Douze ans après la chute du régime de Ben Ali, la Tunisie est encore loin de retrouver sa stabilité, sa sécurité et son économie les voies de la croissance. La commémoration de l'événement du 14 janvier a été ce samedi l'occasion de manifestations imposantes organisées par les partis qui s'opposent au processus du 25 juillet 2021. En dépit de la mise en place d'un dispositif de sécurité exceptionnel tout au long de l'avenue principale de la capitale et aux alentours, et de l'installation de barrières métalliques pour séparer les manifestants et éviter tout dérapage, plus de dix mille manifestants ont défilé à l'avenue Bourguiba représentant partis politiques de diverses sensibilités. Tous ont tenu à exprimer leur opposition au projet de réforme du Président Kaïs Saied, au recul des libertés et aussi leur colère contre les pénuries et la détérioration de la situation dans le pays. En dépit de toutes les restrictions imposées par les pouvoirs publics et même les interdictions de certaines manifestations à l'instar de celles du front national du salut et du Parti destourien libre d'Abir Moussi, toutes les familles politiques (gauche, centristes, sociaux-démocrates et islamistes) ont vu leur mot d'ordre largement suivi. Malgré la similarité des objectifs et des revendications, les partis de l'opposition n'ont pas réussi à faire un front uni samedi, et leurs rassemblements se sont tenus dans trois points différents de la capitale. Le Front de salut national (FSN, opposition) a bravé l'interdiction mobilisant une importante foule. Leur mot d'ordre lors de cette manifestation a été la dénonciation de ce qu'ils qualifient de « coup d'Etat » mené par Kaïs Saïed le 25 juillet 2021. De nombreux autres sont venus protester aussi contre la dégradation de leurs conditions économiques. « Le coup d'Etat, disent-ils, nous a ramené la famine et la pauvreté ». Les sympathisants d'Ennahdha n'ont pas trouvé mieux que de scander « Le peuple veut ce que tu ne veux pas ». Mise en garde En fin de matinée, un millier de protestataires du Front de Salut National ont forcé des barrières de sécurité pour marcher vers la symbolique avenue Bourguiba avant un face-à-face tendu avec les forces de police, présentes en grand nombre. Un signal fort au pouvoir Les formations de gauche, notamment Ettakatol, Al Joumhouri, Al Qotb, le parti des Travailleurs et Attayar ont dénoncé dans leur manifestation la dérive autoritaire du régime reprenant des slogans de 2011 « liberté, dignité et travail ». L'ancien dirigeant d'Attayar, Ghazi Chaouachi affirme que les différents courants politiques continuent à célébrer le 14 janvier, date de la révolution pour les Tunisiens. Pour lui, « Kaïs Saïed ne peut supprimer cette date d'un seul trait ». Il a ajouté que les Tunisiens manifestent, aujourd'hui, contre Kaïs Saïed, et sa politique populiste. Au même moment, une autre manifestation a eu lieu à Tunis et sa banlieue à l'initiative d'Abir Moussi, cheffe du Parti destourien libre, qui a également bravé l'interdiction et le harcèlement dénonçant au passage la crise économique que traverse le pays dont elle a rendu responsable « le régime Saïed ». En dépit de sa décision de ne pas participer à ces manifestations, la puissante centrale syndicale, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a lancé en fin de journée un signal fort au pouvoir. Son secrétaire Général, Noureddine Tabboubi, a adressé au pouvoir une mise en garde annonçant lors du conseil régional de l'Union régionale du travail de Tunis tenu samedi que « l'heure cruciale approche » pour la présentation d'une feuille de route devant « sauver le pays ». Il a en même temps mis l'accent sur l'importance de la date du 14 janvier et a assuré que la centrale syndicale y était attachée. Dans ce climat tendu que vit le pays, certaines régions connaissent quelques remous. En effet, pour le deuxième jour consécutif, des heurts entre policiers et manifestants ont eu lieu à la cité Ezzouhour à Kasserine (centre ouest). Plusieurs arrestations ont été opérées et deux agents de la police ont été blessés durant ces confrontations.