Le choix du bio est une "simple question de bon sens" pour certains praticiens, même s'il n'existe pas de consensus médical. "Manger bio, c'est bon pour la santé". L'affirmation sonne comme une évidence: 95% des consommateurs de ces produits déclarent choisir le bio pour préserver leur santé, rapporte le baromètre 2009 de l'Agence Bio. L'absence de pesticides et de produits chimiques: voilà l'argument santé du bio, rappelle le Dr Laurent Chevallier, praticien attaché au CHU de Montpellier, auteur de l'ouvrage Les 100 meilleurs aliments pour votre santé et la planète (Editions Fayard). "Nous recevons régulièrement des résultats d'études au CHU montrant que les pesticides peuvent avoir un impact négatif en termes de rhumatismes, de glaucomes ou encore de maladies cardiovasculaires", explique-t-il. Les agriculteurs sont les plus exposés Si les études concernant l'impact des pesticides sur la prévalence des cancers sont encore rares, un lien de cause à effet a été récemment démontré. Publiée en février dernier par le Centre d'immunologie de Marseille-Luminy (CIML), l'étude en question décrit l'apparition de précurseurs de lymphomes chez les agriculteurs exposés aux pesticides. Autres conclusions récentes, en juin dernier, du CHU de Pointe-à-Pitre et de l'Inserm: le risque de développer un cancer de la prostate chez les agriculteurs exposés au chlordécone serait de 80% supérieur à la normale. Ce pesticide organochloré, utilisé jusqu'au milieu des années 1990 dans les plantations bananières de Guadeloupe et de Martinique, serait en partie responsable de la très forte prévalence des cancers de la prostate dans les Antilles françaises. "Pas de quoi alerter le consommateur" Ces recherches se penchent uniquement sur les personnes directement exposées. Mais qu'en est-il des résidus chimiques présents dans nos assiettes? La situation est d'autant plus préoccupante que leur teneur est parfois supérieure à ce qui est autorisé: 3,5% des fruits et légumes issus de l'agriculture conventionnelle contiennent des résidus de pesticides supérieures aux normes, rapporte l'Agence européenne pour la sécurité alimentaire (Efsa)... qui assure toutefois qu'"aucun des pesticides évalués ne suscitait d'inquiétude pour la santé". "Pas de quoi alerter le consommateur", renchérit le Dr Jean-Michel Lecerf, de l'Institut de Lille. Le nutritionniste insiste pour que l'on distingue l'exposition directe à laquelle sont soumis les agriculteurs et les faibles doses qui échouent dans nos assiettes. Laurent Chevallier nuance ce point de vue, regrettant que les experts n'aient "pas étudié les associations entre ces différents produits chimiques". Des avis contradictoires Certaines publications minimisent toutefois les bienfaits de l'alimentation bio. L'une d'elle publiée en avril dernier affirmait même que le bio pourrait être... dangereux. "La réduction des intrants chimiques, qui favorise la production par la plante de substances antioxydantes bénéfiques, favorise aussi celle de métabolites secondaires et toxines naturelles dont l'innocuité n'est pas garantie", avancent les auteurs, deux anciens de l'Institut national de recherche agronomique (Inra). "Pendant vingt siècles, on a donc consommé des produits toxiques, ironise le Dr Laurent Chevallier. Rappelons que l'introduction des intrants chimiques est quelque chose de très récent." Sans compter que Léon Guéguen et Gérard Pascal, auteurs de cette étude, n'étaient plus à l'Inra depuis des années au moment de sa publication, rappelle-t-il. Conflits d'intérêt? "Ce type d'étude ne présente aucun intérêt", soupire le Dr Laurent Chevallier, qui déplore "les conflits d'intérêts" entre chercheurs et industrie agroalimentaire. Selon lui, "c'est le simple bon sens qui doit nous faire choisir le bio". Autre exemple: pendant l'été 2009, des chercheurs britanniques dépêchés par l'Agence britannique des normes alimentaires (FSA), concluaient, après examen de 162 études sur le bio, à l'absence d'avantage notable pour la santé du côté du bio (lire à ce sujet notre article). Une étude contestée dès sa publication. "Elle est très critiquable sur le plan méthodologique", juge le Dr Denis Lairon, directeur de recherche à l'Inserm. Un des critères de pertinence pour sélectionner les publications scientifiques à prendre en compte sur les quelques 50 000 existantes est en effet... l'emploi de la langue anglaise. Un "parti pris" qui a "éliminé du coup de nombreuses publications importantes", souligne le chercheur. "Une plante reste une plante" En outre, les conclusions de l'étude ne refléteraient pas honnêtement son contenu, note ce spécialiste. La synthèse des 162 études concernées montre en effet des teneurs supérieures dans les produits bio pour certains composés considérés comme bénéfiques, comme les composés phénoliques, au pouvoir anti-oxydant, le magnésium, le fer et le zinc... Des qualités nutritives déjà mises en avant dans un rapport réalisé pour l'Afssa en 2003 par ce même Denis Lairon, ou encore dans les conclusions de la Qlif, une vaste étude lancée au niveau européen en avril 2009. Certains chercheurs, comme le professeur Luc Montagnier, prix Nobel de médecine, mettent d'ailleurs en avant les vertus des anti-oxydants présents en quantités légèrement supérieures dans les produits bio. "Une plante reste une plante", tempère le Dr Laurent Chevallier, pour qui ces observations "ne sont pas très significatives". Pour lui comme pour nombre de spécialistes, de nouvelles études d'envergure seront nécessaires pour évaluer plus finement les bienfaits de l'alimentation bio.