En application des dispositions constitutionnelles, le gouvernement a présenté le 20 octobre dernier le projet de loi de finances pour 2023 devant le parlement réuni dans ses deux chambres. Auparavant, Le Conseil des Ministres en a adopté les grandes orientations avant son adoption dans sa mouture actuelle par le Conseil du Gouvernement. La présentation d'une loi de finances n'est pas un acte de routine. C'est un moment important dans la vie démocratique du pays. C'est peut-être le rendez-vous annuel le plus attendu par toutes les composantes de la société, dans la mesure où c'est à travers la loi de finances que les budgets sont arrêtés, que les choix et les préférences du gouvernement (ou de l'Etat) sont déclinés, que les équilibres fondamentaux sont définis, que le partage des charges fiscales est effectué. Comme toute loi, une loi de fiances n'est jamais neutre. Elle traduit le plus souvent des préférences et des choix de classes. A l'exception des domaines relevant de la souveraineté nationale et de la défense des constantes de la Nation, objet d'une unanimité nationale sans faille, tous les autres domaines sont sujet au débat et à la controverse en fonction des convictions des différents protagonistes et de leur positionnement politique. C'est de cette controverse et ce débat, indispensables et inévitables, que se nourrit la démocratie pour prospérer, s'enraciner et devenir irréversible. Par conséquent, il est attendu de nos parlementaires, majorité comme opposition, d'être à la hauteur de l'événement, comme il est attendu du gouvernement d'être coopératif et attentif à leurs critiques et leur argumentaire. « La loi de finances détermine, pour chaque année budgétaire, la nature, le montant et l'affectation de l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat, ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte. Elle tient compte de la conjoncture économique et sociale qui prévaut au moment de sa préparation, ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu'elle détermine » (article 1 de la loi organique des fiances). Sa préparation est un processus laborieux qui s'étale sur plusieurs mois. Car outre le texte de loi proprement dit, il fallait préparer toute une panoplie de documents qui l'accompagnent et dont la lecture est nécessaire pour une meilleure compréhension de ladite loi. Comment est monté ce projet de loi ? Quelles sont les hypothèses qui le sous-tendent ? Quels sont ses principaux objectifs ? C'est à ces questions et probablement à d'autres que nous essaierons d'apporter des éléments de réponse ou tout au moins exprimer un point de vue. Chaque loi de finances se donne des hypothèses. Ces dernières sont nécessairement critiquables et à juste titre. On peut toujours contester celles qui sont retenues par le gouvernement à savoir : un taux de croissance en 2023 de 4% ; une production céréalière de 75 Millions de quantaux ; un taux d'inflation qui tend vers 2% ; une tonne de gaz butane à 800$ ; une augmentation de la demande extérieure adressée au Maroc de 2,5%. Ce sont des hypothèses à prendre comme telles. Elles peuvent se vérifier dans le cas où les choses se passeraient comme on l'aurait supposé « toutes choses égales par ailleurs ». Mais qui peut prévoir la fin de la guerre en Ukraine ? ou le niveau des précipitations au cours de l'année ? Pour ne citer que ces deux cas. Au niveau des ressources et des dépenses, nous sommes toujours, à de rares ajustements, dans la même structure que les lois précédentes. Il ne peut d'ailleurs en être autrement et ce pour deux raisons essentielles : d'une part, l'élaboration d'une loi de finances obéit aux règles arrêtées par la LOF (Loi organique des finances) ; d'autre part, elle est le reflet de la situation économique du pays et du rapport des forces en présence. Ainsi, les recettes ordinaires de l'Etat, évaluées à 294,7 MM DH, bien qu'elles soient en augmentation, n'arrivent toujours pas à couvrir les dépenses ordinaires évaluées à 302 MM DH. En revanche, le montant total des charges de l'Etat s'établit à 600,47 MMDH enregistrant une augmentation de 15,42% par rapport à 2022, alors que le montant total des ressources s'établit à 536,4 MM DH en augmentation de 16,3% par rapport à 2022, donnant lieu à un déficit budgétaire de 64 MM DH, soit l'équivalent de 4,5% du PIB. Il va sans dire que ce déficit relève d'une simple estimation qui peut en fin d'exercice être revue à la hausse ou à la baisse. Il faut relever également, la part prépondérante de l'emprunt public, soit 129 MM DH, qui couvre pratiquement le quart des ressources publiques. Qui plus est, près de la moitié de ce montant provient désormais de l'extérieur. Ce qui est sujet à inquiétude est le fait que ces montants empruntés vont servir à hauteur de 85% à couvrir le service de la dette pour cette année (109 MM DH). Et contrairement aux affirmations officielles qui prétendent que nos finances publiques montrent une certaine résilience, nous pensons en toute responsabilité, qu'elles connaissent une certaine fragilité. D'où l'urgence de procéder à une réforme fiscale en profondeur afin de mobiliser tout le potentiel fiscal dont nous disposons. Mais cela demande de la volonté politique et de l'audace. Cette fragilité, on la retrouve d'une façon plus nette au niveau de la structure du Budget général. La part de lion, soit les deux-tiers, de ce budget de 408 MM DH, revient au fonctionnement. Le tiers restant se partage entre l'investissement (26%) et le remboursement des intérêts de la dette (7,6%). On remarquera que les dépenses relatives au « matériel et dépenses diverses » absorbent 24 % des dépenses de fonctionnement, soit 64,8 MMDH avec une augmentation de 16,5% par rapport à 2022. Ce qui s'inscrit non seulement en contradiction avec la note de cadrage du Chef du gouvernement incitant les différents départements ministériels et l'administration en général à suivre un régime d'amaigrissement en réduisant le train de vie de l'Etat, mais aussi avec l'une des orientations affichées du PLF consistant à « rétablir des marges budgétaires pour assurer la pérennité des réformes ». A bon entendeur salut !