et de modernisation de la justice, désormais reconnu comme une nécessité, est aujourd'hui sur les rails. Les chantiers sont aussi nombreux que les maux qui alitaient la justice. Beaucoup de bonnes volontés président aux initiatives de lutte contre les lenteurs judiciaires, d'humanisation du droit pénitentiaire, de réhabilitation des professions judiciaires, de perfectionnement de la formation des juges ou encore d'amélioration des conditions de travail dans les tribunaux. En amont de ces initiatives se trouve toujours une volonté royale en permanence soulignée par des signaux forts du souverain. Mais, le but n'en est pas pour autant atteint, tant la remise sur pied de la justice dans toutes ses composantes est un travail de longue haleine qui appelle la contribution de tous. Il est donc temps, au moment où le Maroc négocie des tournants décisifs de son devenir démocratique, de passer à la vitesse supérieure. Car, comme l'a affirmé SM le Roi à l'adresse des magistrats, « l'obstruction et l'attentisme ne sont plus de mise. L'hésitation et la frilosité ne sont plus permises ». Une interpellation directe du Conseil supérieur de la magistrature, auquel il appartient «d'assumer pleinement sa mission constitutionnelle de gardien de la déontologie et de l'éthique judiciaire, en sanctionnant avec rigueur et fermeté tous ceux qui, par leurs défaillances, se montrent indignes de leur charge, qui, par leur conduite, jettent le discrédit sur la justice et qui, par leurs dérives insolentes, sapent en quelques instants des années de travail et d'efforts ». Le mot est dit. La réforme de la justice passe aussi par des sanctions rigoureuses contre tout acte de nature à remettre en cause la voie irréversible dans laquelle s'est engagé le pays. Elle passe également par une vigilance de tous les instants, une édification permanente de garde-fous, mais aussi, il ne faut pas l'occulter, par les garanties nécessaires et constitutionnelles d'un traitement égal et impartial dans la gestion des carrières des magistrats, sur les bases de probité, de droiture, de compétence et de mérite. C'est dans ce contexte que le principe tant revendiqué d'indépendance de la justice, prend toute son ampleur. Une indépendance qui ne saurait être séparée de la responsabilité qui en découle et dont la concrétisation passe, comme l'a souligné le souverain, à travers une rupture définitive avec la logique corporatiste, électoraliste et les partis-pris qui ont parfois sapé des efforts de longue haleine.