Saloua Benkirane, une militante de l'action sociale, fort connue dans la région Souss Massa Drâa, et bien ailleurs, pour son attachement à la cause des enfants démunis et abandonnés. Son abnégation n'a d'égal que son adulation incommensurable pour les petits auxquels elle réserve une affection sans limites. Persévérante à souhait, elle s'en va distribuer cette tendresse ardente là où elle évolue au sein de la société civile et sa mission qu'elle assume à merveille, depuis des lustres à la tête de l'Initiative Nationale du Développement Humain, au sujet de laquelle on tiendra un colloque national, en novembre prochain à Agadir, pour mettre le point sur cette expérience sociale d'envergure. Mama Thérésa, comme d'aucuns se plaisent à baptiser, Saloua Benkirane, si souriante et joviale, a peur de rendre l'âme avant de dessiner le même sourire sur les visages de tous les enfants marqués par les affres de la vie. Entretien ; Que représente pour vous l'ambiance spirituelle et sociologique que procure le mois sacré du Ramadan ? Le mois sacré du Ramadan est incontestablement un moment de piété et de recueillement. C'est pareillement une occasion pour emplir la vie de bonté et de solidarité. J'en profite aussi pour me confier à la méditation et la remise en cause. Pendant une bonne partie de la journée, je me lance dans l'auto-évaluation de tous les actes et les démarches que j'ai entrepris pour savoir si toutes ces actions me satisfont. La rupture du jeûne est pour moi un instant de grosse émotion, car les souvenirs de mes parents me reviennent si fort au point d'en avoir les yeux larmoyants. Le Ramadan reste pour moi également le mois propice pour me confesser et me purifier. Comment vous organisez vos journées durant ce mois ? Les soirées Ramadanesques sont propices aux rencontres de tous genres. Avez-vous le souvenir de quelque chose qui vous a marquée durant l'une d'entre elles ? Comme toutes les familles marocaines, j'essaie de préparer tous les délices pouvant garnir la table du F'tour. Après une journée de travail, en compagnie des membres de l'équipe de la division de l'action sociale avec qui j'entretiens d'excellentes relations d'estime et de coopération, je me consacre personnellement à la cuisine pour présenter des chhiouates à ma petite famille. Après quoi, il me plait toujours de faire un tour en ville, avant le dîner, tout en passant des moments devant le petit écran dont certaines prestations sont appréciables, notamment Taxi 36, Yak Hna Jirane où j'admire le générique musical interprété par Daoudia, Oukba Lik avec l'actrice talentueuse Sanaa Akroud… Etes-vous de ceux qui laissent apparaître des sautes d'humeur durant la période du jeûne ? Pourquoi ? Je n'ai même pas le temps de penser à la querelle, tellement je suis prise par le travail, d'autant plus que mes collègues sont adorables. Nous sommes tellement débordés par les tâches de l'action sociale que nous nous efforçons de travailler ensemble, avec communion et symbiose. Il est bien évident que mon naturel, pacifiste et tolérant, aide beaucoup à me comporter sans accrocs ni emportement. Mais, je pense que je dispose, en toute modestie, d'une qualité qui me permet de me calmer sans jamais m'énerver. C'est le fait que je prends toujours les choses avec simplicité. Il n'y a pas plus judicieux que d'éviter la complication. Quelle appréciation portez-vous sur la programmation Tv sur les chaînes nationales ? Etes-vous d'accord avec ceux qui estiment que le niveau esthétique et professionnel des sitcoms pêche par son indigence pour ne pas dire sa médiocrité? A qui incombe la responsabilité de cette situation ? A mon avis, il faudrait encourager beaucoup plus les jeunes talents qui ont déjà fait leurs preuves dans nombre de concours de comédie. Ces jeunes pourraient donner aux émissions de ce mois davantage d'imagination et de créativité, car les menus proposés sont en deçà des attentes des citoyens. Bien entendu, ces jeunes nécessitent le côtoiement des acteurs plus chevronnés et aguerris. Il me semble aussi qu'il ne faudrait pas se contenter des émissions d'humour, mais il importe également d'insérer des programmes de débats autour des problématiques d'actualité afin de hisser le degré de conscience des téléspectateurs. Mon travail de proximité dans le monde rural m'a appris que les gens ont atteint un haut niveau de maturité et d'intelligence. Il est donc inacceptable de leur imposer des médiocrités. Ils méritent bien plus que ces absurdités. Quelles sont vos lectures préférées durant ce mois sacré ? J'ai un grand penchant pour la lecture des journaux et des magazines, alors que mon mari, beaucoup plus intellectuel, se consacre au bouquinage. Quant à mes enfants, ils préfèrent, comme tous les mômes de leur âge, naviguer dans l'univers de l'internet. Toutefois, il nous arrive de mener des discussions sur nos découvertes respectives. Quel regard portez-vous sur le paysage médiatique marocain : presse écrite et audiovisuel ? Il ne fait pas de doute que le champ médiatique national a connu des avancées notoires, aussi bien quantitative que qualitative. Des réalités et des vérités sont quotidiennement évoquées par la presse responsable. Le lectorat est comblé par toutes ces informations, ainsi que par les analyses et les opinions émises par tel ou tel journaliste. Néanmoins, il faut bien dire qu'une certaine presse qui verse dans le sensationnel et parfois la diffamation et le mensonge constitue un danger permanent pour la société marocaine. Il faudrait alors valoriser toutes les performances qui tirent vers le haut notre pays et condamner tous ceux qui diffusent la destruction, le dénigrement et le pessimisme. Nous renfermons des potentialités énormes qu'il va falloir mettre en évidence, au lieu de chercher à nuire et sous estimer nos aptitudes. Qu'est-ce qui a changé dans la société marocaine ? Les mécanismes de sociabilité qui ont permis de perpétuer les fondamentaux de la personnalité marocaine fonctionnent-ils toujours ? La société marocaine a franchi des étapes considérables. Mes multiples contacts avec les populations, à l'occasion des visites relatives à ma mission au sein de l'INDH, me font savoir chaque jour, que beaucoup de belles choses se font dans notre pays. Il faudrait donc travailler davantage dans le sens de la qualification des ressources humaines, atouts majeurs du développement. La reconnaissance du rôle que jouent les femmes est une nécessité impérieuse, dans un pays qui devrait croire encore plus à l'approche du genre. Je suis une femme traditionnelle et fière de l'être, car notre identité marocaine demeure notre devise, sans pour autant ignorer la nécessité de s'ouvrir sur autrui. Nombre de jeunes reviennent, maintenant, à leurs racines, leurs sources et leurs repères. Le Maroc avance à grands pas et il est encore appelé à aller de l'avant, plus tard. Mais, il est impératif de se pencher sérieusement sur deux maillons faibles de cet édifice, à savoir l'analphabétisme et la santé qui présentent une entrave à l'expansion. L'égalité des sexes devrait, à mon sens, signifier la complémentarité des rôles et chacun assume ses tâches, la main dans la main. Dans ce sens, la femme est censée adhérer dans l'action politique pour qu'elle soit plus avertie, car il est condamnable de voir certaines élues analphabètes et apolitiques. L'action parlementaire est une responsabilité lourde qu'il faudrait assumer pleinement avec un bagage politique et intellectuel assez suffisant pour vaquer aux affaires publiques.