Les instances participant aux grandes rencontres internationales se sont engagées à mettre en pratique leurs engagements en matière de lutte contre la corruption alors que les enjeux du combat contre la subornation, les malversations et les détournements de fonds deviennent plus importants. Lors de leur réunion de novembre à Séoul (Corée du Sud), les dirigeants du groupe des 20 principales économies mondiales (le G20) ont approuvé un plan d'action qui prévoit la mise en œuvre effective de la Convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC), l'application de la législation contre la subornation étrangère et d'autres mesures. Les gouvernements ont fait de grands progrès dans la lutte contre la corruption en adoptant des conventions internationales, en votant des lois nationales et en créant des organes de lutte contre la corruption, mais à Séoul, selon des activistes anti-corruption réunis à Bangkok à l'occasion de la Conférence internationale de lutte contre la corruption (CILCC) qui coïncidait avec le sommet du G20, un important groupe de nations a décidé d'intensifier la lutte en utilisant la pression des pairs et d'autres moyens. Ils ont salué le plan du G20 comme un progrès majeur et une « réaction importante à la crise actuelle ». La réunion ministérielle de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (OCEAP) organisée parallèlement au sommet du G20 s'est aussi engagée à prendre des mesures collectives contre la corruption et le commerce illicite. Où fleurit la corruption Avec la montée de la mondialisation, la corruption « infecte » plus que jamais la vie publique, les affaires et la scène internationale. Elle ralentit le développement économique, affaiblit les institutions démocratiques et donne naissance à une culture d'impunité. Pris ensemble, ses effets érodent la confiance du public dans le gouvernement. Selon les experts, certains des plus grands risques de subornation et de malversation sont toujours associés aux milliards de dollars de l'assistance au développement et aux sommes encore plus importantes que brassent les sociétés internationales pour leurs affaires. Mais les banques multilatérales de développement, sous l'égide de la Banque mondiale, ont considérablement « nettoyé » leurs pratiques ces dernières années, notamment en radiant de leurs listes les entreprises du secteur privé qui s'étaient rendues coupables de corruption lors de projets bancaires. Au début de 2010, la Banque mondiale et quatre autres banques de développement ont lancé une « initiative de radiation croisée » dans le cadre de laquelle une entreprise mise sur la liste noire de l'une d'entre elles peut également être sanctionnée par les autres. Néanmoins, selon les experts, la lutte contre la corruption dans les projets de développement est loin d'être gagnée. À Bangkok, les programmes d'atténuation du changement climatique et d'aide après-guerre accordée aux pays intéressés ont été examinés dans la mesure où ils constituent de nouvelles sources d'inquiétude. Les experts ont noté que les sociétés multinationales qui considéraient qu'il était normal de verser des pots-de-vin aux fonctionnaires du gouvernement pour décrocher des contrats sont devenues plus circonspectes. Sous la contrainte, certaines ont adopté des programmes de conformité et de surveillance et, selon Peter Solmssen, avocat général de l'entreprise, Siemens AG, qui avait été épinglée il y a quelques années pour son rôle dans un scandale mondial de corruption, s'est jointe à ses concurrentes pour surveiller la manière dont les autres entreprises emportent leurs contrats. Les Etats-Unis, l'Allemagne et l'Italie ont mis en place des tactiques pointues contre la corruption d'entreprise conformément aux règles anti-corruption de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et aux lois nationales. Le Royaume-Uni devrait bientôt les rejoindre lorsqu'aura été votée une loi très stricte contre la corruption. Mais d'autres pays, et leurs multinationales, hésitent à appliquer les règles de l'OCDE, et la Chine et d'autres marchés émergents ne sont même pas parties à la convention anti-corruption. Au niveau national, des relations trop étroites entre des fonctionnaires et les grandes entreprises créent un risque de corruption, disent les activistes anti-corruption. En Thaïlande, durant la CILCC, le gouvernement s'est engagé à travailler avec un groupe de grandes entreprises pour s'attaquer à la corruption, notamment dans les appels d'offre publics. Mais de tels partenariats doivent encore faire leurs preuves dans la mesure où, dans de nombreux pays, les deux côtés se blâment mutuellement pour la corruption, a déclaré un activiste anti-corruption qui souhaitait rester anonyme. Campagne en faveur de la transparence Si les sociétés multinationales sont de plus en plus encadrées, les fonctionnaires de certains pays en développement échappent toujours à la surveillance publique. Certains utilisent des processus budgétaires opaques et limitent l'accès aux données officielles pour transférer illicitement de l'argent dans des paradis fiscaux et des pays occidentaux. La criminalité organisée, aidée par la corruption, s'est infiltrée dans les économies légitimes, ouvrant un potentiel de corruption là où elle n'était pas un problème majeur. Selon le groupe non gouvernemental Global Financial Integrity, mille milliards de dollars provenant des recettes de la criminalité, de la fraude fiscale et de la corruption sont transférés chaque année de pays en développement dans des pays développés. La Banque mondiale, les Etats-Unis et d'autres pays tentent de localiser, de saisir et de rendre les montants volés par les kleptomanes mais Global Witness, qui s'est fait connaître à Bangkok, et d'autres groupes font pression sur les pays occidentaux pour qu'ils fassent plus. Global Witness a d'ailleurs publié des rapports accablants sur les complicités en matière de corruption dans les secteurs de la finance, de l'immobilier et d'autres dans des pays comme le Nigeria et la Guinée équatoriale. De nombreux groupes anti-corruption sont d'avis qu'il faut s'attaquer avant tout à la source de la corruption et de la kleptocratie. C'est pourquoi les questions de la transparence budgétaire et de la responsabilité du gouvernement, notamment dans les pays riches en ressources, ont été évoquées plus souvent que d'autres à Bangkok. Les coalitions et les partenariats internationaux - tels que l'International Budget Partnership, l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (EIFI) et la campagne Publish What You Can Pay (Publier ce que vous pouvez payer) - ont réussi à convaincre quelques pays en développement de faire plus de lumière sur les données officielles, mais il faut faire plus pour garantir que les recettes publiques du pétrole, du gaz et d'autres secteurs financent des projets de développement au lieu d'enrichir des individus ou des groupes au pouvoir, déclare Peter Eigen, président de l'EIFI. Son groupe anti-corruption et d'autres pensent que la loi américaine sur la réforme financière va considérablement aider leur cause. Une de ses dispositions clés fait obligation à toutes les sociétés pétrolières, gazières et d'extraction minière listées aux Etats-Unis de publier leurs paiements de recettes, pays par pays. Lorsque la loi entrera en vigueur, en 2011, elle couvrira la majorité des plus importantes sociétés pétrolières et d'extraction minière.