La Maroc commémore le 18 novembre le 55ème anniversaire de la fête de l'indépendance, un épisode toujours d'actualité dont les Marocains se souviennent non sans émotion et fierté. L'occasion de revenir sur la genèse de cet évènement saisissant, l'œuvre d'une génération de nationalistes militants qui se sont sacrifiés corps et âme pour léguer à leur progéniture un Maroc libre et indépendant. Cet anniversaire revêt un caractère exceptionnel surtout dans un contexte particulier ponctué par la détermination du Maroc, sous la houlette de SM Mohammed VI, à poursuivre les réformes engagées dans tous les domaines, politique, économique et social et déployer tous les efforts pour l'édification d'un Etat de droit avec de nouveaux concepts de gouvernance d'autorité et de justice en harmonie avec les dispositions des conventions internationales en matière des droits de l'Homme. Un chantier qui tient à cœur l'Etat marocain et pour lequel il s'investit énormément afin de franchir une nouvelle ère en la matière. Cette commémoration intervient aussi alors que le combat du peuple pour défendre l'intégrité territoriale du Maroc se poursuit et que l'Etat s'engage corps et âme à promouvoir le développement des provinces du sud. Le dernier discours de SM le Roi Mohammed VI, à l'occasion de l'anniversaire de la Marche verte, en a décliné les grands axes. Le Manifeste de l'indépendance L'épopée de l'indépendance est le fruit d'un long processus épineux et non sans sacrifices énormes depuis l'élaboration le 11 janvier 1944, du Manifeste de l'indépendance par un groupe de militants nationalistes, une soixantaine dont une femme, Malika El Fassi, jusqu'à l'annonce officielle de la libération le 18 novembre 1955. Baptisé «Watiqat al istiqlal», ce document a constitué un tournant décisif dans l'Histoire du Maroc et a placé le premier jalon dans le processus de l'indépendance. Le Manifeste, soumis au Sultan Mohammed V, a évoqué pour la première fois et en propos clairs la libération du Maroc de l'emprise coloniale : « l'indépendance du Maroc dans son intégrité territoriale sous l'égide de Sa Majesté Sidi Mohammed Ben Youssef, que Dieu le glorifie». Le manifeste confirme le sultan en tant que souverain du pays, mais aussi constitue une feuille de route pour le Maroc d'après l'indépendance. Le document fait référence à la politique intérieure du Maroc d'après l'indépendance et à la nécessité de prendre à bras le corps les réformes que la situation impose. «Solliciter de Sa Majesté de prendre sous Sa Haute direction le Mouvement de réformes qui s'impose pour assurer la bonne marche du pays, de laisser à Sa Majesté le soin d'établir un régime démocratique comparable au régime de gouvernement adopté par les pays musulmans d'Orient, garantissant les droits de tous les éléments et de toutes les classes de la société marocaine et définissant les devoirs de chacun». Cette revendication de la libération sera reprise dans le discours du sultan du 10 avril 1947 à Tanger. Ce qui n'était pas pour plaire au colonisateur qui a opté pour l'escalade de la répression à l'égard des nationalistes et l'arrestation des militants afin de faire taire la voix de la libération. La Résidence tenta, dès lors, de fragiliser le pouvoir du Sultan qui refuse d'obtempérer et de cautionner les décisions du protectorat. C'était donc la destitution de Mohammed V par les autorités françaises et après son exil qui lui a été imposé ainsi qu'à sa famille. Le soulèvement du peuple marocain ne se fait pas attendre. Un tollé de manifestations a embrasé le territoire marocain dans plusieurs villes appelant au retour du Roi. Des militants ont été condamnés à mort. Désarmée devant la recrudescence et la pression du mouvement nationaliste, la France, représentée par Antoine Pinay, était contrainte d'engager des négociations avec le Souverain à Saint Germain en Laye. Lesquels seront couronnées par la libération du Maroc et le retour triomphant du sultan, le 16novembre 1955, au bercail. La célébration de la fête du trône le 18 novembre 1955 a été l'occasion pour le Sultan d'annoncer officiellement l'indépendance du Maroc avec des termes forts qui clôt une époque et annonce une autre : « Le Maroc sort du petit jihad pour le grand jihad », inaugurant ainsi une nouvelle phase dans l'édification d'un Maroc libre et fort. Malika El Fassi, la seule femme signataire du manifeste Née en 1919, Malika El Fassi s'est distinguée dès son tout jeune âge par son dévouement pour la cause nationale de son pays. Issue d'une famille de nationalistes, son père n'est autre que le Cadi El Mehdi El Fassi qui a voulu que sa fille soit instruite dans un contexte où l'apprentissage était uniquement l'apanage des hommes. Après avoir intégré Dar Fkiha, des instituteurs se sont chargés ensuite de l'initier à plusieurs disciplines. Elle opte d'abord pour une carrière de journaliste en publiant des articles sous le nom «El Fatate» et «Bahitate El Hadira» publiés dans les journaux comme «Rissalate El Maghrib» et «El Alam». Elle adhère au mouvement nationaliste en 1937. Elle devint membre d'un comité secret baptisé «Taïfa». Cette époque sera couronnée par sa contribution à l'élaboration du Manifeste de l'indépendance. C'est la seule femme parmi les 66 signataires. Que ces compagnons soit arrêtés et torturés ne l'a aucunement empêché de poursuivre le combat pour la libération du pays. Elle mènera la résistance sans relâche et sur plusieurs fronts. Bravant toutes les épreuves, Malika El Fassi a fait montre de courage et d'audace sans bornes. Un jour, avant l'exil de Mohammed V, elle a réussi à pénétrer les murailles du palais pour voir le sultan et lui transmettre une lettre de la Baia des oulémas. Après l'indépendance, Malika El Fassi n'abandonna jamais le combat. Elle s'engage à défendre la cause féminine et appeler à l'intégration de la femme dans la vie active. Elle n'hésitera pas à soumettre à SM Mohammed V une demande pour le vote des femmes que feu le Roi a accepté sans hésiter. Elle enchaîne ses actions sociales contribuant à la lutte contre l'analphabétisme. Son effort a été reconnu et récompensé par l'UNESCO qui l'a décoré d'une médaille. Elle a reçu une autre du gouvernement russe pour sa contribution à l'amitié maroco-russe ainsi qu'un Khmissa d'Honneur en 2006 pour son militantisme. Consciente que l'accès à l'enseignement est la pierre angulaire de l'intégration de la femme, Malika fassi a ouvert des sections pour filles à l'école Qaraouiyine avec l'aide de son mari à l'époque directeur de cette institution En reconnaissance de l'ensemble de son abnégation, elle a été également honorée par SM le Roi Mohammed VI du Grade de Grand Commandeur du Ouissame Al Arch Al Alaoui le 11 janvier 2005 Ce n'est pas tout. Elle contribue à la fondation de l'entraide nationale sous la houlette de la princesse Lalla Aïcha. Elle crée une association pour les démunis et les nécessiteux baptisée « Al Mouassat » avec un orphelinat pour héberger les filles. Ce n'est pas pour rien qu'elle a été baptisée « mère de la résistance » par “Voices of Resistance”. Malika Fassi tire sa révérence le samedi 12 mai 2007. Soumia Yahia Mohamed Moujahid, SG du PSU : une étape vers la démocratie et la liberté * Al Bayane : Que représente, selon vous, la célébration de la fête de l'indépendance dans le contexte que traverse actuellement le pays ? - Mohamed Moujahid : la fête de l'indépendance revêt une importance de taille dans l'Histoire du Maroc. Elle véhicule un certain nombre de valeurs et de leçons qui concordent dans l'intérêt général du pays. On se rappellera que la remise du document de l'Istiqlal est la consécration directe du militantisme et de l'union du peuple marocain contre le colonialisme. Une pensée va également à la mémoire de tous les martyrs qui ont payé de leur vie pour l'indépendance du Maroc. Toutefois, il ne faut pas rester prisonnier du passé. L'indépendance n'est que l'étape de départ d'un long processus consacrant les valeurs de démocratie, de droit de l'Homme, d'équité sociale et de liberté. * A votre avis, les générations actuelles sont-elles suffisamment mobilisées dans l'esprit de cet appel à l'indépendance ? - Cette question à tout le mérite d'être posée. Il est vrai que les jeunes n'ont pas vécu le colonialisme et ses affres mais à chaque époque ses préoccupations qui doivent être analysées en liaison avec le passé tout en tenant compte du contexte actuel. C'est pour cela qu'il faut bien entendu s'intéresser à la politique, à la nation, au passé et à l'Histoire en tant que qu'entité une et indivisible. Nous constatons, actuellement avec regret que les jeunes se désintéressent complément de la chose politique et encore moins de l'Histoire du pays. C'est-à-dire, vous savez la vie et l'action politiques n'ont pas d'attractivité particulière pour les jeunes. Il s'agit d'un espace marqué par l'immobilisme. Il n'est pas donné aux jeunes de constater une quelque dynamique dans le paysage politique ni de crédibilité aux acteurs de ce champ ce qui se traduit immanquablement par un sentiment de frustration chez cette tranche de la population. La responsabilité des acteurs politiques est entièrement engagée à ce niveau là. Le politique est sensé être à l'origine des grandes orientations de la politique de l'Etat. Or on constate une carence flagrante à ce niveau. IL doit être capable de donner des orientations générales à l'action de l'Etat. * Justement, que faire pour permettre aux jeunes de se réapproprier l'ensemble des valeurs véhiculées par la fête de l'indépendance ? - Je crois que le rôle de la gauche est capital. Il faut tirer les leçons du passé en se rappelant la responsabilité et le poids du mouvement national dans la réussite de l'appel à l'Indépendance. Une chose est sûre, Il n'est guère de progrès possible sans les forces démocratiques de gauche porteuses des valeurs de liberté et de progrès qui bénéficent d'une présence influente dans les milieux populaires et les classes moyennes. Propos recueillis par Fairouz El Mouden Hassan Tarik, membre du BP de l'USFP : Le Maroc toujours engagé dans le grand Jihad «La fête de l'indépendance est un grand moment pour célébrer une tranche de l'histoire du militantisme marocain contre le colonialisme», a souligné Hassan Tarik, membre du Bureau politique de l'USFP. L'ex-secrétaire général de la Jeunesse Ittihadia a estimé que défendre la nation et la patrie, c'est conserver l'identité marocaine. Certes, l'Etat c'est l'incarnation institutionnelle et constitutionnelle d'une nation, mais la société reste le grand et le vrai possesseur des valeurs de la nation, a-t-il précisé Al Bayane : Que représente, pour vous, la célébration de la fête de l'indépendance, particulièrement dans le contexte actuel ? Hassan Tarik : La fête de l'indépendance est un grand moment pour célébrer une tranche de l'histoire du militantisme marocain contre le colonialisme. C'est un moment qui nous rappelle vivement que le Maroc est toujours engagé dans le grand jihad à tous les niveaux, notamment en ce qui concerne notre unité territoriale. Par rapport au contexte actuel, le grand message retenu est la confirmation de l'unanimité nationale de toutes les composantes de la société marocaine autour de notre première cause. La fête de l'Istiqlal est encore un exercice permanant de conservation des valeurs du mouvement national, les valeurs de progrès, d'unité, et de la liberté. Pensez-vous que la génération actuelle est-elle suffisamment mobilisée dans l'esprit de cet appel de l'indépendance ? La nation est une communauté des rêves comme a dit André Malraux, et les jeunes sont des porteurs très actifs de ces rêves, ils constituent un vrai capital du Maroc, d'où la nécessité de leur engagement dans l'aventure collective afin d'établir une forte conscience du désir de vivre ensemble sous le ciel d'une seule patrie qui crois al démocratie et au développement, pour un même destin et même avenir. Sensibiliser les jeunes, c'est les concilier avec leur histoire, et les accompagner à croire à leur avenir. Qu'est ce qui peut être fait pour se réapproprier toutes les valeurs véhiculées et représentées par cet appel ? L'idée de la nation est une idée primordiale pour tous engagements collectifs et civiques, elle est aussi la base fondamentale de toute démocratie et développement social. Défendre la nation et la patrie, c'est conserver l'identité marocaine. Pour cela, le rôle de l'école publique, des medias, de la famille, des partis politiques, des intellectuels et autres, c'est de promouvoir la philosophie de l'appartenance à l'ensemble des symboles, des représentations, des imaginaires collectifs, de l'émotionnel partagé, des rêves, de la mémoire commune, et de tous les facteurs qui font d'un groupe humain une nation. Certes, l'Etat c'est l'incarnation institutionnelle et constitutionnelle d'une nation, mais la société reste le grand vrai possesseur des valeurs de la nation. Propos recueillis par Hicham Mouhlal