La Haute-cour de Londres a jugé « légal » le projet, hautement controversé, du gouvernement britannique d'expulser vers le Rwanda les demandeurs d'asile arrivés illégalement au Royaume-Uni, au moment où le nombre de traversées de la Manche par des migrants n'a jamais été aussi élevé. « La cour a conclu qu'il est légal pour le gouvernement britannique de mettre en place des dispositions pour envoyer des demandeurs d'asile au Rwanda et que leur demande d'asile soit examinée au Rwanda plutôt qu'au Royaume-Uni », selon un résumé du jugement publié par la Haute-Cour. Celle-ci a estimé que les dispositions prévues par le gouvernement ne contreviennent pas à la Convention sur les réfugiés. En avril, le gouvernement de Boris Johnson a conclu un accord avec Kigali pour expulser vers le Rwanda des demandeurs d'asile arrivés illégalement sur le sol britannique. Une politique destinée à décourager les traversées de la Manche à bord de petites embarcations. Aucune expulsion n'a encore eu lieu – un premier vol prévu en juin a été annulé après une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) -, mais le gouvernement de Rishi Sunak poursuit cette politique. La décision rendue lundi porte sur le recours d'associations d'aide aux migrants, comme Care4Calais, Detention Action et Asylum Aid ainsi que du syndicat du service public PCS. Le Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés était même intervenu dans le dossier, faisant valoir que « les composantes minimum d'un système d'asile fiable et juste » font défaut au Rwanda et qu'une telle politique mènerait à de « graves risques de violations » de la Convention de l'ONU sur le statut des réfugiés. Les conservateurs ont fait de la lutte contre l'immigration clandestine, qui était une promesse du Brexit, l'une de leurs priorités. Mais les migrants n'ont jamais été aussi nombreux à traverser la Manche sur des petites embarcations. Depuis le début de l'année, environ 45.000 sont ainsi arrivés sur les côtes anglaises, contre 28.526 en 2021. Et quatre migrants, dont un adolescent, ont perdu la vie en tentant la traversée le 14 décembre, un peu plus d'un an après la mort de 27 personnes. En septembre, avant le début de l'audience, le secrétaire général du syndicat PCS, Mark Serwotka, avait jugé l'expulsion de migrants vers le Rwanda « non seulement immorale mais illégale ». Il avait exhorté le ministère de l'Intérieur à « abandonner son approche hostile envers les réfugiés ». Pour l'association Care4Calais, ce projet du gouvernement est « cruel ». « Les réfugiés qui ont subi les horreurs de la guerre, de la torture et de la persécution seront désormais confrontés à l'immense traumatisme de l'expulsion et à un avenir inconnu. Cela leur causera une peur, une angoisse et une détresse incommensurables. » A l'audience, les avocats du gouvernement avaient affirmé que l'accord avec le Rwanda assurait aux personnes qui y seraient expulsées de bénéficier d'une procédure de détermination de leur statut de réfugiés « sûre et efficace ». Début octobre, la très à droite ministre de l'Intérieur, Suella Braverman, avait partagé son « rêve » pour Noël: « voir (…) un avion décoller pour le Rwanda ». « Je souhaite sincèrement que nous soyons en mesure de mettre en oeuvre le programme du Rwanda », a-t-elle dit dans un entretien au Times samedi. Plus tôt dans la semaine, le Premier ministre Rishi Sunak avait souligné que son gouvernement reprendrait ce projet, à l'occasion de l'annonce d'un éventail de mesures destinées à résoudre la crise du système d'asile, actuellement débordé. Son message aux migrants est « clair », selon elle: « Si vous venez ici (…) illégalement sur de petits bateaux, en enfreignant nos règles, vous n'aurez pas le droit d'être hébergé ici indéfiniment à la charge du contribuable. Il y aura une réponse très rapide à votre arrivée ici. Détention suivie d'un renvoi. » « On peut légitimement se demander si ce cadre international est adapté à la situation alors que nous assistons à une crise migratoire mondiale », a-t-elle dclaré au Times. Ce serait « impardonnable si nous ne réglons pas ce problème » des migrants, a estimé la ministre, alors que les travaillistes sont au plus haut dans l'opposition. « Le vote du Brexit portait en partie sur la migration, le contrôle de nos frontières et le retour de la souveraineté sur la question de savoir qui entre dans notre pays », a-t-elle admis, avant de reconnaître un échec: le gouvernement n'a « pas repris le contrôle » des frontières.