Les Lois de Finances au Maroc se suivent et se ressemblent. Le projet de budget 2004 ne déroge pas à la règle. Tourné essentiellement vers la sauvegarde du dogme des grands équilibres, il est dépourvu de cette vision audacieuse qui incarne l'ambition de la réforme. Le projet s'appuie essentiellement sur les recettes de la privatisation de la Régie des Tabacs, aussi exceptionnelles que tarissables. Or, le coût du dialogue social et la réduction prévue des impôts s'inscrivent dans la durée, au risque d'alourdir le déficit budgétaire. Le conseil de gouvernement a approuvé, vendredi 26 septembre dernier, le projet de Loi de Finances 2004. « Le conseil a insisté sur les orientations tracées, à savoir la poursuite de l'effort d'investissement de l'Etat, à travers le budget, le Fonds Hassan II et les établissements publics, l'encouragement des investissements privés, la mise à niveau de l'entreprise et la promotion des exportations», a déclaré Nabil Benabdellah, ministre de la Communication, porte-parole du Gouvernement. Au menu de ce projet de loi, de nouvelles mesures incitatives. Réforme de la fiscalité locale, droits d'enregistrement et de timbre, mesures fiscales, zones franches d'exportation, places financières offshore et centres de gestion de comptabilité agréés… ont, à cet égard, constitué les grandes orientations budgétaires pour la prochaine législature. En tête, la proposition de réduction du taux de l'IGR de 44 à 41,5 % pour encourager l'investissement, une vieille doléance du monde de l'entreprise, est ainsi prise en considération. Par conséquent, le patronat représenté par la CGEM, doit s'estimer satisfait! Par contre, la question de la patente, «l'import imbécile» selon le patronat reste entière. Il n'a de cesse de plaider en faveur d'une redéfinition de la méthode de son calcul. Un autre sujet de controverse régulier figure en bonne place dans le projet de loi de Finances 2004. La TVA voit son taux appliqué à l'énergie électrique passer de 7 à 14 %. Une autre mesure préconisée et qui ne passera pas inaperçue concerne la sanction à appliquer pour défaut de déclaration, soit une amende de 500 DH. Autre point qui ressort dans le projet de loi de Finances 2004, le chantier de l'enregistrement qui se traduit par la réduction du nombre de taux et la baisse des tarifs dans certains cas. Par contre, les banques doivent encore attendre. La loi de Finances 2004 ne répond pas aux demandes réitérées des banques qui voudraient, en matière d'impôt sur les sociétés, être alignées sur les sociétés d'une façon générale. Consolation tout de même, les avantages des sociétés de bourse, adossées aux banques pour la majorité, sont maintenues en l'état. Toutefois, les observateurs s'attendent à une véritable « acrobatie » budgétaire. Driss Jettou risque de manquer de moyens pour la réalisation de ses ambitions. Les recettes fiscales, essentiellement en provenance des droits de douane, sont en baisse. Les privatisations porteuses relèveront désormais du passé. Les concessions sociales, l'augmentation du Smig de 10 % sur deux ans en tête, seront difficilement honorées, ceci alors que le déficit réel, hors privatisations, dépasse les 5 % au lieu de l'objectif des 3 %. «Du point de vue financier, maintenir les équilibres financiers est de nature à plaire aux bailleurs de fonds, mais de point de vue économique, la dynamique de relance affichée risque d'en pâtir», laisse entendre un analyste financier. D'ailleurs, la question de la philosophie fiscale reste posée. La relance de la consommation est-elle une volonté réelle du Gouvernement ? Les facilités fiscales inscrites au projet de Loi de Finances 2004 sont de nature à profiter aux riches qui consomment le moins. Alors que la proportion marginale apte à consommer, autrement dit pauvre, reste le moteur réel de toute relance par la consommation. «Au lieu d'une progression, c'est la régression qui prime surtout pour les petits salaires», estimait le professeur Najib Akesbi pour qui, la pression exercée sur les bas salaires, poussant même des personnes payées au SMIG à payer de l'IGR, est certainement à reconsidérer. Il faut plutôt étirer la taxation de manière à augmenter le taux marginal sur les tranches plus élevées, précisait-il car l'iniquité est à tous les niveaux. Le montage actuel du projet de Loi de Finances est plutôt décrié pour son aspect «populiste» plutôt que pragmatique. Les mesures annoncées semblent vouloir faire plaisir à une large population. La baisse des impôts est, assurément, le meilleur cadeau qu'un gouvernement puisse faire. Toutefois, il faudra bien trouver une compensation. Les observateurs s'attendent, encore une fois, à une augmentation des taxes. Les carburants et les tabacs pourront encore faire l'objet d'une hausse de leurs taxes respectives. D'ailleurs, la surprise des industriels, cimentiers en tête est là pour rappeler ce genre de pratiques. La réduction de la Taxe Intérieure de la consommation (TIC) a fini par atterrir sur le compte du Fonds de Solidarité Nationale…Mais tous les moyens sont bons pour boucler des fins de lois de Finances difficiles!