La nouvelle loi fondamentale du pays a été entérinée après une campagne référendaire très animée qui, pour la première fois dans l'histoire politique contemporaine du Maroc, a été marquée par un regain d'intérêt notoire par le peuple marocain vis-à-vis de la chose politique, insufflé par les mouvements sociaux qui ont accompagné « le printemps arabe ». Les citoyennes et citoyens, à qui revenait le dernier mot, se sont prononcés en faveur d'un texte qui marque une nette avancée dans la consolidation de la démocratie, ouvre des perspectives prometteuses en matière de développement humain et la voie pour un Maroc démocratique moderne, le Maroc de la dignité, de la solidarité et de l'égalité devant la loi. La nouvelle constitution, qui n'est pas une fin en soi, mais bien une feuille de route qui trace les contours d'un projet politique nouveau qui devrait conduire le pays à tourner une page de notre histoire, entrera officiellement en vigueur avec, à la clé, au-delà des considérations de calendrier ou d'échéancier, des élections anticipées et la désignation du chef de gouvernement parmi la majorité dégagée par le scrutin. Un chef de gouvernement aux larges pouvoirs. Un nouveau pacte social est donc en train de naître entre les principaux acteurs : l'Etat, la société civile et les formations politiques, un défi qui se situe surtout dans la traduction, sur le terrain, des dispositions et des principes inscrits dans la nouvelle constitution. La mise en œuvre appropriée des contenus de cette nouvelle constitution, sa matérialisation dans les faits, sont tributaires d'abord de la volonté réelle de ces acteurs et, bien entendu, des mesures qui seront entreprises et qui doivent relever, à mon sens, quatre défis majeurs. Premier défi : contrer la défiance quant au processus réformateur Il s'agit de crédibiliser ce processus réformateur, de l'insérer dans la durée, en mettant en place des pratiques nouvelles. Il s'agira également de persuader ces voix discordantes qu'il est temps de passer à une autre étape et de tirer profit de l'élan démocratique qui marque l'ère de la nouvelle constitution, d'entrer dans la «légalité institutionnelle» et de cesser de jouer aux mauvais perdants. Le chimérique « soulèvement populaire » n'aura pas lieu au Maroc. Que les choses soient bien entendues. Par contre, s'il s'agit de contribuer à édifier un Maroc nouveau –et non de détruire par nihilisme- il serait autrement plus sensé de s'engager dans le combat politique, de créer, si besoin est, sa structure politique et de se battre pour ses idées à travers les urnes. Ainsi, après que les marocains eurent exprimé clairement qu'ils souhaitent un changement dans la continuité, la sérénité et la stabilité, qu'ils eurent refusé d'entrer dans une spirale d'incertitude et d'instabilité, squatter la rue devient un non sens, voire une atteinte aux droits inaliénables d'un peuple qui veut désormais vaquer à ses préoccupations et voir le pays continuer sa marche vers la modernité, la prospérité et la justice sociale. Deuxième défi : renforcer les motivations civiques et citoyennes des marocains Les pratiques malsaines, les tentatives multiples et diverses de décrédibiliser l'action politique et partisane sérieuse et engagée, qui ont sévi pendant des décennies –et particulièrement ces dernières années-, les manœuvres et les comportements de certaines autorités, avaient été à l'origine de la démobilisation des marocains et à une certaine défiance à l'égard du politique. Les citoyens en avaient perdu le goût de s'investir dans la politique, et avaient tourné le dos à l'action institutionnelle. On avait réussi ainsi à altérer la vie politique dans le pays. Si aujourd'hui, le marocain s'aperçoit que les choses changent, que sa volonté ne va pas être dénaturée, que sa participation et son vote ont un sens, il est prêt à se réinvestir dans la politique et à faire confiance aux partis qui le méritent. Le citoyen marocain n'est pas, en fin de compte, un apolitique comme veulent le faire entendre, le véhiculent certains milieux qui se disent analystes. Il est prêt à participer à la vie politique. Il suffit de lui donner les raisons d'y croire, de l'amener à récupérer ses motivations civiques et citoyennes, de le convaincre à travers un discours motivant, et à travers un comportement de probité des femmes et des hommes politiques. Certes, la précarité et la pauvreté ont longtemps été mises à profit par des charognards, des sangsues, des chasseurs de voix qui en ont fait leur fonds de commerce, qui se sont construit une carrière politique à seule fin de bénéficier de l'immunité et d'autres avantages, qui se sont enrichis aux dépens de la misère des gens, qui ont fait prospérer leurs affaires à l'abri de toute poursuite. Les nouvelles structures constitutionnelles, mises en place par les dispositions de la nouvelle Loi fondamentale, devraient rendre plus difficile à ces personnages de poursuivre ce genre de pratiques malsaines. Troisième défi : redynamiser l'éthique et l'action partisanes C'est un défi lancé à tous les partis pour qu'ils puissent être le fer de lance dans l'opérationnalisation du nouveau modèle constitutionnel, dans la mobilisation de la société. Ils doivent montrer leur détermination et leur capacité à gérer le pays selon les dispositions de la nouvelle Constitution, à choisir les meilleures intelligences et compétences capables de se l'approprier. Pour ceux d'entre eux qui disposent des structures adéquates, de programmes, d'idées et de compétences, il s'agira de les réajuster et de les adapter aux nouvelles donnes. Les autres, sclérosés et n'ayant d'existence que sur le papier, il n'est pas démesuré d'affirmer que leur mort clinique est déjà annoncée. Le grand avantage que va offrir la mise en place des nouvelles structures démocratiques ainsi créées depuis le 1er juillet, c'est qu'il va permettre de séparer l'ivraie de la bonne graine. Une reconfiguration du paysage politique marocain est, à notre sens, inévitable. Les partis enracinés qui disposent des atouts nécessaires pour se conformer à la nouvelle dynamique, devront néanmoins procéder à un réaménagement au sein de leurs instances. Le challenge n'est pas gagné d'avance. Il ne s'agit pas pour eux de dormir sur leurs lauriers. Les attentes des citoyens et des citoyennes, énormes et pressantes ne souffrent plus les replâtrages et les discours d'antan. Quatrième défi : Les citoyens n'ont qu'un choix à faire : mettre la main à la pâte Les marocains ont besoin, aujourd'hui, qu'on leur donne les premiers signes de confiance susceptibles de garantir leur adhésion et leur implication. La Constitution accorde de larges pouvoirs aux citoyens, aux acteurs économiques et socio-politiques. Il revient aux marocains d'en tirer le meilleur avantage. Le temps n'est plus à la mentalité d'assistés, ni à la posture de spectateur passif. Le fonctionnement des institutions, la bonne gouvernance, la lutte contre toutes formes de prévarication, le droit au travail, à l'éducation, à la santé… ne sont plus l'apanage des seuls politiques. La prochaine législature sera très chargée et le futur gouvernement aura plusieurs défis à relever sur le plan socio-économique, des mesures de toute urgence à prendre. La situation économique dans notre pays est encore fragile, le printemps arabe n'a pas arrangé les choses. Nombre d'opérateurs étrangers préfèrent le «wait and see», attendant une vision plus claire de la situation. Le prochain gouvernement aura la tâche très rude. De fortes attentes sont ainsi formulées. Il est question de répondre à des engagements sociaux de grande importance, de poursuivre la réalisation des grands chantiers lancés par le Maroc. Pour cela , il faut des compétences, des femmes et des hommes pour qui l'intérêt général, la prospérité du pays passe avant toute autre considération, avant tout intérêt étriqué de quelque nature qu'il soit. Ces hommes et ces femmes, ce sont les citoyens marocains qui vont les choisir, ils les connaissent parce qu'il savent séparer l'ivraie de la bonne graine, ils connaissent ceux et celles qui ont fait de la lutte pour un Maroc prospère, démocratique leur raison d'être, leur socle existentiel et ceux, par contre pour qui l'intérêt général est souvent relégué au second plan bien après des intérêts égoïstes. Les marocains aspirent à plus de prospérité, de démocratie et de justice sociale. Ils ne sauraient accepter de « tomber de Charybde en Scylla ». * Membre du Bureau Politique du P.P.S et Président de la Commune rurale Skoura-M'daz (Province de Boulemane)