Le projet de Loi de Finances 2005 continue de susciter des réactions controversées. Léconomiste Najib Akesbi estime que ce projet ne favorise pas la relance économique tant souhaitée. Et pour cause : le gouvernement actuel, comme ses prédécesseurs, na pas réussi à mettre en place les réformes fondamentales. Explications. Finances News Hebdo : Quelle appréciation faites-vous de la Loi de Finances 2005 ? Najib Akesbi : Je pense que la Loi de Finances 2005 sinscrit dans la continuité des lois précédentes qui ont, toutes, constitué des fuites en avant. Il sagissait, en effet, de simples lois palliatives parce quaussi bien le gouvernement actuel que ses prédécesseurs ne se sont jamais engagés à mettre en place des réformes importantes. Ils ont le plus souvent tablé sur des recettes exceptionnelles (recettes de privatisation, endettement ). En adoptant la politique de reculer pour mieux avancer, nous arrivons aujourdhui à une impasse. Donc, tout ce que je peux dire, cest quune bombe à retardement sapprête à exploser. Le taux de couverture des dépenses publiques par les recettes ne cesse de baisser, atteignant 60 %, dont 40% sont couvertes par des recettes exceptionnelles, le but étant toujours de préserver en apparence le déficit budgétaire qui oscille entre 3% à 5%. Aujourdhui, les dépenses continuent daugmenter et sont difficilement compressibles parce quelles sont constituées de dépenses de fonctionnement et du service de la dette. Les ressources ordinaires pérennes diminuent et les recettes exceptionnelles tarissent. Quest-ce que lon peut bien vendre encore, sachant que tous les bijoux de famille ont été cédés ? Donc, tout laisse penser quune grosse crise sannonce. F. N. H. : On peut donc parfaitement en déduire que la Loi de Finances 2005 ne favorise en aucune manière la relance économique tant souhaitée N. A. : Parfaitement. Si lon considère les investissements, on remarquera quils représentent moins de 4% du PIB, parce quen réalité, les investissements ne sont que de 10 milliards de DH. Le gouvernement essaie de nous faire avaler un montant, que je considère comme inexact, de 70 milliards de DH générés par la Loi de Finances 2005 parce quil comprend les investissements des entreprises publiques comme lONCF et la RAM et ceux des collectivités locales. Comment peut-on confondre les investissements de lEtat avec ceux des entreprises publiques ? Autant prendre aussi Régional Air Lines ! Par ailleurs, nous savons tous que les investissements des collectivités locales sont constitués essentiellement des dépenses de fonctionnement. Donc, le chiffre annoncé de 70 milliards de DH est juste un artifice pour maquiller les comptes. Le PIB hors agriculture oscille autour de 3% et ne subit pas limpulsion dune politique déterminée. F. N. H. : Lélaboration du Budget a pris comme hypothèse 35 dollars le baril du pétrole alors que ce dernier frôle actuellement 56 dollars. Ne pensez-vous pas que cette élaboration a été faite dans un cadre trop optimiste ? N. A. : Cest clair ! 35 dollars, ce nest absolument pas réaliste. Fonder larchitecture de la Loi de Finances 2005 sur une hypothèse de 35 dollars le baril du pétrole est une décision purement politique afin de maintenir le déficit budgétaire dans la limite de 5%. On a encore recours à ces manipulations pour maquiller les comptes budgétaires. Si lon fonde les prévisions sur 50 dollars le baril, le Budget serait intenable. Malheureusement, les gouvernements nont rien fait en matière de réformes fiscales. Raison supplémentaire pour être pessimiste !