Nous poursuivons la publication du rapport intégral soumis par la Commission consultative sur la régionalisation avancée. Troisième partie. Considérant les déficits patents dont souffrent la plupart des régions en matière de développement humain, le projet de régionalisation avancée propose d'adopter un plan de mise à niveau social des régions. A cet effet, un fonds de mise à niveau social et un fonds de solidarité régionale seront mis en place. Par ailleurs et pour permettre aux régions de s'acquitter de leurs nouvelles missions en matière d'animation et de développement économique, social culturel et environnemental, l'Etat opérera des transferts plus conséquents de ressources financières. 8. Fonds de mise à niveau sociale des régions 8.1. Cette mise à niveau qui intégrera les programmes engagés par les principaux départements ministériels vise à accélérer la résorption des déficits majeurs dans des secteurs en lien direct avec le développement humain et recoupant largement les domaines de compétence des régions dans le cadre de cette réforme, à savoir : a. la généralisation de l'accès à l'eau potable et à l'électricité et l'éradication des bidonvilles et de l'habitat insalubre ; b. en matières de santé, d'éducation et d'infrastructures routières, la convergence des régions vers la moyenne nationale (premier scénario) ou leur élévation au niveau des standards nationaux et internationaux (deuxième scénario). 8.2. L'évaluation financière de cet effort se situerait entre 128 à 215 milliards de dirhams, selon les deux scénarios susvisés. Ce montant alimentera progressivement un Fonds de mise à niveau régionale dont les tranches seront inscrites dans les lois de finances, afin de permettre une programmation pluriannuelle et un suivi évaluation adéquats. Les critères d'éligibilité et de répartition seront définis par une commission ad hoc. 8.3. Ne s'agissant pas d'un programme d'assistanat permanent, mais d'un appui permettant à terme aux régions de remédier elles mêmes à leurs déficits, la mise à niveau sera entreprise dans un horizon de deux mandatures. Un tel délai paraît assez proche pour imprimer à cette mise à niveau un rythme adéquat et pour que les populations renforcent assez rapidement leur confiance dans la régionalisation avancée. I l est, par ailleurs, suffisant pour éviter une brusque pression sur les ressources de l'Etat et pour permettre à chaque nouvelle structure régionale de construire ses propres capacités d'implication et d'accompagnement, en tenant compte de ses spécificités. 9. Optimisation des ressources financières actuelles 9.1. Les conseils élus et, tout particulièrement, les conseils communaux, seront tenus d'optimiser les ressources propres qui leur sont déjà attribuées par la législation actuelle et, par effet de levier, la masse totale des ressources dont peuvent disposer l'ensemble des collectivités territoriales. 9.2. Pour toute recette fiscale ou parafiscale, la détermination et le contrôle de l'assiette, la liquidation et le recouvrement seront confiés contractuellement aux services spécialisés de l'Etat, contre une juste rémunération des charges qui en résultent. (CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre I : Conception générale Page 18) 9.3. L'effort de réforme déjà engagé en matière d'organisation des finances locales et de fiscalité des collectivités territoriales devra être continu et soutenu dans le sens, notamment, d'une plus grande simplification et d'un meilleur rendement. 10. Nouvelles ressources propres du conseil régional 10.1. Sans alourdir significativement la pression fiscale nationale, de nouvelles taxes régionales, adaptées aux spécificités de chaque région, pourront être prévues, à la charge des usagers des grandes infrastructures situées dans chaque région dont, à titre indicatif, les aéroports et les grandes gares ferroviaires. 10.2. Les ressources d'emprunt des conseils régionaux seront renforcées à travers l'élargissement des capacités du Fonds d'Equipement Communal (FEC) et la participation du secteur bancaire à travers une «consortialisation» avec ce dernier, particulièrement autour de projets bancables. 10.3. Les conseils régionaux seront autorisés à recourir, dans un premier temps, au marché obligataire intérieur et, plus tard, au marché extérieur, à condition qu'ils se préparent à l'introduction de notations pour leurs émissions au même titre que l'Etat. 11. Ressources accrues à affecter par l'Etat 11.1. La régionalisation avancée nécessite que les ressources mises à la disposition des conseils régionaux soient accrues de manière conséquente, afin de leur permettre de réaliser des actions d'envergure en matière de développement économique, social, culturel et environnemental des régions. 11.2. La part du produit des impôts et taxes actuellement versée par l'Etat aux conseils régionaux devra être accrue notamment par : a. Le relèvement de 1% à 5% des parts respectives des produits de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu qui leur sont affectées ; b. Le partage à parts égales entre l'Etat et les conseils régionaux du produit des droits d'enregistrement et de la taxe spéciale annuelle sur les véhicules automobiles. c. L'éligibilité des régions au produit de la TVA, au titre de l'investissement. 11.3. Le gouvernement inscrira les montants des fonds à mettre à la disposition des conseils régionaux et des autres collectivités territoriales dans le cadre des lois de finance. Il présentera au parlement des rapports spécifiques accompagnant les projets de loi de finance et de loi de règlement sur l'affectation de ces ressources. 12. Ressources proportionnées aux compétences transférées 12.1. Tout transfert de compétence par l'Etat à la région sera accompagné du transfert des budgets correspondants, par le truchement de la loi et sur la base de contrats. Il reviendra à un comité ad hoc de définir les compétences, d'arrêter les charges correspondantes et d'en évaluer la bonne exécution. 12.2. Les budgets ainsi transférés seront régulièrement actualisés pour tenir compte de l'évolution des coûts et des performances des conseils régionaux dans chaque compétence transférée. 13. Ventilation régionale des budgets étatiques 13.1. La loi de finances et les programmes pluriannuels des différents ministères devront être ventilés par région, de manière à faire ressortir le total et le détail des crédits publics destinés à chaque région, soit sous forme de subventions ou de reversements de produits fiscaux aux (CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre I : Conception générale Page 19) collectivités territoriales, soit sous forme de charges d'investissement et de services publics assurés par l'Administration. 13.2. Les budgets des établissements publics nationaux et régionaux devront être ventilés de la même manière que ci-dessus et portés à la connaissance des conseils régionaux. 14. Fonds Public de solidarité interrégionale 14.1. Le projet de régionalisation avancée devra consacrer le principe de solidarité entre les régions, afin d'atténuer les inégalités liées à la concentration de la richesse, à l'inégal développement des territoires et aux disparités géographiques et démographiques entre les régions. 14.2. A cet effet, le système de transfert de ressources de l'Etat vers les collectivités régionales et locales sera maintenu avec un renforcement des effets de péréquation équitable. 14.3. Dès le départ, il sera mis en place un fonds de solidarité interrégionale dont la première dotation proviendra du prélèvement de 10% des ressources nouvelles de chaque région et dont l'affectation sera arbitrée en fonction des besoins des régions les moins bien loties. Une gouvernance performante La bonne gouvernance au niveau de la région est d'abord recherchée à travers le renforcement des capacités exécutives et de gestion des collectivités territoriales. C'est pourquoi il est prévu la mise à la disposition du conseil régional d'une agence placée sous son contrôle et destinée à l'appuyer sur le plan technique et à mettre en œuvre ses projets d'investissement, appelés à prendre de plus en plus d'envergure et à devenir plus complexes. De même, il est prévu une mise à niveau des administrations des autres collectivités locales. Enfin, s'ajoutent des propositions visant à améliorer progressivement et avec l'appui de l'Etat les modes de gestion, les systèmes d'information, l'évaluation et la reddition des comptes, en les adaptant à la dimension de chaque collectivité territoriale et aux ressources humaines et financières dont elle dispose. 15. Agence d'exécution des projets, sous contrôle du conseil régional 15.1. Il sera créé, par voie législative, une agence régionale d'exécution des projets (AREP). Organisme sui generis à vocation régionale, placé sous la supervision et le contrôle de chaque conseil régional, cette agence sera dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière et de gestion. 15.2. L'AREP sera, notamment, chargée : a. d'apporter au conseil régional, à la demande de son président, toute forme d'assistance juridique ou d'ingénierie technico-financière, pour l'étude et l'élaboration de projets et programmes de développement ; b. d'assurer, pour le compte du conseil régional, l'exécution des projets et programmes de développement qu'il décide et la gestion et l'ordonnancement des budgets correspondants, tels que délégués par le conseil, ainsi que la gestion des ressources humaines et du budget propres à l'agence, dans la limite de l'enveloppe qui lui est créditée par le conseil. 15.3. L'AREP sera dotée d'un comité de supervision et de contrôle présidé par le président du conseil régional et composé des membres du bureau de ce conseil. 15.4. Le budget de fonctionnement de l'AREP sera adopté par le conseil régional, dans le cadre de l'adoption du budget global de ce dernier et sera approuvé, le cas échéant, par l'autorité légalement compétente, dans le cadre de ce même budget global. Le président du conseil régional créditera directement l'agence de son budget de fonctionnement et des budgets correspondant aux projets et programmes d'investissement dont l'exécution lui sera confiée. 15.5. En tant qu'agence d'exécution n'ayant pas qualité de prestataire de services rémunérés, l'AREP ne sera pas imposable sur sa subvention de fonctionnement. 15.6. L'AREP sera gérée de manière autonome, dans le respect des lois et règlements en vigueur et selon les normes professionnelles modernes, par un directeur général hautement qualifié. Celui-ci sera nommé et recruté sur contrat par le président du conseil régional, sur proposition d'un comité de personnalités expertes et indépendantes, après appel public à candidature. 15.7. Le directeur général de l'AREP rendra régulièrement compte des résultats et des bilans de sa gestion au comité de supervision et de contrôle susvisé. Outre les contrôles auxquels elle sera légalement soumise, notamment pour la certification de ses comptes, l'AREP fera l'objet de tout audit interne ou externe que décidera le comité de supervision et de contrôle. (CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre I : Conception générale Page 21). 15.8. En cas de manquement grave à l'accomplissement de sa mission, le directeur général de l'AREP pourra être sanctionné ou révoqué par décision motivée qui sera prise et qui lui sera notifiée par le président du conseil régional. Cette décision interviendra sur proposition du comité de supervision et de contrôle de l'agence, lequel comité aura préalablement écouté le directeur général. 16. Mise à niveau des administrations des collectivités territoriales 16.1. D'une manière générale, et en considération des sureffectifs et des faibles compétences et niveaux d'encadrement des administrations dont disposent actuellement les collectivités locales, il importe de : - mettre en place un programme d'urgence, dense et ciblé, pour assurer la mise à niveau des effectifs présentant des prédispositions à cet égard ; - réduire les sureffectifs au profit d'un meilleur encadrement ; - mettre en place un nouveau cadre organisationnel de la fonction publique des collectivités locales permettant de doter celles-ci d'organigrammes souples et adaptés à chacune d'elles, de faciliter le recrutement de compétences avérées et d'assurer des perspectives intéressantes de carrière et des modes de gestion mobilisateurs, à travers des objectifs bien définis et des responsabilités délimitées. 16.2. Pour autant que de besoin, les présidents des conseils élus pourront confier la fourniture de prestations d'assistance technique, de formation, d'organisation ou d'exécution de travaux aux services et organismes spécialisés de l'Etat qui seront autorisés à fournir de telles prestations, le cas échéant contre rémunération à convenir dans un cadre contractuel. 17. Modes de gestion 17.1. Dans un cadre de démocratie approfondie, de compétences étendues et de ressources renforcées, les collectivités locales et, particulièrement, les conseils régionaux doivent s'obliger à une gestion planifiée et programmée, répondant aux standards les plus modernes en matière d'organisation et de fonctionnement, suffisamment documentée en procédures et en descriptifs des missions et des tâches, recherchant efficience et efficacité, avec un sens généralisé des responsabilités et un souci permanent de transparence. 17.2. Au-delà des aspects techniques inhérents à tout effort de planification, de programmation ou de projection que doivent maîtriser, sinon les conseils eux-mêmes, du moins leurs administrations et organes d'exécution, le préalable est posé d'un minimum de cadrage de la stratégie globale, sectorielle et régionale de l'Etat en matière de développement, pour servir de repère aux collectivités locales et pour s'assurer de la cohérence, de la convergence et de la complémentarité de leurs plans, programmes et projets. 17.3. Plutôt que de gérer par allocation et consommation de crédits, les collectivités territoriales doivent s'organiser pour une gestion par objectifs et moyens assignés à chaque compétence qu'elles exercent, sur la base d'indicateurs convenus entre l'Etat et ces collectivités, pour rendre possibles les appréciations et les comparaisons utiles. 17.4. Des plans d'action seront élaborés et mis en œuvre par les autorités compétentes et les collectivités territoriales pour permettre à ces dernières de disposer de descriptifs des (CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre I : Conception générale Page 22) postes/profils, pour chaque fonction ou emploi, et de manuels de procédures couvrant leurs activités et les tâches à assumer au niveau des administrations et organes d'exécution et de gestion. 17.5. Le souci d'efficacité et d'efficience dans l'exercice et la gestion des compétences des collectivités territoriales doit s'exprimer à travers les performances réalisées en matière d'optimisation des moyens, par rapport à des normes convenues avec l'Etat et dans le cadre de comparaisons entre collectivités locales, en tenant compte des spécificités des contextes. 17.6. Le sens des responsabilités est à entretenir autant parmi les membres des conseils que chez les responsables, cadres et autres agents des administrations et organes d'exécution et de gestion. Pour le personnel, la solution est à chercher dans la mobilisation permanente, à travers des objectifs précis et mesurables, une écoute attentive, des formations appropriées et un intéressement adéquat. Pour les élus, un encadrement sain et permanent par leurs organisations d'appartenance et une supervision intelligente par les organes légalement compétents de l'Etat devraient y contribuer. 17.7. Les collectivités territoriales doivent se gérer avec un maximum de transparence. Y contribuent le caractère généralement public de leurs sessions, l'affichage de leurs délibérations et la publication de leurs budgets et comptes administratifs. Y contribueront, également, les propositions ci-dessus au titre de la démocratie participative, de la pratique d'une communication ouverte et ciblée et d'un système d'information approprié. 18. Système d'information 18.1. Les collectivités territoriales auront accès aux informations utiles à l'exercice de leurs compétences auprès des administrations et organismes publics, dans les conditions à définir par le gouvernement. 18.2. Le système national d'information statistique demande à être amélioré et développé dans le sens d'une meilleure prise en charge des données régionales et sous régionales, pour apporter l'information utile, notamment aux collectivités territoriales. 18.3. Avec la contribution de l'Etat, les collectivités territoriales mettront en place et développeront un système d'information à même de les aider à prendre les décisions appropriées pour l'exercice de leurs compétences, à évaluer leurs propres performances et insuffisances et à rendre compte de leur gestion, à tout moment. 19. Evaluation et reddition des comptes 19.1. Outre l'obligation légale de rendre annuellement compte aux cours régionales des comptes, les conseils élus feront le bilan de leur gestion et de celle de leurs administrations et organes d'exécution, dans le cadre de rapports périodiques destinés à l'Etat et à leurs partenaires et à travers des supports d'information adéquats destinés au public. Ils présenteront ainsi les résultats et impacts de cette gestion et l'état d'exécution des plans, programmes et projets sur lesquels ils se sont engagés. Ils s'expliqueront des écarts éventuellement constatés et exposeront les mesures correctives à prendre. 19.2. Sera ainsi rendue possible une évaluation permanente de leur gestion tant en interne que par leur environnement, dans le cadre de débats et d'échanges structurés et organisés. A cet effet, ils recourront à des audits internes, pour les conseils qui disposeraient d'organes propres à cet (CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre I : Conception générale Page 23) effet, ou externes, en faisant appel aux organismes spécialisés de l'Etat dans ce domaine ou à des organismes indépendants. 19.3. Les conseils élus veilleront, dans le même esprit, à la mise en place d'un système de prévention et de gestion des risques, à l'instar des bonnes pratiques de certains départements et organismes publics en la matière. Demain : Une régulation étatique modernisée et assouplie