Les événements qui avaient ensanglanté Laayoune sont plus complexes qu'on ne l'imaginait. On en apportant la preuve formelle, le rapport présenté samedi à Rabat par le Forum des alternatives, l'Observatoire marocain des libertés publiques et le Médiateur pour la Démocratie et les Droits de l'homme, trois organisations de défense des droits de l'homme au Maroc, a en effet décrit les troubles du 8 novembre dernier comme une conséquence de la dérive de la gestion publique suivie d'une récupération politique cynique par les ennemis de l'unité du Royaume. Si le rapport confirme ainsi ce qu'on savait des causes sociales du mouvement de Gdiem Izig, il va au delà de ce premier pas et met au jour des ressorts, qui bien que subodorés, n'ont jamais été formellement établis. Car il n'a pas fallu longtemps pour qu'au slogan originel de « un toit et un travail », scandés par ceux que mécontentaient le système de répartition des richesses locales, se substitue cet autre, antinationaliste et à connotation séparatiste : « les richesses de notre région suffisent à nous procurer de l'emploi. » Les auteurs du rapport donnent ainsi à penser que le mouvement social initial a été récupéré et transformé en thèse séparatiste par des éléments étrangers aux revendications sociales de la majorité des résidents. Aurait-on douté de ce faisceau de présomptions que les moyens d'action mis en œuvre par les fauteurs de trouble ne laisseraient aucune hésitation à ce sujet. Face aux canons à eau et aux gaz lacrymogènes des autorités sécuritaires, il y avait l'usage de cocktails Molotov et d'armes blanches ainsi que l'emploi de 4x4 ; le tout organisé et structuré dans le cadre d'une stratégie qui démontre un réel professionnalisme criminel. Si le rapport ne le dit pas explicitement, il le laisse deviner : ce qui s'est passé le 8 novembre dernier à Laayoune tient de la véritable guérilla urbaine, domaine où excellent les mouvements terroristes comme le « Polisario ». Et puis il y a le timing. Sur ce plan également, l'affaire a été trop rondement menée pour qu'on n'y décèle que la seule responsabilité de simples tenants de la fronde sociale. D'autant plus que ce n'était pas la première fois que, pour appuyer leurs revendications sociales, des contestataires s'étaient essayés à établir des campements sauvages au voisinage du périmètre urbain de Laayoune. Cependant, au mois de novembre dernier, le climat politique était médiatiquement plus propice à la récupération de ce genre d'actions. Ainsi de la visite effectuée alors dans la région par M.Roos , le représentant du Secrétaire général de l'ONU, ainsi également de la reprise des pourparlers informels et de l'anniversaire de la Marche verte… Au demeurant, tous faits qui forment contexte propre à être exploité par de vils manipulateurs afin de donner du sens à leurs agissements aux yeux de l'œil non-averti. Reste à connaître la place du droit dans la gestion qui a été faite de la crise. Là, le rapport est on ne peut plus explicite. Même au plus fort de la guérilla urbaine, les forces publiques ont si scrupuleusement veillé à ne pas transgresser la règle, qu'ils l'ont payé de la vie de onze des leurs - sauvagement massacrés et affreusement mutilés post mortem - et qu'elles n'ont pas hésité à braver l'incompréhension et les critiques virulentes de la population victime des violences des insurgés. C'est précisément ce respect absolu de la légalité qui a amené les auteurs du rapport à demander que, comme elle l'a été au plus fort de la crise, la parole reste à la loi lors des comparutions des fauteurs de troubles devant leurs juges. Circonstancié en ce qui concerne les symptômes et les causes, le rapport préconise en outre un certain nombre de remèdes afin d'éviter la récidive. C'est ainsi qu'il recommande plus d'investissements dans nos provinces sahariennes. A la condition expresse, toutefois, que les richesses produites profitent au plus grand nombre. Les auteurs du rapport en appellent en outre aux partis politiques, tant il leur parait que si le feu de la contestation a rapidement pris à Gdiem Izig et dans certains quartiers de Laayoune, c'est faute de conscientisation politique propre à prémunir le corps social des dérives. Le meilleur remède contre la tentation suicidaire, c'est l'encadrement politique par les partis, a dit l'un des intervenants avant de lancer un appel à l'adresse de la commission parlementaire ad-hoc, l'invitant à pousser la recherche de la vérité plus avant que les auteurs du rapport n'ont pu le faire avec leurs modestes moyens.