Le Maroc vit, depuis bientôt quatre mois, une réalité qui agite, non sans tension, la scène politique nationale. Il s'agit d'une phase hautement cruciale de l'histoire de notre pays qui, pour la première fois, assiste à une irruption brusque et massive de jeunes qui, à leur manière, expriment l'espoir d'un Maroc de démocratie, de progrès et de justice sociale. Ce mouvement de jeunes qui ont décidé de prendre en charge leur propre destin nous interpelle, nous autres moins jeunes, et ne peut que nourrir notre optimisme, nous inciter à instaurer de nouveaux modes de communication avec les jeunes, à entreprendre de nouvelles formes d'action. Il est donc vital, pour nous comme pour toutes les forces démocratiques et progressistes de veiller à ce que ce mouvement ne soit pris en otage par tout ce qui est de nature à l'engouffrer dans de sombres desseins: surenchère extrémiste, hold up obscurantiste, politique de la terre brûlée, spirale «manifestations-répressions-violences», manipulation séparatiste… Il est de notre devoir, tous, de contrecarrer ces menaces, sans populisme, sans faiblesse. Il s'agit d'un mouvement qui veut se donner une dimension collective, mais qui, apparemment, ne parvient pas à se définir des cibles, des alliés et une plateforme revendicative. En effet, les membres d'un mouvement sociétal sont censés partager un système de valeurs ou avoir un projet en commun, se sentir liés par des intérêts ou par un sentiment d'appartenance. Un mouvement sociétal doit avoir la capacité de mobiliser, de réunir un certain nombre de personnes pour des évènements ponctuels. Néanmoins, pour que le mouvement puisse avoir l'impact souhaité, il faut de la continuité entre les moments forts. Rappelons que l'objectif principal de ce mouvement était, au départ, de créer une dynamique au sein de la société afin qu'elle participe à la consolidation de la démocratie et d'un Etat moderne et à l'accélération du processus de réformes déjà entamé au Maroc. Or, des cortèges aussi bien garnis soient-ils ne sauraient suffire à fonder une légitimité populaire, grossir ses rangs aux dépens des exigences de la conscience politique qui oblige à tenir compte de la réalité objective du pays, des rapports de force, des contradictions tout à fait naturelles dans une société en mutation, ne saurait remplacer la participation responsable, effective aux concertations politiques visant à changer la réalité du pays, à le doter d'institutions dignes de ce peuple qui n'a que trop souffert du flou et de la confusion. Les attentes et revendications exprimées par les jeunes sont, on ne peut plus, légitimes. Ces revendications sont l'essence même des luttes des forces progressistes et démocratiques depuis des décennies. Crier haut et fort contre la corruption, contre le népotisme, le clientélisme, contre toutes formes de prévarication et de dilapidation des deniers publics, contre des zones de non droit, le chômage des jeunes diplômés, l'économie et la politique rentières et d'autres phénomènes face auxquels les marocaines et marocains n'entendent plus courber l'échine est un droit, voire un devoir de tous les marocains qui scrutent l'avenir du pays. Avoir voix au chapitre quant à la gouvernance du pays et à la gestion de ses affaires est un droit inaliénable de tous les marocains. Participer à la dynamique de réformes engagées par le pays et faire descendre le débat constitutionnel de sa tour d'ivoire est le vœu de tous les démocrates depuis bien longtemps. MAIS Le mouvement ne doit pas pour autant surestimer sa représentativité et se comporter en «star» ou en tant que force salvatrice, entretenant un dialogue de sourds contre-productif. Il doit agir de manière à ne pas se tromper d'adversaire, à ne pas répondre à une agitation extrémiste sans le moindre soutien populaire et qui n'a d'alternative que de transformer une terre de pardon et d'ouverture en terre de haine et d'exclusion, selon un agenda louche et, en tous cas anti-marocain. Le mouvement du 20 février doit cesser de souffrir d'une image de jeunes contestataires sans véritable programme politique, sans réelle volonté de s'impliquer réellement dans les affaires publiques du pays, qui se contente de slogans, et qui fait montre de bienveillance à l'égard des extrémistes qui constituent le gros lot de ses troupes quand retentit l'appel à manifester. Il ne s'agit pas du tout de délégitimer le mouvement ni d'en renier l'apport politique ou l'identité militante, mais nous croyons dur comme fer que notre pays n'a jamais eu pareille opportunité pour un véritable décollage institutionnel qui ouvre de réelles perspectives pour le Maroc de la démocratie, du progrès et de la justice sociale. L'heure de l'édification a sonné. Plus de place aux hésitations ni aux atermoiements. Le Maroc dispose, aujourd'hui d'une opportunité sans précédent de se doter d'outils institutionnels à même de raffermir les principes de gouvernance démocratique pour lesquels ceux blanchis sous le harnais du militantisme ont bataillé depuis bien longtemps, et auxquels le mouvement du 20 Février a, incontestablement, insufflé un nouvel élan et a apporté une fraicheur. Il y a un temps pour la protestation et la revendication, mais à l'heure qu'il est, il est urgent et impératif de consacrer un temps à la réflexion et à des propositions concrètes et réalisables. Le mouvement gagnerait en efficacité s'il parvenait à contribuer au débat national sur la révision constitutionnelle, à organiser des journées de réflexion, car, en définitive rien ne vaut l'échange, le débat autour de toutes les questions préoccupantes. «Ces révolutions du clic» seraient plus bénéfiques pour le pays si elles parvenaient à mobiliser pour « un quota jeunes » pour les élections législatives prochaines, pour une adhésion au raffermissement du processus démocratique, si elles pouvaient jeter les ponts entre les forces sincères du bloc démocratique national et le mouvement des jeunes pour plus de convergence et de complémentarité. Le Maroc entamera dans quelques jours la campagne référendaire, suivie par des élections législatives anticipées qui décideront de l'équipe gouvernementale qui présidera aux destinées du pays pendant au moins cinq ans. L'heure est donc cruciale et le mouvement des jeunes et l'ensemble des marocains sont vivement invités à rompre avec les sentiments de lassitude, de démobilisation et d'amertume au profit de plus d'enthousiasme, davantage d'optimisme et surtout de sens civique et citoyen. Les défis auxquels est confronté notre pays sont majeurs et les marocains n'ont pas le droit de rater le coche. Le mouvement du 20 Février et avec lui toutes les forces vives de la Nation ont souligné les points saillants à corriger. Il s'agit maintenant de trouver les méthodes, les moyens, les femmes et les hommes pour mener le redressement. Car, en définitive, ce n'est que par le biais des urnes que se construit la démocratie. * membre du Bureau Politique du P.P.S Président de la Commune rurale Skoura-M'daz, Province Boulemane