Pour Anas Doukkali, membre du bureau politique du PPS, le Marocain a l'impression que la culture est considérée comme un luxe dans notre pays. Ceci est la cause directe du budget alloué à ce secteur et qui ne dépasse pas 0,3% du budget général de l'Etat. Aussi, il est nécessaire d'avoir une politique culturelle et artistique bien claire, qui ne se limite pas à l'organisation des festivals. Enfin, Doukkali préconise de mettre en place de nouveaux schémas urbains où les espaces culturels occuperaient une place de choix. Al Bayane : Comment peut-on prétendre développer le secteur culturel avec un budget aussi faible ? Quoique la question culturelle ait été placée au centre des réformes engagées depuis l'avènement du premier gouvernement de l'alternance démocratique, les budgets qui sont alloués à ce secteur sont restés en deçà des ambitions affichées. Actuellement, ce budget ne dépasse guerre 0,3 % du budget général de l'Etat. On a l'impression que la culture est considérée comme un luxe dans notre pays et non une priorité. Or, la culture est un droit fondamental pour tous les Marocains et il faudrait que l'Etat lui consacre la part qui lui revient du budget général en ambitionnant de la ramener à 1%. Pour cela, la culture doit faire l'objet d'une véritable solidarité gouvernementale. Les collectivités locales sont appelées également à participer à cet effort, de par leur rôle central d'animateurs de l'action culturelle aux niveaux local et régional. D'autres pistes de financement sont aussi à explorer du côté du partenariat public-public, comme le Fonds Hassan II, à titre d'exemple, et le partenariat public-privé, sans oublier les opportunités que peut offrir la coopération internationale. Est-ce que la manière de gérer le budget culturel, quoique minime, rend- t- elle réellement service à la culture dans notre pays ? La culture est un secteur riche et diversifié. Il regroupe la musique, le théâtre, l'art plastique, le cinéma, les festivals, l'édition, mais aussi le patrimoine architectural historique et l'archéologie pour ne citer que ceux-là. Difficile de gérer un maigre budget et concilier entre les besoins énormes de ces différents volets de la culture. Toutefois, en absence de stratégie claire et de volonté de l'Etat de rendre prioritaire la chose culturelle, tout budget, aussi consistant soit-il, ne saurait servir réellement la culture dans notre pays. Peut-on prétendre bien gérer la chose culturelle, juste en multipliant les festivals et les manifestations ? Les festivals ne peuvent pas constituer le seul moteur d'activités culturelles. Il est vrai que ce sont de grands moments festifs ou les citoyens s'approprient l'espace public dans un climat de liberté et de bien-être. C'est une forme d'expression démocratique qui reste limitée dans le temps et dans l'espace. Il faut avoir une politique d'animation et d'action culturelles sur toute l'année et dans tout le territoire national. Ceci n'est pas seulement l'affaire du ministère de la culture, il s'agit d'une action participative et consensuelle à laquelle devront prendre part les élus, la société civile, le secteur privé, les médias,... On parle beaucoup d'une politique qui s'intéresse à la promotion de la culture dans les régions du Royaume, alors qu'en réalité les villes manquent énormément d'espaces dédiés à la culture. Selon-vous, comment les responsables du secteur doivent-ils agir pour faire face au sous développement intellectuel dont souffre notre pays ? Il s'agit là d'un problème qui peut être lié à l'aménagement de l'espace et à la mauvaise mise en œuvre des documents urbains. Des solutions peuvent toutefois exister dans le cadre de la rénovation urbaine ou à travers l'ouverture de nouvelles zones urbanisables dédiées spécialement à des activités culturelles, je pense notamment aux métiers du cinéma par exemple. Mais la culture reste l'affaire de tous, et quoi que l'on fasse, toute politique qui ne viendrait pas d'en-bas ne pourrait prétendre au succès. En plus de l'Etat, les collectivités locales à l'échelle communale et régionale devraient avoir une stratégie propre à elles en matière d'animation et de promotion culturelles, adaptée aux besoins locaux. Cela passe par un diagnostic exact de la situation culturelle et l'adoption d'une vision partagée du développement du secteur. Par ailleurs, le renforcement des capacités de gestion déconcentrée de l'état du secteur de la culture est requis.