Le délicat dossier des grèves du greffe serait en passe d'être communiqué aux services du Premier ministre. Si ce dépaysement était confirmé dans les prochains jours par la primature, ces auxiliaires de justice auraient, en recevant satisfaction sur l'une de leurs doléances, accompli un pas vers leur objectif global. Peu avant d'organiser des «sit in in situ», ce qui les avaient amenés à manifester dans certains tribunaux, ils avaient critiqué la tiédeur du ministère de l'Emploi et l'hostilité de celui des Finances à l'égard de leurs revendications et, appelé à une action directe du Premier ministre en sa qualité de coordonnateur de l'action du gouvernement. Le fait qu'ils aient été entendus laisse prévoir une sortie de crise qu'autant les justiciables que les différents barreaux appelaient de leurs vœux. Depuis que le greffe offre portes closes dans certaines juridictions, beaucoup de dossiers ont pris du retard, lésant d'autant les intérêts des plaideurs. Selon des avocats de Rabat, les grèves perlées observées par les commis de justice ont engendré de nombreuses interruptions de procédures, voire même des rejets « pour constitution hors-délai légal», qui ont couté cher à leurs clients. «Face à cette situation inédite, il nous faut envisager de travailler au cas par cas et, peut être reprendre certaines affaires depuis le début », ont-ils déclaré. Le fait que ces pertes n'aient pas été quantifiées a donné lieu à l'éclosion d'estimations – au jugé- dont les plus optimistes annoncent le chiffre de centaines de millions de dirhams. Outre ces raisons économiques, la décision des services du Premier ministre de se saisir du dossier procède de la volonté de mettre fin à un conflit social qui a fini par déteindre sur le projet de réforme de la Justice. Dans un de leurs récents communiqués, les grévistes qui «s'étaient étonnés de la neutralité négative du Premier ministre», avait fort judicieusement appelé à son intervention pour débloquer une situation, à leurs yeux, préjudiciable à l'ensemble du projet de refondation du système judiciaire. Par cette corrélation de leur revendication d'un statut professionnel équitable à leur souci de contribuer à la réussite du projet de réforme de la justice, les greffiers entendaient également se dédouaner des griefs nourris par l'opinion publique à leur encontre. S'ils n'y ont pas totalement réussi, ils ont du moins obtenu que les services du Premier ministre s'intéressent directement à leur cas. Dans un contexte marqué par une prochaine reprise du dialogue social, c'est sans doute une sortie de crise qui leur est offerte à terme.