Du 13 octobre au 13 novembre Mohamed Nait Youssef «Si le monde était clair, l'art ne serait pas.», Albert Camus, Le mythe de Sisyphe, 1942. Un artiste talentueux, dont la palette, la sensibilité et la vision sont à la fois originelles et profondes, Reda Kanzaoui, peintre autodidacte, dévoile ses «Naked souls» (âmes nues) du 13 octobre au 13 novembre, à l'Uzine. En effet, son univers énigmatique et expressionniste explore de nouveaux champs de la création plastique et artistique. Une première exposition individuelle : des découvertes ! Une main tremblante dans les tripes de la toile ! Une main tremble dans les tripes de la toile. Des mains souffrantes, étranges et mystérieuses où sont enfouis, sous la peau, les angoisses profondes de l'humain. Une main dormante dans les fissures de la mémoire ; telle une trace à la fois visible et invisible. Incontestablement, la main est le geste pictural et social, elle est aussi, depuis la nuit des temps, un élément du langage universel. La main à l'œuvre, l'artiste nous montre de longues mains aux doigts écartés, écartelés. «Je ne me soucie pas de l'apparence de l'humain et la géométrie esthétique ne me séduit point. Si vous cherchez l'idéal, mes personnages ne vous plairont pas. Ils ne correspondent en aucun cas aux normes de beauté du XXIe siècle. Ils sont même à l'extrême opposé du concept de « l'Übermensch » de Friedrich Nietzsche, l'humain héroïque et vertueux.», écrivait Reda Kanzaoui dans un texte personnel. En effet, derrière ce geste pictural et social des mains demeurent quelque chose de latent, qui va, si n'osons dire, au-delà d'une simple représentation d'un organe du corps humain. À vrai dire, il y a un sens qui se concentre à l'extrémité de ces mains qui interpellent. Dans les œuvres du peintre poète, l'image du corps humain, de l'humain tout court, est omniprésente. «(...) Et c'est ainsi que mon désir de recourir à l'art comme cachette et refuge, s'est transformé en un moyen de dévoiler et mettre à jour les émotions humaines, en considérant l'humain comme ma première cause et la matière première sur laquelle je construis ma pensée. », a-t-il révélé. Une certaine vision du monde... Il faut dire que les personnages angoissés, désemparés, perplexes, indifférents, fatigués, portant le poids lourd du vécu, renvoient à une certaine vision du monde où la condition humaine est mise à nu. «Mon entreprise n'est pas de stigmatiser, cela va de soi, mais de rectifier la confusion et la déformation qui ont affecté ses émotions, retournant ainsi à la formule originelle, pure, quand il était transparent, clair, sincère, dénué de toute impureté.», a-t-il affirmé. Or, au milieu de ce chaos, un peintre, c'est aussi celui qui trouve une espèce de poésie patente en forgeant la toile. On y voit les détails, les plus simples et minutieux, mais aussi complexes d'un humain. Peindre un regard nécessite des mains qui voient, une inspiration profonde et une maîtrise picturale, au-delà parfois de la matière. Il faut que la poésie soit raison. L'art et la poésie; ce sont ainsi les forces salvatrices qui ont marqué la verve de Reda Kanzaoui. « Je tente à travers ma peinture de radiographier les émois », a-t-il confié. Que vaut alors une œuvre sans âme, sans essence, sans émotions humaines? À mi-chemin de Klimt et Schiele... À la manière de Schiele, l'artiste use la couleur non seulement comme un simple atout décoratif habillant ses toiles et personnages, mais essentiellement pour extérioriser des états d'âme, des peurs, des angoisses, des souffrances et des sensations humaines. Les lignes, fluides, ornementales, avec un expressionnisme très personnel, occupent une place centrale dans le travail de l'artiste. Dans cette optique, l'artiste emploie des corps contorsionnés, des lignes fluides, parfois brisées. À mi-chemin de Gustav Klimt dont les œuvres sont une ode à la beauté, et Schiele dont les peintures célébrant la laideur, la cruauté du monde, la morbidité, l'artiste trace son chemin entre peinture et émotion. La peur est le terme dernier. Dans ses peintures, Reda Kanzaoui y intègre certains symboles animaliers ; le serpent, le corbeau ou encore certaines espèces canines... une tentative de dessiner la peur. «Un naufragé ne peut choisir son sauveur. Il s'agrippera à tout ce qui lui est offert, même à sa plus grande peur… Lancez un serpent à un naufragé et il l'étreindra sans hésiter. C'est ainsi que j'ai dessiné pour la première fois, car le dessin était la seule chose que j'ai aperçue, flottant à la surface de la réalité.», a-t-il expliqué. Il y a un intérêt particulier de l'artiste pour les autoportraits et les portraits, éloignés de la représentation ordinaire et classique. Chose qui révèle une préoccupation profonde pour une question d'identité, de confirmation de soi dans le monde, dans l'existence. L'artiste rejoint par le biais de cette exposition l'action «Solid'Art», initiée par la Fondation Abdelaziz et Touria Tazi, dont une partie des recettes de cette exposition-vente sera au profit des victimes du tremblement de terre ayant frappé les régions d'Al Haouz. Reda Kanzaoui vit et travaille entre Mohammedia et Casablanca.