Le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE – au pouvoir) n'est pas prêt à plancher sur un débat pour analyser les causes de l'hécatombe du dimanche 22 mai, qui lui a ôté une grande partie de son pouvoir aux niveaux local et régional. Désormais, il se trouve sans représentation solide dans les régions qu'il gouvernait depuis trois décennies, sans appui au parlement et avec un nouveau candidat comme tête de liste aux prochaines élections générales. Ce qui est en fait en jeu, après les élections du 22 mai, ce sont 36 milliards d'euros qui passent de main en main pour le changement de parti à la tête des municipalités et gouvernements régionaux. C'est l'autre défaite essuyée par les socialistes. En réalité, l'effet de la débâcle électrode va se noter sur la manière de gérer les budgets des mairies et gouvernements régionaux laquelle prépare le terrain pour la conquête du pouvoir central via les élections législatives. Dans ce contexte, les socialistes se voient privés d'importantes ressources qui font fonctionner la machine du parti. En Espagne, la politique de proximité (compétence exclusive des municipalités) est fondamentale pour endiguer le vote des indécis, celui des jeunes qui bénéficient d'une assistance dans la recherche du premier emploi, des immigrés nouvellement régularisés et des personnes âgées qui fréquentent les services sociaux. La nouvelle carte électorale révèle aussi le changement de main de 36 milliards d'euros puisque outre sa victoire politique, le PP s'empare aussi du pouvoir économique. En analysant les budgets des communautés régionales et municipalités en 2011, il paraît clair que 35% de ces budgets seront gérés par de nouveaux élus, le 22 mai. Le PP, qui va gouverner dans au moins dix communautés autonomes, aura l'opportunité d'appliquer une politique de gouvernance conservatrice basée sur la réduction des dépenses sociales, l'amélioration des recettes par l'introduction de nouveaux types d'impôts, le licenciement de fonctionnaires et la privatisation de nombreux secteurs relevant des municipales et gouvernements régionaux (vente par exemple des biens du domaine public pour financer la dette ou réaliser de nouvelles infrastructures). Le PP sera, cependant, confronté aux mêmes problèmes qui ont piégé les socialistes. Seulement, à l'opposé du PSOE, ce parti bénéficie de la loyauté aveugle de l'électorat conservateur à chaque rendez-vous électoral. Aux dernières élections locales et régionales, le PSOE a perdu plus de deux millions de ses traditionnels votants dans ses fiefs par rapport aux scrutins antérieurs. Le PP sort aussi triomphateur des élections du 22 mai au plan des recettes puisque l'Etat accorde 276,86 euros par conseiller élu et 0,55 euro par vote obtenu. De leur côté, les gouvernements régionaux récompensent les partis qui ont obtenu une meilleure représentation en versant selon les régions des primes allant de 20.456 euros par siège obtenu aux parlements régionaux (aux Canaries) à 10.205 euros (à Castille-Leon). Le PP obtiendra près de 22 millions d'euros face à près de 15,5 millions euros au PSOE. Les élections locales et régionales se convertissent ainsi en un véritable test pour les forces politiques qui sont appelées à réadapter leurs programmes électoraux aux attentes de la population en perspective de futures échéances électorales au niveau national. Il n'y a pas seulement le pouvoir politique qui est en jeu. Ce sont près de dix mille emplois que vont gérer directement les partis au niveau des municipalités et gouvernements régionaux. Ils auront également à leur disposition des dizaines de milliards d'euros à administrer selon leurs priorités et programmes électoraux. Outre la perte du pouvoir local par le PSOE, deux principaux fronts se sont ouverts devant José Luis Rodriguez Zapatero, secrétaire général du PSOE et président du gouvernement : la rébellion des barons contre son leadership et la recrudescence de l'opposition de droite qui réclame sa démission. Au sein du PSOE, les voix discordantes rappellent qu'il est nécessaire de débattre d'un nouveau projet idéologique avant d'élire un candidat pour les élections générales de 2012. Ceci signifie qu'il faudrait d'abord élire un nouveau secrétaire général du parti en substitution de Zapatero. Le candidat élu par le congrès sera aussi celui qui dirigera la liste socialiste. C'est le même procédé suivi en 2.000 lorsque Zapatero fut élu secrétaire général. Cet écueil a été finalement surmonté, samedi, grâce à un consensus atteint par le Comité Fédéral du PSOE pour parrainer une proposition de Zapatero appuyant la candidature d'Alfredo Pérez Rubalcaba (numéro 2 du gouvernement) pour diriger la liste socialiste aux élections générales de 2012. Rubalcaba devra d'ailleurs se soumettre à l'examen des élections primaires par les militants du PSOE, le 26 juin prochain. Cependant, le leadership de Zapatero a été fortement assommé puisque les militants lui attribuent la responsabilité de la défaite électorale pour le recours à des mesures drastiques au plan social. La liste serait longue des griefs qui sont à retenir contre lui et son équipe gouvernementale. Il suffit de passer en revue les principales mesures qui affectent directement le bien-être social pour se rendre compte des souffrances d'une grande partie de la population : restructuration économique, souplesse des procédures de licenciement d'employés, réduction des rubriques budgétaires destinées au secteur social, réforme du marché du travail, suppression du chèque – bébé de 2.500 euros et des prestations aux chômeurs de longue durée, hausse des factures de gaz, d'eau et de l'électricité. Curieusement, toutes ces mesures sont tirées du manuel du capitalisme libéral, que l'opposition de droite et le patronat défendent à outrance. Elles ont été imposées pour manque de réaction de la part de l'entreprise espagnole pour venir à la rescousse de la politique sociale adoptée par le gouvernement socialiste. Le PSOE a été ainsi privé de deux de ses fondamentaux appuis, les centrales syndicales (de gauche) et les jeunes (43% de plus de 34 ans sont en chômage). La colère de ces derniers s'est traduite aux urnes soit par l'abstention soit par des votes nuls ou blancs (19% du total des votes exprimés). Autre front auquel Zapatero doit diriger ses tirs, est celui du PP qui change rapidement de slogan en réclamant avec insistance des élections générales anticipées. L'objectif est de balayer les socialistes de toute instance de pouvoir, provoquer la débandade au sein de ses files et hâter leur arrivée au gouvernement. Le PP a réussi à isoler Zapatero, actuel garant de la stabilité au sein du PSOE.