Les ménages marocains, souffrant toujours des séquelles de la crise liée au Covid-19, font preuve de pessimisme accru quant à leur capacité à constituer une épargne durant l'année 2021 qui est censée être celle de l'amorce d'une relance durable. Un pessimisme tout à fait compréhensible au regard de l'arrêt brutal de l'activité dans plusieurs secteurs ayant engendré des pertes colossales de revenus et même des emplois et par conséquent, une dégradation de la situation financière de la majorité des ménages. A en croire les chiffres du Haut-Commissariat au Plan (HCP), seuls 17,1% contre 82,9% des ménages ont indiqué, au quatrième trimestre de 2020, qu'ils s'attendent à épargner au cours des 12 prochains mois. En outre, 61,9% des ménages estiment que leurs revenus couvrent leurs dépenses, 33,6% déclarent s'endetter ou puiser dans leur épargne et 4,5% affirment épargner une partie de leur revenu, selon la même source. De l'avis du président de l'Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC), Tarik Haddi, il est normal, après une crise comme celle que nous avons traversée, que l'épargne des ménages se rétracte, surtout dans les intentions des ménages. « Compte tenu de l'effet anxiogène de la crise, les ménages s'attendent à des pertes de revenus, notamment suite à des défaillances d'entreprises ou à des opérations de restructurations massives », explique M. Haddi dans un entretien accordé à la MAP. Et de poursuivre: « Les revenus locatifs aussi sont devenus incertains en raison de la situation économique des locataires, etc. Je pense, toutefois, que la situation réelle est bien moins grave que la situation ressentie ». Quid de l'épargne privée en général ? M. Haddi a, par ailleurs, indiqué que l'AMIC a constaté qu'en 2020, l'épargne privée n'irrigue pas suffisamment l'économie productive à travers le capital-investissement, particulièrement avec la crise du covid-19 qui a provoqué des décalages dans les levées de fonds. Parallèlement, cette épargne pourrait bien contribuer à la relance économique et ce, en étant orientée vers le capital-investissement, comme cela se fait dans toutes les économies dynamiques, a-t-il préconisé. Rappelons-le, le capital-investissement est une activité financière qui permet à une entreprise de se doter des moyens financiers, d'un apport stratégique de compétences et d'expertises complémentaires, ainsi que de modes de gestion et de gouvernance transparents, modernes et efficaces. Jouant le rôle d'un levier d'amélioration et de transfert de savoir-faire, cette activité consiste, pour un investisseur professionnel, à prendre des participations, pour une durée déterminée, dans des entreprises non cotées sur le marché boursier. Pour remettre les entreprises sur les chemins de la compétitivité, de la croissance et de la rentabilité, des financements en fonds propres, combinés à une vision stratégique pertinente, une gouvernance améliorée et un monitoring par des professionnels aguerris sont incontournables, a estimé le président de l'AMIC. Et cela, c'est la fonction même du capital-investissement, puisque pour chaque investissement, les objectifs en termes de création de valeur (export, gain en productivité, chiffre d'affaires sur les nouvelles filières, etc), d'emplois directs et indirects et d'impacts sociaux économiques et d'environnement, de réduction des disparités territoriales ... sont pactés et suivis par les équipes de gestion (milestones, reporting, contrôles des décisions importantes, déblocages au fur et à mesure des réalisations...), a-t-il relevé. Le Fonds Mohammed VI pour l'Investissement jouera sans nul doute un rôle déterminant dans cette stratégie de renforcement de l'industrie du capital-investissement national, a souligné M. Haddi. D'après lui, l'objectif est de créer un continuum du financement en fonds propres de l'entreprise marocaine pour l'accompagner durant toute son évolution, du stade de la start-up, à la petite et moyenne entreprise (PME), à l'entreprise de taille intermédiaire (ETI) jusqu'à la grande entreprise, à travers plusieurs fonds. Il est question de fonds d'amorçage-risque, de développement et de transmission / restructuration/ consolidation, notamment pour favoriser l'émergence d'une nouvelle génération d'industriels, a détaillé M. Haddi. Il a, en outre, souligné que l'amélioration de la relation épargne–investissement au Maroc passe par la multiplication des fonds d'investissement pour un plus grand impact, notamment sur le plan régional et la structuration du pooling des titres émis par des PME dans des véhicules (titrisation des cash flows futurs, fonds dédiés, etc). Il s'agit également d'encourager fiscalement les entreprises à procéder à des placements privés, notamment dans les organismes de placement collectif en capital (OPCC), de mettre en place un dispositif de garantie spécifique en couverture de la dette privée, de centraliser les informations sur la dette obligataire au niveau du Crédit Bureau et de développer la notation des PME.