Verdict historique que celui que le Tribunal de Buenos-Aires a prononcé, le 6 Décembre 2022, à l'encontre de Cristina Fernandez de Kirchner, 69 ans, qui domine la vie politique argentine depuis près de 20 ans ; d'abord, comme première dame lors de la présidence de son mari Nestor Kirchner de 2003 à 2007, puis comme présidente de 2007 à 2015 et, de 2019 à ce jour, en tant que vice-présidente, laquelle a été reconnue coupable d'administration frauduleuse au préjudice de l'Etat, dans le cadre de l'attribution de de marchés publics dans la province de Santa-Cruz (Sud), son fief politique et condamnée à 6 années d'emprisonnement. En dénonçant « un système de corruption institutionnel » et ce qui, à ses yeux, constitue «probablement la plus grande opération de corruption » qu'a connu le pays avec des « irrégularités systématiques dans 51 appels d'offres » sur une période de douze années, le ministère public avait requis, à l'encontre de Cristine Kirchner, douze années d'emprisonnement et une inéligibilité à vie. Les arguments qui sous-tendent ce jugement sont, entre autres, l' « extraordinaire manœuvre frauduleuse » qui a profité à un groupe d'entreprises liées à Lazaro Baez, un homme d'affaire intime des Kirchner à la « croissance économique exponentielle » qui est passé du statut de simple employé de banque à richissime entrepreneur en BTP et qui a écopé de six années d'emprisonnement après avoir été condamné, en 2021 et dans le cadre d'un autre procès, à une peine de 12 années pour blanchiment d'argent. Mais même si la peine dont elle a écopé ne correspond qu'à la moitié de celle qui avait été requise contre l'ancienne cheffe de l'Etat le 22 Août dernier, et que sa condamnation bouleverse la donne politique dans le pays, l'incarcération de Cristina Kirchner ne pourrait pas avoir lieu avant plusieurs années dès lors qu'elle est protégée, d'abord jusqu'en 2023, par l'immunité que lui confère sa qualité de Présidente du Sénat – un poste qui revient automatiquement au vice-président – mais, également, comme l'a rappelé Rosendo Fraga, politologue à l'Université de Buenos-Aires, par le fait que sa condamnation ne pourra être effective qu'après plusieurs recours «dont éventuellement celui devant la Cour Suprême» et que cette procédure pourrait s'étaler sur plus de cinq années. En réagissant, immédiatement, au verdict prononcé à son encontre, Cristina Kirchner, qui est, à la fois, vice-présidente de la République et présidente du Sénat a déclaré qu'«il ne s'agit même plus de persécution politique » et qu'elle aurait, désormais, affaire à «un Etat parallèle». Se disant, en outre, victime d'«une mafia judiciaire», mais soucieuse, néanmoins, d'éviter les tensions, Cristina Kirchner, qui reste une figure forte et clivante de la politique argentine, admirée par de nombreux fidèles puisqu'elle dispose encore d'un noyau dur de 20 à 25% de partisans mais honnie par un aussi grand nombre de détracteurs, a déclaré qu'elle ne briguera aucun mandat lors des élections générales d'Octobre 2023. Mais si, pour l'heure, rien ne permet d'écarter l'éventualité de manifestations de rue destinées à dénoncer le «complot» ourdi contre l'ancienne présidente, attendons pour voir...