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La science médico-légale au service des droits de l'homme
Publié dans Albayane le 25 - 10 - 2022


3ème Congrès National Médecine Légale 2022
Ouardirhi Abdelaziz
La Société Marocaine de Médecine Légale a organisé les 20 – 21 et 22 octobre 2022 à Marrakech, son 3e Congrès National de Médecine Légale.
Cet évènement scientifique est une occasion idoine pour les spécialistes, le corps de la magistrature, de la sureté nationale, des associations des droits de l'homme, de se retrouver pour échanger et débattre les nouveautés en médecine légale, de suivre des interventions sur différents thèmes présentés par d'éminents conférenciers.
Pour en savoir plus sur la médecine légale au Maroc, Al Bayane a rencontré le professeur Abdallah Dami, éminent spécialiste de médecine légale, président de la société Marocaine de médecine légale, et président de ce 3e congrès national.
Le 3e congrès national de médecine légale, est un évènement scientifique dont l'importance n'échappe à personne, eu égard aux nombreux rôles que joue aujourd'hui la médecine légale dans la compréhension de nombreux problèmes de santé, d'accidents, de violence, de crimes, causes des décès, l'expertise médicale.
Les thèmes principaux qui ont été développés lors de cet événement concernent la Médecine légale et la traite des êtres humains ; la place de la Radiologie, spécialité aujourd'hui hautement technologique et informatique et numérique dans les l'élément recherchés par la médecine légale.
Autre thème et non des moindres qui a été au programme de cette troisième édition, c'est celui de la Violence à l'égard des femmes.
Ces trois thèmes ont été présentés en séances plénières. Les organisateurs de ce congrès ont programmé trois ateliers : l'anthropologie médicolégale ; imputabilité et état antérieur ; certification des causes médicales du décès.
Ce congrès s'est déroulé à la faculté de médecine et de pharmacie de Marrakech, un haut lieu de la science et du savoir.
Pr Abdallah Dami, président de la société Marocaine de médecine légale, et président de ce 3e congrès national de médecine légale.
Al Bayane : Quel est l'état des lieux de la médecine légale au Maroc ?
Professeur Abdallah Dami : Il faut dire qu'aujourd'hui, nous sommes relativement contents de l'évolution que connait la médecine légale au Maroc. On ne peut pas dire que nous sommes pleinement satisfaits. C'est pourquoi nous travaillons pour faire mieux, pour aller de l'avant.
Aujourd'hui, nous sommes 24 médecins spécialistes en médecine légale à exercer sur l'ensemble du territoire national. Ce chiffre qui parait insuffisant est à comparer avec l'existant d'il y a à peine huit années, où le nombre de médecins légistes était de 13. Donc, il y a un travail qui est entrepris sur le plan de la formation, mais qui reste disons le insuffisant.
Il faut noter que les activités médico-légales sont entreprises aujourd'hui des médecins spécialistes de médecine légale, mais aussi tout médecin. A ce propos, la loi 77/17 est venue pour cadrer cette pratique médico-légale.
Elle accorde l'autorisation aux seuls médecins qui ont des capacités, ou des formations dans le champ de la médecine légale, d'exercer les activités médico-légales.
Ceci dit, il reste à savoir comment on va qualifier ces personnes ?
A ce sujet, un comité a été diligenté récemment pour s'enquérir sur ces formations, et valider les personnes qui seront habilitées à exercer les activités médico- légales. Cette approche va aider la pratique de la médecine médico- légale dans notre pays.
Mais cela reste une solution insuffisante du moment que nous ne formons pas des spécialistes de médecine dico- légale.
Quels sont les champs d'actions de cette discipline médicale ?
Vous savez, les citoyens ont une vision fausse concernant le médecin légiste. Nous sommes malheureusement connus en tant que médecins légistes qui s'occupent des morts.
Cette corrélation est fausse, car la majeure partie de nos activités en tant que médecins légistes se déroule avec les personnes vivantes.
Vous savez la médecine légale fait la liaison entre les données médicales et les questions de droit, les questions de loi. C'est-à-dire que lorsqu'il y a une infraction qui porte sur la biologie humaine, la justice a besoin d'avoir en sa possession des éléments très clairs.
Ces éléments seront éclairés par le biais des preuves scientifiques, qui sont amenées par un médecin légiste, qui connait la médecine et les textes de loi afin de corroborer ces données avec les textes de loi.
C'est une médecine qui s'intéresse aux cas de la violence, que ce soit sur certaines personnes vulnérables comme les enfants, les femmes et les personnes âgées.
Il faut dire que la médecin légal est comme un thermomètre de la violence qui existe dans la société. Cela nous permet de faire des évaluations des dommages subis, et une évaluation après consolidation concernant les victimes des différents incidents et accidents traumatiques, que ce soit des faits accidentels, ou criminels comme les agressions, ou des faits d'ordre social tels les accidents de travail. Nous intervenons face à un décès, quand la mort est suspecte, crime, suicide, accident. On réalise des autopsies et on donne des réponses aux questions posées par le parquet.
Qu'en est-il de la médecine légale et les droits de l'homme ?
Il existe une relation entre les deux, celle-ci est ancienne .
Le médecin légiste aide les victimes dans l'évaluation des dommages pour apporter la preuve, que ça soit par la rédaction de certificats médico- légales, lorsqu'une personne est victime d'agression, le médecin va établir le lien de causalité entre le fait en cause et les conséquences de cette infraction. Grace à l'autopsie, le médecin légiste va éclairer la justice, et permettre à chaque partie et aux ayants droits de bénéficier d'un procès juste et équitable. Exemple, éviter qu'un crime crapuleux ne soit maquillé en suicide...
Dans les infractions des agressions sexuelles, le médecin va apporter la preuve de ces agressions subis par la victime, par la matérialisation des faits.
Le médecin légiste intervient aussi dans les cas des gardes à vue, et l'état de santé des concernés par ces gardes à vue. Il répond aux réquisitions formulées par le parquet et donne son avis quant à la compatibilité de l'état de santé du détenu à rester dans les locaux de la garde à vue . C'est une question pertinente qui va épargner les conséquences néfastes que peut avoir une décompensation d'une pathologie lors de la garde à vue.
Concernant un décès en milieu de détention, celui-ci nécessite l'intervention d'un médecin légiste pour déterminer la cause du décès, et la forme médico-légale du décès. C'est-à-dire, est-ce que c'est une mort naturelle, mort accidentelle, criminelle ou suicidaire, et est-ce que l'intervention de l'administration pénitentiaire a respecté les droits du détenu ? Tous ces éléments démontrent que la médecine médico-légale entretient une relation étroite avec les droits de l'homme.
Quels sont les objectifs que vous visez pour ce 3e congrès national de médecine légale ?
Tout d'abord, il y a lieu de rappeler que nous continuons le travail qui a déjà été entrepris, en mettant le doigt sur des sujets d'actualité. C'est notamment le cas de la radiologie et la médecine médico-légale. On utilise la radiologie chaque jour, que cela soit criminel, accidentel, ou dans le cadre social comme les accidents de travail.
Cette relation doit se faire dans les bons termes, bonnes relations entre médecins légistes et les médecins radiologues. C'est là l'objectif du premier thème de notre congrès.
Le deuxième thème, c'est le principal : c'est la traite des êtres humains avec la promulgation de la loi sur la traite des êtres humains. Nous avons pensé que le médecin légiste doit être au centre de cette thématique et doit de ce fait, apporter son expérience, ses données scientifiques pour apporter la preuve de l'infraction de la traite des êtres humains du moment que l'on a commencé à avoir beaucoup de cas. C'st un objectif pour lequel nous avons réuni différents profils des juges, des universitaires, des institutions concernées comme le conseil national des droits de l'homme, le ministère de la Justice, la commission nationale anti-traite, ou bien la délégation inter- ministérielle aux droits de l'homme, des spécialistes de psychiatrie pour voir le côté psychologique. C'est là l'objectif de ce 2e thème.
Parmi les thèmes qui seront débattus tout au long de ce 3e Congrès, figure la violence à l'égard des femmes . Qu'est-ce qui motive un tel choix ?
Effectivement, la violence à l'égard des femmes, nous interpelle tous.
En débattre et en cerner les différentes facettes pour apporter des solutions est un objectif de ce 3e congrès national de médecine légale. Cependant, il convient de noter et de dire que ce thème n'est pas nouveau pour la société Marocaine de médecine légale. Je dirais même que le sujet est ancien, mais il revient dans nos discussions, dans nos débats, dans nos choix. Vous savez, la violence à l'égard des femmes est un phénomène de notre société. De ce fait, il nécessite de conjuguer les efforts de tous les intervenants pour pallier à cette violence.


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